Ton oreiller est un scélérat : il sait te faire parler
Ayé, tu te dis que je radote gravement puisque je t'en ai déjà servi une louchée en ce début de semaine, mais force est de constater que cela s'est fait comme cela ... sans prévenir, limite par surprise.
- Qu'est ce qu'elle voulait ta maman tout à l'heure au téléphone, Tto ?
- Ben nous prévenir que le 29, on déjeune chez eux ...
- Ah bon ? Pourquoi ?
- Parce qu'on ira chercher le curé dont je t'ai déjà parlé, c'est la date que ma mère a trouvé avec lui.
- Ah ok ok ... mais tu sais, tu ne m'en as pas beaucoup parlé de cet homme mon chéri ...
- Euh ... probablement parce que cela m'émeut toujours autant ...
- Pourquoi êtes-vous si proches ?
- Parce que j'allais le voir souvent.
- Excuse-moi mais pourquoi tu allais voir un prêtre ?
- Parce que j'étais au fond des ténèbres, parce qu'il n'y avait plus aucune lumière autour de moi, que je luttais contre le courant qui m'aspirait par le fond ... parce qu'il m'a sauvé, il m'a aidé à tenir, ... je ne serais pas dans tes bras s'il n'avait pas été là, tout simplement.
Nous parlons de cette personne là, au sujet de laquelle j'ai déjà couché quelques mots ici et ici.
- Il a quel âge celui que je dois infiniment remercier ?
- Oh, plus de 80 ans ...
- Mais tu parles de quelle épreuve mon chéri ?
Alors, j'ai raconté à celui qui partage ma vie depuis une année de plus ce qu'il s'est passé quand j'ai eu 10 ans, succintement ce que j'ai vécu, quels chemins j'ai parcouru, quelques exemples des effrois qui furent les miens, pourquoi je suis terrassé périodiquement par des fantômes qui reviennent voir leur victime ...
Je n'ai jamais trouvé le temps de lui en parler. Peut-être n'ai-je pas voulu non plus parce qu'il n'y avait plus d'urgence, parce que ces spectres fétides n'ont plus l'importance qu'ils ont eu trop longtemps, parce que je suis pacifié ...
Toutefois, dimanche soir, mon oreiller m'a encore trahi et laissé dire tout ça et Zolimari a compris que sous l'armure rassurante et tranquille de son Tto, sommeillent des souvenirs épouvantables qu'avec le temps je suis parvenu à endormir en tournant les pages nécessaires pour cela, sans oublier néanmoins.
Il lui manquait cette pièce du puzzle sur laquelle je reste infiniment discret [sauf dans cette rubrique]. C'est désormais chose faite et tant mieux.
Le 29, nous irons chercher celui qui a toujours été là quand il a fallu et je me perdrais encore une fois dans sa douceur et ses yeux qui ne mesureront jamais à quel point je lui suis reconnaissant de tout ce qu'il a fait. Si tel est le cas, c'est notre secret.
Tto, ému