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une vie de tto
4 octobre 2023

Silence radio

Elkabbach 01Je ne m'en suis jamais caché, j'aimais beaucoup le parcours, le style, les contradictions, la vision et le reste. Jean-Pierre Elkabbach, qu'on aime ou on déteste, ne laissait pas indifférent et, avec un peu d'honnêteté, il est difficile de ne pas reconnaître l'empreinte du journaliste.

Empreinte journalistique déjà ... et pas simplement qu'au sujet du journalisme politique. Le meilleur ami d'Alain Duhamel et de Catherine Nay n'a pas versé dans la facilité des deux précités en devenant éditorialiste bien qu'il fut évident que les interviews qu'il menait n'étaient pas celles qui auraient trouvé une place dans "L'Humanité". Oui mais voilà, Elkabbach, tout fasciné par le pouvoir et désireux de s'en rapprocher pour mieux approcher ceux qui l'incarnait, a mené tambour battant des entretiens pendant plus de 30 ans le matin sur Europe 1, avant à la télévision. Recevoir tout le monde ou presque, y compris les grandes figures de l'Histoire qui ont jalonné les années 60, 70, 80, 90, 2000 et 2010, voilà bien un palmarès qui n'est pas égalé ni ne sera égalable à l'avenir. Oui, celui que l'on appelait Jean-Pierre dans le microcosme ne sera plus égalé tant le spectre fut large et finalement vertigineux.

Empreinte professionnelle évidemment. Il fut journaliste, patron de rédaction, patron de chaîne, président de France Télévision, président d'Europe 1 ... Ce qui m'a toujours frappé, c'est la vision. Quand il arrive à Europe 1 en 1982, la station vient de perdre sa place de leader et il reconstruit patiemment avec Jean-Luc Lagardère la colonne vertébrale de la station  sur laquelle il créé l'émission "Découvertes" en fin de journée, reprend l'interview du matin et est le premier à la dupliquer, incarne le fameux "Club de la presse" du dimanche soir, et agrège avec Alain Duhamel et Catherine Nay la dream team de l'interview et de l'analyse politique. En 1993, il est désigné président de France Télévision et construit une grille qui fera vacille la toute puissance de TF1. Il attire sur les antennes du service public Jean-Luc Delarue, Arthur, Nagui, fait revenir Michel Drucker, pose les bases d'une information offensive [Benoit Duquesne sur une moto poursuivant Chirac en 1995, c'est lui] qui déborde parfois [les gants de boxe pour le face-à-face Le Pen/Tapie c'est lui aussi]. On lui doit le moment d'Histoire le plus impressionnant : l'interview d'un Président de la République mourant dont il accouche les confessions avec d'infinies précautions mais sans concessions. Il revient à Europe 1 en 1996 quand il est éjecté de France Télévisions, reprend son bâton de Maréchal de l'interview politique matinale et finit par prendre la présidence de la station pour suppléer les carences d'Arnaud Lagardère. Il féminise l'antenne avant les autres, remet du son dans les reportages, rappelle des vedettes pour redonner à Europe 1 ses atours clinquants. Il finit sur CNews quand Europe 1 se débarrasse de lui, arpentant les plateaux télé pour faire le récit de ses mémoires.

Elkabbach 02

Empreinte politique sans en faire. Brocardé par trop à gauche dans les années 60, trop giscardien en 1981, trop balladurien en 1995, idolâtre de Mitterrand pour les RPR, en pamoison devant Sarkozy, complaisant avec Hollande ... Jean-Pierre Elkabbach avait certainement le carnet d'adresse le plus fourni de la classe politique française. Il les a tous eus, tous vus à l'exception de De Gaulle et ... Macron. Le seul échange qu'ils ont pu avoir en 2014 s'est soldé par une sortie de route du Ministre de l'époque de sorte qu'il évitera le micro de Jean-Pierre Elkabbach lors de ses conquêtes électorales. Elkabbach créera et présidera la chaîne parlementaire Public Sénat où il fera débuter Léa Salamé et Sonia Mabrouk notamment. Défricheur de talents politiques certes, de talents journalistiques aussi ... il avait le nez et le goût d'être sur les bons coups avant les autres. Ce qui revient le plus, c'est l'idée d'infatiguable compétiteur ... au point d'agacer et de faire hurler ses concurrents. Il fera venir Laurent Gerra puis Nicolas Canteloup dans une matinale d'information à la radio, ce que tous les autres feront ensuite.

Le style pugnace, le travail ciselé des deux premières questions de chaque entretien comme une marque de fabrique, le débord systématique ... C'est une partie de notre histoire politique d'après-guerre qui s'en va avec le décès de celui qui a incarné jusqu'au bout des ongles Europe 1, station dont l'âme est partie avant lui. L'émotion suscitée par l'annonce de son décès hier soir permet de prendre la mesure non pas d'un entre-soi [bien qu'on ait vu se succéder les Tartuffes de circonstance] mais du poids de la page qui se tourne, avec le sentiment persistant qu'il n'y aura plus de retour en arrière. Les joutes en partie fantasmées avec Georges Marchais ne furent rien comparées à celle qu'il livra contre Bernard Tapie un dimanche soir sur le plateau de "Repères" sur France 3 où l'échange fut tellement dur qu'il donna l'impression que, pour une fois, Tapie avait trouvé plus fort que lui.

Tto, qui a en des souvenirs

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Commentaires
J
Merci Tto pour le rappel du parcours de ce grand journaliste.
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