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une vie de tto
23 septembre 2022

La folle semaine télé

La folle semainePourtant, je m'y étais préparé ... mais il faut avouer que je suis loin d'avoir pensé que tout allait arriver à ce point !

Sans que tu en réalises les conséquences, la semaine qui vient de s'écouler vient, à elle seule, de changer profondément ton petit écran. Ah oui et pas qu'un peu au point que je pense utile d'y revenir rien que pour te donner de la perspective aux heures ainsi achevées, celles du drame en six actes.

1 - La fusion TF1 / M6 ne se fera pas
Ceux qui sont surpris n'avaient pas vraiment bien lu le pré-rapport de l'Autorité de la Concurrence rendu en juillet dernier, lequel concluait imparablement à la position dominante d'une fusion TF1/M6 sur le marché de la publicité mais les critiques pouvaient également être encourues sur le marché des droits audiovisuels [droits cinéma, droits séries, droits sportifs, etc] et je ne parle de la concentration des producteurs captifs que les deux chaînes pouvaient provoquer en fusionnant. Seuls Nicolas de Tavernost [le boss de M6] et Gilles Pelisson [celui de TF1] semblaient encore y croire comme s'ils étaient déconnectés de toute réalité alors que rien ne permettait d'autoriser un tel mariage contre-nature tant les cultures des deux groupes sont incompatibles. Pour autant, le projet de fusion était le seul possible pour qu'ils puissent survivre quand les audiences de TF1 et de M6 plongent gentiment mais surement depuis plusieurs années. Etre plus fort en conjuguant les faiblesses mais en agrégeant les volumes, voilà donc la seule logique qui devait tordre le bras aux principes de concurrence dont l'Autorité de la Concurrence demeure gardienne. Manifestement, ce n'était tellement pas assez que l'autorité administrative indépendante avait souhaité pour autoriser la fusion que TF1 ou M6 soit vendue ... ce qui était évidemment inacceptable. Du coup, vexés, les deux groupes ont jeté l'éponge et vont rester séparés comme depuis 1987 ... ce que les marchés financiers avaient anticipé depuis plusieurs mois tant les chances de succès étaient de l'ordre de 5%.

2 - M6 est KO
Du coup, les grands déçus sont à Neuilly où l'ambiance est terrible au siège de M6 qui accumule les bévues et la fin de règne de Tavernost procède davantage d'un épisode sanguinolant de "Game of thrones" que d'une succession organisée. Rien ne va plus ... l'actionnaire allemand Bertelsmann n'en démord pas : il veut se retirer du marché français où la création de valeur ne correspond plus à ses objectifs. La petite chaîne qui monte est à vendre depuis 2020 même si Tavernost n'y voit toujours pas un désaveu alors que ses dernières acquisitions sont calamiteuses [les chaînes Lagardère dont Gulli dont les audiences ne se redressent toujours pas]. Du côté du navire amiral, les audiences sont en berne et les écrans publicitaires se remplissent difficilement au point que l'on se réjouit quand "Les traitres" [programmé en catastrophe en fin d'été parce que personne ne savait vraiment comment se débarrasser du programme] ne font pas un four et accrochent 2,15 millions de téléspectateurs. Pour le reste, le cimetière des émissions se remplit à une vitesse industrielle, forçant à multi-diffuser "Kaamelott" sur quasiment toutes les chaînes du groupe ou les insipides productions maison ultra amorties mais qui évitent de diffuser la mire. Le modèle économique de M6 est en panne depuis des années et l'illusion a cessé depuis trois ans au point que le réveil est rude, ce que l'acquisition des droits sportifs tente vainement de compenser. Mais tant que Bernard de la Villardière et Julien Courbet continuent de déverser leurs ordures télévisuelles sur l'écran, tout n'est pas perdu.

