Si tu m'as lu avec attention, tu ne peux feindre l'étonnement ...
Si tu as essayé de me comprendre, tu ne peux tomber de l'armoire ...
Si tu envisages les choses comme moi, tu as nécessairement compris ...

Dimanche après-midi, mon frangin, qui corrigeait des copies en étant accablé par certaines d'entre elles, m'écoutait deviser avec ma Môman au sujet de mes recherches. Oh pas grand chose : juste qu'en une semaine, à force d'épelucher les tables décénnales du Nord Pas de Calais, j'ai reconstitué un arbre de la famille de mon Pôpa [famille dont il se coupe méthodiquement depuis de nombreuses années] et je suis parvenu à remonter jusqu'à avant la Révolution, 1767 pour être précis.

Pour ma Môman, c'est extraordinaire ... en définitive et sous réserve que l'on dispose d'un peu de méthode et que l'on rentre dans la logique administrative considérée, c'est finalement assez simple même avec des informations si parcellaires qu'on ne peut normalement en faire grand chose. Bref, j'ai raconté l'histoire de ma famille paternelle ... mon Pôpa faisant comme si cela ne l'intéressait pas, plus peut être, mais je le connais comme si je l'avais fait : il n'en a pas loupé une miette ! Pourtant, ces recherches accomplies, il se trouve que je suis un peu coincé pour disposer d'informations relatives à des branches qu'il a coupé très tôt, des gens dont il a considéré qu'il n'avait plus vocation à les fréquenter ... nous emportant derechef dans cette direction. Or, ce cousin en question, celui chez qui j'ai fait du char à voiles, j'ai besoin de savoir ce qu'il sait ...

Ni une ni deux, ma Môman [comme pour se fixer un défi à elle-même] me demande si je l'autorise à les appeler ! #WTF suis-je tenté de dire ... Comment diable disposerais-je du pouvoir de l'autoriser à cela ?? Mais, elle aussi, je la connais et sans cet aval, c'était peine perdue donc j'ai acquiessé, elle a pris son téléphone, pris son sourire de petite fille qui saute pour la première fois du grand plongeoir et elle a appelé ... rompant ainsi un silence de plus de dix ans. Comme il fallait bien me refiler le bébé d'une manière ou d'une autre puisque j'étais l'alibi, elle m'a passé el téléphone pour parler au cousin de mon père, nosu avons échangé nos adresses électroniques et c'est ainsi que je lui pose depuis plusieurs jours plein de question auxquelles il a les réponses.

Une fois que j'ai eu raccroché, j'ai félicité ma Môman [sinon, ça serait un drame] et mon frangin m'a regardé silencieux et m'a demandé :
"Mais pourquoi tu fais tout ça ?"
Parce que je n'avais pas envie de rentrer dans des considérations profondes ou une discussion trop longue, j'ai botté en touche [ce qu'il a parfaitement intégré] en expliquant que, finalement, je trouvais assez logique de parfaire ma connaissance d'une famille à laquelle j'appartiens. Oui ... que l'histoire des miens m'intéressait. Il fallut bien qu'il se contenta de cela, il n'eut pas le choix.

Le fait est que l'on m'a posé la question au moins trois fois depuis peu ... Pourquoi aller remuer les souvenirs et les noms surgis du passé, pourquoi aller essayer de modeliser les branches d'un arbre familial alors que cette famille, justement, nous n'avons pas vraiment su quoi en faire ... ni comment la gérer. Au surplus, je vis avec un garçon qui a une peur panique de toute "familialité" [j'ignore si le terme existe mais j'assume la paternité de ce néologisme]. J'ai, moi-même, décidé de remettre à leurs places plusieurs membres de cette famille en les renvoyant à leurs agissements puerils et indignes de ma mansuétude. Et pourtant ...

Pourtant, j'ai envie de ça. J'ai envie, paradoxalement, de leur être utile en leur racontant d'où ils viennent. J'ai envie de savoir d'où je viens, j'ai envie d'être touché en lisant le livret militaire de mon arrière grand-père que j'ai retrouvé il y a une semaine et de m'en faire une image particulière. J'ai envie d'être excité à trouver des pistes qui se confirment comme s'il s'agissait d'une enigme grandeur nature, d'une chasse au trésor où le Graal est un aïeul, une cousine ou que sais-je encore. Je me délecte de l'histoire des uns et des autres, de trouver des enfants morts très jeunes qui avaient disparu du radar de tous [comme pour réhabiliter leur présence au sein de cet arbre], de comprendre l'entremêlement de mes familles paternelles et maternelles, de faire la liste des questions que je prie d'avoir encore le temps de poser à ceux qui pourront encore me répondre ...

Certains verront là dedans un retour aux sources parce que je manque un peu de repères envisageant certains changements avec lesquels je ne suis pas à l'aise. Mes détracteurs [familiaux, notamment] considèreront que c'est ma nouvelle lubie pour me rendre intéressant. D'autres noteront que je suis en pleine crise nostalgique. Moi, je pense que la vérité est que je le fais parce que cela m'intéresse profondément. Cela m'intrigue, cela me donne peut-être l'illusion de rapprocher les lignes, de jouer les intersceceurs ... Au surplus, comme je demande des tonnes d'informations sur les uns et les autres (les dates de naissance, les lieux de naissance, les noms des conjoints, etc), j'officialise encore davantage le fait que je ne suis pas célibataire et que je vis avec Zolimari. Cela passera moyennement peut-être mais je m'en fous ... ainsi que je le fais depuis le début : il est mon essentiel, qu'on le veuille ou non, qu'on l'accepte ou pas. Et finalement ... je suis assez fier d'être le premier de l'arbre à pouvoir mettre en guise de conjoint quelqu'un dont la case est de la même couleur que la mienne ... bleue !

Tto, qui n'avait pas envie de te parler de la Saint Valentin