Contrairement à tout ce que je lis et j'entends depuis dimanche soir, il est véritablement excessif d'envisager le naufrage du parti à la rose, le triomphe d'un Naboléon ayant soudainement retrouvé la main et la puissance d'un Front National épouvantail. Non non, je ne lis pas dans les résultats très clairs du scrutin à deux tours des Départementales tout ce que l'on y lit. Cependant, tu observeras certainement en me rendant hommage au passage que ceux qui hurlaient à l'absence de précautions lorsque je parlais de tripartisme à l'occasion de l'élection européenne de 2014 sont les mêmes qui théorisent à fond ce même tripartisme. Ah les politologues d'opérette me feront décidément pleurer de rire un jour à force de jouer les tartuffes.

Bon ... comme dans tout scrutin, il convient néanmoins d'en tirer quelques enseignements.

L'UMP aurait triomphé donc, Naboléon aurait trouvé la pierre philosophale pour transformer la machine à perdre [même contre elle-même, ce qui relève de l'exploit] en furieux jackpot électoral. Mouais mouais ... la poussée est évidente mais elle était tellement prévisible et logique que ne pas arriver à ce résultat eût dû être consideré comme un aveu d'incompétence manifeste de l'ancien Président de la République. Certes, il inverse la tendance, devient majoritaire en nombre de départements gérés mais n'a, selon moi, en rien résolu les soucis de porosité avec l'extrême-droite [bien au contraire] et surtout n'a proposé aucun programme au niveau départemental, feignant de s'indigner d'une nationalisation de la campagne alors qu'il y avait tout intérêt et qu'il a axé ses meetings uniquement sur une mise en cause directe et hors sujet de l'exécutif. A sa décharge, puisque les missions des départements seront fixés prochainement, il était facile de se vautrer dans cette ornière.

Donc l'UMP se réimplante au niveau local après avoir récolté les communes. C'est encourageant pour elle, avant son rebranding marketing, parce que la vie politique de ce pays se joue sur l'élection présidentielle mais pour autant que l'on dispose d'une assise locale forte. La mise au travail des nouveaux exécutifs départementaux sera lourde d'enseignements et permettra à ceux qui conspuent François Hollande de goûter aux joies d'une politique de droite, plus avare de deniers publics sur les aides sociales et, parait-il, plus rétive à augmenter les impôts. Nous verrons bien ...

L'assise locale, Marine Le Pen l'a bien mieux compris que son père et elle a enclenché avec Florian Philippot le mouvement d'ancrage local de son mouvement. Elle vocifère à la victoire alors qu'elle n'obtient aucun département, elle hurle à la progression spectaculaire alors qu'en partant d'un sortant elle était évidente ... bref, le Front National ne déçoit jamais ceux qui veulent comprendre de quoi il retourne en matière de démagogie et populisme. Mais on n'a pas assez souligné tout de même que, justement, le seul sortant du Front National aux élections départementales n'a pas été réélu ! Un oubli, certainement ... comme tant d'autres dans ce mouvement où l'on ne doute pourtant de rien [à part certains "détails" de l'Histoire], c'est même à cela qu'on les reconnaît il parait.

J'avoue, j'aurais préféré que Marine Le Pen gagne un voire deux départements. Oui ... j'aurais voulu qu'elle confronte son armée de candidats recalés aux castings de "Confessions Intimes" [merci le renouvellement du personnel politique, ça donne envie !] à la réalité de la gestion d'une collectivité territoriale, qu'elle fasse la preuve de ses recettes si fantastiques, qu'elle affiche ses performances. Elle ne peut désormais plus expliquer qu'elle est anti-système tant elle y participe avec sa représentation communale, départementale, régionale, à l'Assemblée Nationale comme au Sénat. J'aurais eu à coeur qu'elle quitte la critique et qu'on la regarde dans l'action. 
C'est, je le pense foncièrement, la limite du Front National qui, d'ailleurs, drague à tout va les fameux énarques qu'elle vomissait avec Papa il y a encore quelques années pour muscler un peu le désert de compétences qui l'entoure. L'UMP, qu'elle déteste tant, lui rend finalement le meilleur service possible en refusant les alliances. Les mouvements extrémistes ont toujours périclite de la sorte : en s'associant au pouvoir, ils se décridibilisent et se font absorber par des partis de gouvernement à plus forte raison parce qu'ils sont constitués de gens frustrés avides de pouvoir et donc corruptibles au plus haut point. C'est exactement ce qui s'est passé dans nombre de pays européens où lorsque l'extrême droite a fait partie d'une coalition gouvernementale, elle a fini par s'y dissoudre. En lui refusant cela, l'UMP [dont le centre de gravité tangue vraiment vers l'extrême droite] lui laisse un boulevard qui est un fantastique fonds de commerce lepeniste.
Et puis, la guerre avec Marion Maréchal-Le Pen est entamée ...

A gauche, oui ce n'est pas glorieux mais c'est tellement mieux que je ne l'avais imaginé qu'il faut savoir s'en satisfaire honnêtement. Ok, le PS a perdu la moitié des départements gérés mais, franchement ... comment pouvait-on imaginer qu'il allait les conserver alors que la crise économique gronde, que l'exercice du pouvoir condamne l'exécutif à perdre toutes les élections intermédiaires et que le niveau du PS en termes de responsabilités locales était anormalement élevé depuis plusieurs décennies [on avait même envisagé que le PS ne soit plus qu'un parti de gouvernement local !!!]. Donc oui, il y a une correction qui peut apparaître sévère à la lumière des symboles corréziens, nordistes et essonniens qui ne manquent pas d'amuser les éditorialistes. Pourtant, au regard de la popularité tant de Manuel Valls que de François Hollande, conserver presque un tiers des départements est une belle performance et donne une bonne idée du seuil de résistance du Parti Socialiste dont je pensais qu'il était plus bas. Au niveau sociologie politique, cela enseigne que la France n'est pas tant à droite que cela.

Ensuite, si l'on regarde bien le bloc de gauche, le PC est moribond mais résiste. Le Front de Gauche est à l'agonie et les écologistes sont en pleine implosion, certains étant plus soucieux de se fondre dans le PS. Restent les frondeurs ... Alors qu'on aurait pu penser qu'ils tirent leur épingle du jeu, et bien non : la ligne de gauche du PS n'a même pas été récompensée de son opposition de circonstance quasi irresponsable. C'est même incroyable d'entendre ceux qui pourfandaient Valls et Hollande quelques semaines plus tôt venir appeler dimanche soir au rassemblement ... on nage en plein burlesque.

Il en ressort quoi ? Que les élections régionales vont être compliquées pour la Gauche sauf si les résultats économiques se confirment dans leur embellie. On va voir si Marine Le Pen acceptera de se mesurer directement à l'élection en se portant candidate dans le Nord [et si elle gagne, ce qui est possible, là j'accepterais que l'on parle d'un "coup de tonnerre"]. On va pouvoir s'amuser de voir les caciques de l'UMP reprendre de la vigueur sous l'influence bénéfique de la victoire et donc ... se re-déchirer à mesure que la campagne pour les primaires s'annonce. Parce que oui ... avec les Départementales, la France a entamé le cycle électoral permanent qui va la mener jusqu'aux élections présidentielles et législatives de 2017. On va en bouffer et le climat va s'hystériser ...

Moi, je te le dis encore une fois : François Hollande est loin d'avoir perdu sa réélection ...

Tto, bien amusé de voir que tout ce qu'il a prévu se met doucement en place