3 - Tout le monde veut M6 ?
Comme l'allemand Bertelsmann a décidé de tout vendre [y compris la radio RTL et ses radios musicales], il faut faire de la retape et se faire au sort funeste dont on se gaussait jadis quand La Cinq changeait d'actionnaire tous les trois ans. Oui, aujourd'hui, M6 est dans la position de La Cinq en 1990 quand Robert Hersant a choisi de ne plus continuer l'aventure et de vendre à Jean-Luc Lagardère. Là, qui sera le chevalier blanc sauveur de M6 ? Les rapaces se sont montrés cette semaine et Bertelsmann espère clairement qu'ils seront nombreux parce que si M6 n'est pas vendue avant la fin de l'année, l'allemand devra en rester propriétaire cinq années de plus puisque c'est la condition du renouvellement de son autorisation de diffusion qui doit intervenir en mars 2023, pour le trente-sixième anniversaire de la chaîne.
Au ban des prétendants, on trouve quasiment tout le monde : Xavier Niel, allié ou non avec Matthieu Pigasse via Mediawan [qui a racheté tout le groupe AB Productions], rêve de poursuivre l'édification de son groupe de média [il possède déjà Le Monde mais a loupé La Provence] aux côtés de la machine à cash Free ; l'armateur CMA GCM [qui a récupéré La Provence justement] verrait bien là une belle opportunité de rentrer dans les club des vendeurs de temps de cerveau disponible et dispose d'un montant de cash important ; Vincent Bolloré adorerait adosser M6 à Canal+ dans Vivendi, en disposant d'un champion français de la télévision payante d'un côté et gratuite de l'autre [mais il faudra vendre RTL ... ce qui permettra toujours de récupérer un peu d'argent] ; Silvio Berlusconi prendrait bien sa revanche après l'échec de La Cinq en 1992 en revenant s'occuper de M6 et en trouvant de nouveaux débouchés pour l'imposant catalogue de droits de l'ex-Mediaset ; Daniel Kretinski [qui a racheté quasiment tous les titres de presse de Lagardère] a bien compris que de telles occasions ne présentent qu'une fois dans le siècle ; Sky, l'operateur britannique de télévision payante, a manifesté aussi son intérêt pour débarquer en France où il est complètement absent ; NRJ jouera sa survie en absorbant M6 et trouvera enfin un peu de succès en télévision, mais il faudra vendre RTL ... et puis, Patrick Drahi [Altice], Bernard Arnault ou des américains comme d'autres regardent le dossier au point que la date limite de remise des offres fixée à ce soir était le sprint le plus en vue de la semaine. Une chose est sûre : M6 va changer.

4 - Les effets collatéraux
Devant la perspective de la fusion envisagée entre M6 et TF1, les concurrents s'étaient organisés. Altice [BFM-TV et RMC] s'était portée candidate au rachat des chaînes t6ter et TFX [dont chacun des groupes aura aujourd'hui toutes les peines à expliquer qu'il croit encore à leur avenir puisqu'il a souhaité s'en débarrasser], sous condition que la fusion se fasse. Hélas, la vente est désormais caduque puisque la fusion n'aura pas lieu. C'est donc un développement salvateur qui n'aura pas lieu pour un groupe dont la colonne vertébrale demeure la fragile BFM-TV qui est trop dépendante de l'actualité.
Mais Delphine Ernotte-Cunci va également subir les douloureuses conséquences du projet avorté puisqu'elle comptait récupérer 44 millions d'euros en vendant ses parts dans Salto à la faveur d'un changement d'actionnaire qui n'aura donc pas lieu. Voilà qui l'aurait bien aidée à boucler l'année mais non ... en plus, tout le monde s'accorde pour dire que la valorisation des parts de France Télévisions ne retrouvera pas un tel niveau à l'avenir tant les performances de Salto sont indigentes sinon catastrophiques.
Même à L'Equipe, pon fait grise mine parce que l'alliance de TF1 et M6 aurait permis de remettre sur le marché des droits sportifs, dont l'inflation va continuer puisque TF1 et M6 seront définitivement rivaux.

