Jeudi soir dernier, j'ai eu envie de toi ... de te sortir de ton écrin, de te libérer un peu, de t'offrir cette tribune annuelle au cours de laquelle tu gagnes quelques jours de liberté.

Avant que Zolimari ne rentre, je voulais te parer des plus beaux atours, pour que résonne un peu la magie de fêtes annoncées et affectées d'un marketing les dénaturant chaque année davantage à mon sens ...

Tu sais ce que je pense de toi et tes artifices pourtant, nous en avons déjà parlé par ici. Mon opinion n'a pas beaucoup varié même si je te concède, cette année, avoir eu un réel plaisir à procéder à ton érection, te déployer et jouer avec tes boules.

Il faut dire que tu es devenu un allié dans ce tourbillon ... tu es moins effrayant que les guirlandes lumineuses ...

Je n'ai à ton égard finalement rien à redire, tout à aimer et pourtant, je te redoute. Je te crains. J'angoisse lorsqu'il faut, au prix de cette figure imposée vaguement sociale, te sortir. Pourquoi ? Parce que tu es comme ces vieux amis que l'on fait tout pour ne pas revoir considérant qu'il sera encore plus difficile de les quitter après autant de temps. Et oui mon beau sapin, j'ai toujours de la peine à te remballer, à ranger tes guirlandes scintillantes, à te départir de tes boules et figurines ... Zolimari dit que je suis un grand sentimental ... je crois que je suis aussi très nostalgique et il y a des pages dont je persiste à ne pas comprendre qu'il faille s'astreindre à les tourner.

Jadis, chez mes parents, nous t'habillions le 24 décembre ... vers 20h ... avant que de n'avoir à nous préparer pour ce réveillon parfumé de tes senteurs boisées si caractéristiques, ce réveillon dont tu es définitivement l'un des emblèmes au point que l'on retrouvait toujours ta réplique sur la buche que Môman avait préparé avec cette déferlante de crème au beurre que j'aime tant. Ce n'est pourtant pas bon signe quand on s'avise de trop sentir ton odeur ... on dit souvent que ça sent le sapin ...

Sur tes pieds, tu es finalement le parangon expiatoire de tout cela ... Tu cristalises sur tes branches ce doré omniprésent qui ne sera plus de mise une fois que quelques jours auront passé après la Saint Sylvestre. Tu symbolises une magie avec laquelle j'ai, certes, pris de la distance mais qui me touche encore. Cet enchantement, je sais déjà qu'il aura une fin et je n'aime pas les histoires dont la fin est déjà programmée, je n'aime pas savoir déjà que dans quelques jours ton image sera avariée, décalée presque incongrue puisque nous serons passés à autre chose ...

Cette année, j'ai eu envie de te sortir contrairement à d'autres années où je n'avais pas sacrifié à l'exercice. Cette envie, je la payerai quand il faudra tout ranger, tout laisser derrière et remiser tout cela pour l'année prochaine.
J'ignore si tu es le plus beau ... En tout cas, tu es notre sapin et tu remplis un espace. Il faudra bien s'habituer au vide que tu laisseras quand ... quand les lumières factices de Noël devront laisser le champ.

Tto, qui n'a jamais fait son sapin aussi tôt