Ce matin là, je me suis réveillé fatigué. Ce n'était pas la première fois mais j'ai eu la sensation étrange d'être diminué.

J'avais 16 ans, je dormais dans le dortoir à la campagne avec tous les mômes et quand je me suis levé, mon frère m'a regardé un peu interloqué ... "Euh Tto, t'as plein de trucs dans le dos !!!". M'étant rué sur un miroir, je n'ai pu que constater qu'il disait vrai ! J'avais une partie du dos constellée de boutons rouges formant des plaques. La veille rien, ce matin c'était presque impressionnant.

Ma mère appelée à la rescousse constata et commença à échafauder des hypothèses : un truc que j'aurais mangé ? une crise d'urticaire ? une bête qui m'aurait piqué ? une allergie ... mais à quoi ? Bref ... c'était aussi obscur que soudain ...

Une fois ma douche prise, j'ai fait part d'une certaine sensibilité sur la zone vaguement écarlate et je ne sais plus qui remarqua que la plaque avait un peu bougé parce que mon flanc gauche était plus attaqué que précédemment. La soeur aînée de ma mère n'y alla pas par quatre chemins : c'était un zona.

Ah la vache ... un zona, la première fois que j'en avais un dis donc ! Sauf qu'un zona, ça ne se soigne pas comme ça. Hop hop, ni une ni deux, nous voici fourrés chez la voisine d'en face pour savoir ce qu'elle ferait [tu sais, les gens de la campagne ont toujours des petits trucs à eux ...] et c'est là qu'elle nous a donné les coordonnées d'un magnétiseur. Ouais ... un magnétiseur, moi cartésien comme je suis, je ne te cache pas que ça m'a laissé un peu dubitatif ! Cela étant, que faire sinon avaler des tonnes de médocs qu'un toubib m'aurait prescrits ... En appelant, ma mère réalise que ce n'est pas un magnétiseur comme les autres, c'est un agriculteur qui ne peut recevoir les gens qu'une fois ces travaux agricoles terminés ... il nous attend donc vers 17h30 et c'est à l'autre bout du monde tellement c'est loin : il faudra plus d'une heure et demi pour y parvenir, dans la pluie et au moyen de petits chemins à peine praticables.

Ah ça ... le décor le dispute aux meilleurs directeurs photo du cinéma ... Nous arrivons dans un corps de ferme, la nuit tombe déjà [c'est souvent le propre de la fin octobre que de raccourcir à l'excès les jours] et nous nous installons dans une grande salle à manger où deux femmes rustiques au plus haut point sont concentrées sur leurs travaux manuels : l'une coud, l'autre tricote. Pas un mot, juste la grande pendule martèle les secondes s'écoulant invariablement comme si nous étions hors du temps. Pas un bruit autre que celui de la pendule ... nous attendons ainsi de longues, très longues dizaines de minutes ... puis, une silhouette frêle apparaît et nous invite, moi et ma mère, à nous rendre dans une toute petite chambre à la droite de l'entrée.

Je me mets torse nu, l'homme parle peu, ma mère explique comme pour évacuer son angoisse liée aussi à cette ambiance un peu lourde et assourdissante de silence.
"Il a un zona votre fils Madame" lance-t-il pour l'interrompre. l'hypothèse étant confirmée, il est désormais question de savoir si cela peut se soigner avec lui ... Alors, l'homme relève la tête, m'avise et regarde ensuite ma mère et lui explique qu'il peut tout soigner, il faut juste le laisser faire avec ses méthodes qui peuvent, parfois, être impressionnantes. Interloquée, ma mère lui demande de plus amples explications, qu'il délivre sans se faire prier en détaillant qu'il lui est possible de faire tomber certaines personnes à plusieurs dizaines de mètres de distance. D'ailleurs, il propose à ma mère de se mettre derrière le lit de sa petite pièce, il se met à l'autre bout, tend les bras et hop ... sans le vouloir ni s'en rendre compte, elle tombe sur le lit à sa plus grande stupéfaction.

Soufflés que nous sommes, nous le laissons continuer ... "Il va falloir qu'il boive beaucoup d'eau et que vous me donniez une mèche de ses cheveux. Ensuite ... je le soignerai à distance dans quelques jours, un soir une fois que vous serez rentrés chez vous à Paris. Ne prenez pas de médicaments avant que je ne sois intervenu ... Si jéchoue, vous pourrez le faire ensuite." Incrédule, je me suis dit que je n'avais rien à perdre à lui confier une mèche de cheveux, il la mit dans une enveloppe. Ma mère lui paya la consultation et, avant de sortir, il se rapprocha de nous et nous dit : "Donnez moi votre adresse, je vous écrirai une fois que j'aurai fini. D'ici une semaine, ça devrait passer."

Nous avons pris congé de la sorte ... le lendemain le zona s'en donnait à coeur joie. Étant rentrés comme prévu dans les jours suivants, j'ai très mal dormi quelques nuits plus tard. Oh ce n'est pas que cela me grattait, je commençais à m'y habituer ... non, j'ai eu très très chaud. Je me suis réveillé le matin un peu sonné ... Ma mère reçut une lettre quelques jours après en lui expliquant qu'il était intervenu ce soir là ... quand elle lut cette information, mon zona était déjà sec et disparut aussi rapidement qu'il était venu. Mon médecin m'ayant vu entre temps se glorifia de la performance de ses potions [sauf que je ne les avais pas prises].