Le cap est franchi ... 
Dans moins de cinquante jours, tu feras [ou pas, mais au moins tu seras invité à le faire] ton choix. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y en a qui t'aident.

Entre Mélenchon qui accumule les coups d'éclat, la fille de qui n'arrive plus à trouver une dynamique, François le Béarnais qui ne sait plus comment taire ce qu'il devra bien dire un jour, les lilliputiens de l'extrême gauche qui n'existent pas, Eva dans le mur qui tient bien les promesses de son surnom, François Hollande déroule avec une étrange facilité qui confine à l'amorphe et Naboléon qui accumule les erreurs et ne peut plus davantage réprimer son caractère impulsif qui lui fait dire n'importe quoi [un peu à l'image de ces cinq dernières années] ...
Oui, décidément, le choix se fait presque tout seul.

Moi, ce qui me rend les choses étranges, c'est de voir la déroute du candidat sortant qui, après le regain de forme résultant de son entrée en campagne, a passé une semaine proche de l'épouvantable au point que je pense qu'il a compromis une partie du dessein qu'il poursuit. Parce qu'en fait, les recettes artificieuses ne valent que pour la première fois qu'elles sont utilisées, à plus forte raison en ces temps de décryptages systématiques et multi-canaux.

Et bien la semaine dernière, se rendant dans une ferme où les deux agriculteurs se plaignaient de ne pas y arriver et d'avoir toutes les peines à voir l'avenir avec confiance, le candidat UMP qui sortait des échauffourées basques qui lui firent recevoir quelques oeufs n'a rien trouvé de mieux que de ne pas compatir et même faire preuve de cette arrogance qu'on lui connaît tant :
L'agricultrice : "En agriculture on n'est pas aux 35 heures"
Nicolas Sarkozy : "Moi non plus"
L'africulteur : "Ouais mais on n'a pas le même salaire"
Nicolas Sarkozy : "Franchement, moi ch'uis pas propriétaire de 40 hectares"

Jolie et curieuse façon d'opposer à la complainte le "Je m'en tape de tes problèmes à la con, pour moi aussi c'est pas si simple" ... curieuse façon de faire une campagne surtout quand on sait que les agriculteurs sont censés être un électorat naturel pour la droite [si longtemps chouchouté par Jacques Chirac]. C'est à ce genre de signes que je pense que Naboléon est cuit, cramé, trop énervé, trop usé et la difficulté de ses contritions au sujet du Fouquet's sont encore plus accablantes.

Oui, les délires des caciques de l'UMP sentent un peu le désespoir de sorte que, sauf accident de dernière minute, le candidat socialiste même tout fade et en cruel problème de rythme de campagne, devrait arriver à se qualifier facilement contre un sortant qui fait à peu près tout ce qu'il ne faut pas faire : fausses promesses, course à la une des chaînes d'info, recherche de l'angle d'attaque quand il ne s'agit pas la vile polémique qui discrédite davantage qu'elle n'aide. A ce jeu là, Bayrou peut sortir du chapeau et mettre Naboléon au tapis s'il continue ainsi. Parce que l'éléection se gagne au centre et surtout consacre souvent celui qui garde la tête froide [et c'est même comme cela qu'il a gagné en 2007 contre Ségolène].

Dans la cuisine électorale, il y a donc un cap important qui vient d'être franchi. La cristalisation à 50 jours ...
On dit souvent que l'opinion se cristalise à la fin du mois de février, c'est à dire que les positions ne bougent plus qu'à la marge, sauf accident majeur. C'est ainsi ... Or, l'écart du dernier sondage est ahurissant quand même ... Bayrou et Le Pen à égalité à 15, Naboléon à 23.5 et Hollande à plus de 30. Une amplitude pareille n'était même pas ce dont jouissait Nicolas Sarkozy en 2007, de sorte que tous les sondeurs que je croise ici et là disent à peu près la même chose : c'est pratiquement plié parce qu'en plus, on sent bien qu'il n'a plus de jus le locataire de l'Elysée. En outre, je partage carrément l'opinion de ceux qui expliquent qu'il s'est planté de stratégie à trop axer la campagne sur les idées très à droite comme pour cannibaliser le FN dont il n'a pas grand chose à craindre à la lumière du discrédit de Marine Le Pen alors qu'il aurait été plus efficace d'aller jouer au centre pour rogner sur Bayrou et Hollande. Patrick Buisson et Guillaume Pelletier [ex conseiller de Len Pen père et De Villiers] ne sont finalement si clairvoyants que cela ... et tant mieux.

Naboléon n'échappera vraisemblablement pas au bilan qui est le sien et qui est désastreux. Certes, la crise toussa ... mais les belles envolées de la Place de la Concorde qui lui firent dire "Je ne vous décevrai pas" sont des additions qui vont se payer bien cher. Et je crois que le moment approche ... En tout cas, l'opinion ne se laisse pas entrainer sur le terrain national et a décidé de rester sur l'économie et le chômage. L'opinion se cristalise et le camp sarkozyste prend peur et joue des mêmes fantômes qu'en 1981 pour annoncer l'apocalypse si l'alternance se fait. D'ailleurs, cette campagne ressemble beaucoup à celle de 1981 ... jusque dans le slogan.

François Hollande n'est pas charismatique, ne fait pas rêver mais les sondeurs sont unanimes : l'élection ne se fera pas en faisant rêver, elle se fera sur la raison. C'est inédit mais c'est ainsi.
Demain soir,  Naboléon jouera gros sur France 2 dans "Des paroles et des actes". Le lendemain matin, François Hollande aura deux heures pour répondre au candidat sortant sur Europe 1 et ses millions d'auditeurs. C'est ce qui est terrible : Hollande a gagné la bataille du rythme, du positionnement et la cristalisation.

Tto, qui regarde sa sixième campagne avec attention