Un petit coup de polish pour mieux prendre son pied
Naguère [un jour, je t'expliqueai la différence entre "jadis" et "naguère"], on m'a dit :
"Tu sais Tto, en regardant les chaussures d'un homme, on en apprend beaucoup sur lui."
Je ne sais pas pourquoi mais j'ai toujours considéré que ce n'était pas faux et je me suis souvent attaché à entretenir comme il le fallait mes souliers. Ce n'est pas que je veuille apparaître comme celui que je ne suis pas, que je veuille prétendre à une image qui n'est finalement pas la mienne ... non, juste que j'aime beaucoup être nickel et que si j'en suis à faire la guerre aux noeuds mal faits [de cravate hein ... quoi que les autres aussi on pourrait], aux associations de couleurs périlleuses, aux styles dépareillés, aux accidents capillaires ... tu imagines bien que les chaussures ne font pas exception à la règle.
Tu vois par exemple, samedi dernier, j'avais mes chaussettes Maya l'abeille toutes bariolées et rayées de jaune et d'orange ... Lorsqu'il a fallu aller dîner samedi soir, je me suis demandé quelles chaussures j'allais mettre ... Et là, tout naturellement, le choix s'est imposé de lui-même : mes Nike orange ! Elles sont si orange que m'écraser en pleine nuit relève à l'évidence du crime prémédité et purement intentionnel. Et pour m'écraser, c'est comme pour les shoes ou accéder à certains de mes secrets ...
Oui, je trouve que Martine, ça te va pas mal dans le fond hi hi hi
Or donc ... dimanche après-midi, une fois que ma douche fut prise vers 16h [oui, on a légumé grave avec Zolimari ... l'oisiveté est mère de tous les vices], j'ai voulu ranger mes jolies souliers couleur agrume d'Alicante ou de Floride. C'est alors que je suis retombé [comme lesdites chaussures puisque mon placard à chaussures compte une vingtaine de paies entassées et rangées en ordre de pagaille] sur de bien jolies chaussures de ville. J'ai alors pris un petit chiffon, une boite de cirage noir, une bombe déo et je me suis occupé de mes richelieux ...
J'ai appliqué consciencieusement la crème de cirage partout, sur les coutures, mes doigts ont appuyé exactement là où il fallait que cela pénètre, j'ai épousé la forme fuselée de l'objet ... ma main gauche qui était dedans guidait et faisait obliquer de façon idoine afin que le geste n'en fut que plus efficace.
Outre le fait que lustrer mes souliers est agréable parce que cela les rend beaux et brillants tout en atténuant leurs défauts témoignant d'une utilisation quotidienne, cirer mes chaussures me fait toujours la même chose : cela me vide la tête.
Je me suis encore fait la réflexion : je ne pense plus à rien et limite, je me détends.
Avec doigté, j'ai changé les lacets élimés en les remplaçant par des nouveaux, flambants neufs ... J'ai fait les boucles intérieures comme j'aime pour que le tissage de ces bouts de ficelle n'altère pas le profil du pied et ne déforme finalement pas l'objet.
En passant quelques instants plus tard cette brosse à chaussure comme mon Pôpa me l'a appris quand j'avais cinq ans, je me suis souvenu de ces années à vendre des chaussures. Rien ne m'attirait à faire cela [sinon le maigre salaire récolté pour profiter de ma jeunesse tandis que je poursuivais mes études ... que j'ai fini par rattraper] et pourtant ... j'ai aimé cet objet. Aujourd'hui encore, nonobstant les soixante paires que je possède [en des couleurs différentes, des formes variées et des utilisations diverses], il m'arrive de craquer encore pour une paire pointue, des baskets faussement teenager trouvées sur Carnaby Street ou que sais-je encore.
En finissant les huit paires que j'avais cirées, je les ai regardées et [alors que la raison aurait voulu que je me départisse de certaines] je me suis plu à m'imaginer les porter encore. J'aime être bien habillé de la tête aux pieds. Les chaussures ne sont pas un détail.
Les chaussures d'un homme en disent long sur lui : je te le confirme. Les miennes sentent bon, ont de la tenue, sont élégantes et brillent. J'irai presque jusqu'à dire qu'elles sont ... belles.
Tto, 43