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une vie de tto
23 octobre 2016

La première fois qu'on parle de son rôle de mère

La première FOIS

De façon inattendue, nous sommes revenus sur cette plaie béante qui l'habite depuis tant d'années, des dizaines même jusqu'à ne plus pouvoir compter les dizaines avec une seule main. Avec le temps, va tout s'en va parait-il, mais ça non, cela la hante toujours autant, profondément, viscéralement quasiment définitivement.

Avec le temps, j'ai appris à ne pas faire mienne cette croisade mortelle et destructrice, il y a des épreuves qui ne peuvent être les miennes. Pourtant, je comprends, j'écoute, je conseille et je désespère d'être entendu mais c'est vrai qu'il y a des choses faciles à dire qu'à faire. Et mes talents ne peuvent rien contre la perfidie accumulée depuis tant d'années, contre la rancoeur, contre l'irrationnel.

Parfois, le sujet revient sans prévenir et c'est avec douleur que je dois reprendre le rôle du grand frère avec elle. Pourtant, c'est ma mère et ce n'est pas à moi de lui dire ces choses là mais quand même, j'en ai assez de la voir souffrir depuis tant de temps, assez d'entendre encore qu'elle court après quelque chose qui n'existera jamais, assez de me dire qu'au fond d'elle-même elle refuse d'admettre que des garces sont des garces au motif qu'elles partagent un peu de sang en commun. Donc oui, hier matin ... avec Zolimari, elle a recommencé à nous raconter qu'elle essayait de tourner la page d'une relation mais qu'elle n'y arrivait pas, qu'elle n'y arriverait jamais.

Et en détricotant l'argumentaire victimisé qui est le sien et que je connais par coeur, en essayant de ne pas trop paraître dur et insensible au regard de ce qu'elle me raconte à chaque fois depuis que j'ai 10 ans, en remettant en perspective chacune de ses exagérations, je l'ai coincée à nouveau et comme toujours. Mais cette fois, après que ma mère m'ait à nouveau expliqué qu'elle ne comprenait pas la méchanceté de celles pour lesquelles elle se serait damnée jadis, je lui ai signalé que pour commencer à gérer un problème, il faut nécessairement arrêter de le mettre au centre de tout, d'en faire des pôles d'attraction magnétiques autour desquels toute l'activité devrait tourner.

Je lui ai également rappelé que, finalement, la boue vient toujours du marais et que la pertinence des attaques auxquelles elle a dû faire face était sujette à caution pour ne pas dire à envisager au travers d'une réfutation évidente. C'est alors que ...

- Oui mais Tto, tu sais, si elle ne m'avait pas fait ça, si elle ne m'avait pas broyée ... si on avait préservé mon innocence et mon enfance, cette joie de vivre qui était la mienne, j'aurais pu être une autre mère, une meilleure mère !
- Nan mais attends là ... de quoi parles-tu ??? Une meilleure mère, c'est quoi ? Tu te sens inférieure mais par rapport à quel niveau ?
- [en pleurs] Bah ... tu sais bien quoi ... je t'ai imposé des choses, je sais bien que tu as dégusté au passage de plein de choses ... Ton père aussi, on n'a pas été forcément au niveau tous les deux tout le temps ... Je leur en veux à mes soeurs de m'avoir poussé sur cette pente sans laquelle j'aurais pu être meilleure parce qu..
- Alors on va arrêter ça tout de suite hein ! Les parents idéaux, ça n'existe pas. On fait tous des erreurs, on se plante tous à des niveaux divers et, tous, on aurait pu toujours mieux faire. Bien sur ... mais le mieux, c'est toujours l'ennemi du bien et je préfère que tu aies bien fait plutôt que tu te sois perdue à essayer de faire mieux. En plus ... de quoi tu te plains ? As-tu seulement un jour entendu mon frère ou moi vous reprocher des choses ? Bien sur que tout n'a pas été rose, bien sur qu'on aurait pu faire l'économie de certaines blessures et plaies ! Mais après ? J'suis SDF ? Drogué ? J'ai raté ma vie ? Tu crois vraiment que là, avec l'homme de ma vie à côté de moi, j'ai l'air de quelqu'un de totalement accablant de désespoir ? Nan mais oh !!! Et mon frère, père de deux magnifiques enfants, tu crois qu'il est au minimum de ce qu'il aurait pu faire dans la vie ? Alors arrête ... ça suffit de pleurnicher comme une petite fille qui n'a pas la poupée qu'elle voulait dans le magasin et qui vient dire que sa vie est pourrie.
- Ce n'est pas ce que j'ai dit ...
- Si ! C'est exactement ce que tu as dit et tu rends encore un fier service à tes soeurs en faisant cela et en leur donnant une place qu'elles ne méritent pas. Ce n'est pas à cause d'elles que quelque chose est arrivé dans ta vie. C'est grâce à toi ! Sois fière de ce que tu as fait nom d'un chien ! Combien signeraient pour être à ta place ? Nan mais tu te rends compte ? Tu es encore en bonne santé, tu as deux enfants qui t'aiment, tu vis avec l'homme que tu aimes, deux petits enfants qui te couvrent d'amour, des amis partout, une maison où ton seul souci est de te demander comment tu vas refaire ta salle de bains, tu sors, tu fais des expos, tu fais ce que tu veux de tes dix doigts ... et là, tu viens me dire que tu n'as pas eu la vie que tu voulais parce que tes soeurs perverses ont été abominables avec toi ? Mais non, tes soeurs auraient rêvé que tu divorces, que tes enfants se plantent ... surtout tes soeurs se délectent je le pense de la place inouïe que tu leur réserves encore, cette place centrale qui fait que tu conditionnes ton regard sur ta propre vie en fonction d'elles !
- T'es dur là ...
- Nan, je ne suis pas dur, je suis juste. Moi, tu sais quoi ? Ce sont mes tantes et pourtant, je n'en ai plus rien à faire parce qu'elles m'ont montré la pire image de la famille et je sais, au fond, qu'elles sont à plaindre tant leurs vies sont accablantes. Je ne les juge pas mais je leur défends [et une plus que l'autre] de ternir la moindre seconde de mon avenir. Je les laisse à leur triste sort, leur médiocrité quand il ne s'agit pas d'une existence tragiquement creuse. Elles sont bêtes mais je m'en fous parce que, pour moi, elles n'existent plus. Toi, tu les mets au centre et tu en viens à les laisser déprécier ton rôle de mère alors que tu as certainement mieux réussi qu'elles deux réunies. C'est ton choix mais moi, si j'étais toi, je profiterais de la vie et de ce qu'elle m'offre à 150% plutôt que  perdre du temps à brasser un passé qui ne changera jamais et vis à vis duquel plus rien n'est réparable avec elles. Entends-moi bien une bonne fois pour toute : tu as été la mère qu'il fallait et tu peux regarder tous les jours la démonstration de cela en regardant vivre tes enfants !

Après avoir essuyé ses larmes, elle est revenue m'embrasser en me remerciant pour ces paroles. "Merci de m'avoir parlé comme ça" m'a-t-elle glissé dans le creux de l'oreille. Je n'ai pas à être remercié, j'ai juste dit la vérité sans ajouter ce que je pense vraiment tant je suis impressionné par ma mère et le chemin difficile qu'elle parcourt.

Tto, fils à sa maman

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