5 - TF1 plie devant les tribunaux face à Canal+
L'Histoire dira si le fossoyeur du mariage programmé entre TF1 et M6 n'aura pas été Vincent Bolloré qui, définitivement, aura été l'un des pires ennemis de Martin Bouygues depuis qu'il a tenté au début du siècle de prendre le contrôle de TF1. Il n'empêche que la guerre de la diffusion des chaînes TF1 sur les plateformes opérées par Canal+ aura fait mal et permis de donner une illustration redoutable à la position dominante de TF1, a fortiori si elle se renforce de M6. L'habileté de Canal+ pour mettre en scène la violence de la négociation avec TF1 [et l'augmentation de 50% de la redevance pour proposer les chaînes TF1 dans l'univers Canal+/TNT Sat] a été désastreuse et on s'étonne encore de la naïveté de TF1 en la matière qui ne cesse de chouiner quand il aurait fallu éteindre l'incendie immédiatement. La cupidité de TF1 et de Gilles Pelisson aura sonné le glas [voir chapitre 6 ci-dessous] d'une stratégie qui va, en plus, forcer à revoir la réglementation et faire économiser 13 millions d'euros à Canal+ et donc priver les chaînes gratuites des revenus encaissés depuis 2016. Canal+, les opérateurs comme Orange et SFR lui disent bien merci ! En référé, la justice a donné tort à TF1, laquelle est désormais obligée d'interjeter appel pour essayer de récupérer la face. En attendant, Canal+ prive ses abonnés des chaînes TF1 dont les audiences dégringolent mécaniquement de 20%, les privant donc des recettes publicitaires en correspondance. On aurait voulu torpiller le projet de fusion qu'on ne s'y serait pas si bien pris ...

6 - Grand ménage d'automne à TF1
Dernier acte : Gille Pelisson est évacué après avoir tant échoué. Celui qui était promis à être le patron du boss de l'ensemble TF1/M6 deviendra finalement patron des médias du groupe Bouygues [l'actionnaire majoritaire de TF1] et quittera TF1 en févier 2023. Mais qui pour le remplacer ? Quoi de mieux que d'aller piocher dans les victimes de Bolloré lorsqu'il a annexé Canal+ ? Du coup, c'est l'ancien prétendant inavoué à la présidence de France Télévisions qui s'y colle et sort de sa retraite dorée chez l'opérateur satellite Eutelsat et chez Atos [dont il avait démissionné en juin 2022] : Rodolphe Belmer. Attends un peu ... Rodolphe Belmer, le Rodolphe Belmer qui était aux commandes de Canal+ avant l'arrivée de Bolloré ? Lui-même ... Le virage initié par TF1 depuis plusieurs années : c'est tout l'esprit Canal qui se retrouve à Boulogne puisque les équipes sont quasiment au complet désormais. Surtout, l'ADN de la chaîne populaire des années 90 est à la casse et plus rien ne permet de reconnaitre la chaîne d'Etienne Mougeotte qui a muté en recyclage de la grande époque de Canal+, il ne manque plus que "Les Guignols". Surtout, c'est un séisme à TF1 où la sanction n'a pas tardé pour Pelisson et son aéropage piloté par Didier Casas [Secrétaire Général de TF1, conseiller d'Etat et proche du Président de la République]. La curée va être sévère et on parle déjà d'un vaste plan d'économies avec plan social pour restaurer la rentabilité d'un groupe qui peine à trouver un nouveau souffle et voit s'effondrer ses positions et ses audiences [l'année 2022 sera historiquement la plus mauvaise depuis la privatisation de 1987]. Le fiasco de la fusion, Bouygues n'accepte pas parce que pas vraiment habitué à voir l'avenir de façon si sombre pour sa filiale télé. Dans tout cela, si Bolloré, Drahi ou NRJ mettent la main sur M6, la bonne nouvelle c'est que TF1 pourra mettre la main sur RTL en y mettant le prix mais donc se refaire un peu. C'est peut-être cela le pire : pour relever la tête, TF1 doit souhaiter affronter l'un de ses pires concurrents français et donc se mettre à l'épreuve. 

Oui, la télévision vient de changer sans que tu ne t'en rendes compte. Souviens-toi de cette semaine, elle est historique et laissera longtemps des traces ...

Tto, devenu actionnaire de TF1 cette semaine [quand tu vois le prix de l'action, c'est carrément les soldes !!!]

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