Ils ont débarqué, de leur campagne, au moment où mon moral était au plus bas, le retour des vacances ! Dès le premier jour, on a été prévenus : ils sont bruyants, sans discrétion et à la limite du supportable. Pourtant, j’avoue qu’ils m’amusent encore avec leur beauf-attitude. Je me satisfais d’ailleurs d’avoir retrouvé des p’tits beaufs … délaissé que j’étais après le départ du colosse blond du rez-de-chaussée qui devait être poissonnier (affligé d’une morue en guise de compagne) et qui faisait griller tous les soirs tant qu’il faisait beau des sardines … c’était ravissant. Je ne résiste pas au plaisir de vous indiquer qu’ils avaient cru nécessaire de mettre sur la sonnette de leur appartement leurs surnoms " Doudou et Bibiche ". C’était vraiment Enola Gay !

Là, c’est autre chose :
Lui doit avoir à peu près 23 ans, c’est un mec qui ne ressemble à rien (au point que je peine à chaque fois pour retrouver quelques traits de son visage). Il est très petit et se lève tous les matins à 06h20 pour prendre sa douche.
Elle doit avoir le même age, n’a pas grand chose pour elle, devrait se mettre au sport et surtout devrait arrêter de jouer à un accablant Mururoa capillaire parce que là, cela procède plus de l’enlaidissement volontaire qu’autre chose. Visiblement, elle ne glande rien, se lève à 12h tous les jours et n’est pas là le samedi (hum hum).
J’ajoute à cela un chien qui, confiné dans cet appartement, s’ennuie un peu et aboie de joie lorsque l’un de ses maîtres se décide à bouger ou à le sortir.

Comme précisé plus haut, ils ont annoncé la couleur dès le début : ils se parlent d’un étage à l’autre (leur appartement est en fait un petit duplex avec un escalier en bois type Lapeyrre), s’invectivent régulièrement pour des sujets d’une importance capitale, tirent leurs stores à des heures improbables occasionnant ainsi un joli vacarme, se font des politesses presque touchantes du genre " Bébé, tu veux un verre de jus d’orange ? " à 22h50 ou des " Mon cœur, tu dors ? " à 00h50 … Quand ils gravissent leur escalier, ils se jettent de tout leur poids sur chaque marche à tel point qu’il est difficile de resister au plaisir de compter les marches.Bref, c’est du lourd !

Avec une régularité qui ferait trépasser un métronome, ils entreprenaient de repeupler la France les dimanches soirs vers 00h15. Oui " entreprenaient " car cela fait longtemps que je n’ai plus assisté à ces expéditives joutes qui valent pourtant leur pesant de cacahuètes.
Expéditives parce qu’il ne faut pas manquer le début : Télé 7 Jours ne pourra rien pour vous, cela dure au mieux 3 à 4 minutes tout compris. Autant dire que c’est du concentré comme on dit chez Nestlé. Et puis surtout, c’est sonore à tel point qu’avec un peu d’imagination, vous y êtes !

Lui expulse … (bande de cochons !) … un râle poitrinaire que l’on espère de plaisir ou peut-être de soulagement. Ce cornage remonte du tréfonds de la bête épaisse tous muscles en pointe et on l’imagine totalement anéanti et vidé après une telle expédition punitive (pour qui ?). Mais le plus spectaculaire et ostensible, c’est elle :
Elle hurle, braille ou plus exactement, elle beugle. Au fur et à mesure de l’excavation, les tressautements sonores de sa part se font plus stridents, moins articulés, plus rapprochés, plus classiques aussi. Comme dans un vieux porno lubrique des années 70, on est gratifiés de " Oui ", " Vas-y ", " Continue ", " Plus " etc. On atteint de tels niveaux que c’est à se demander si elle ne s’entraîne pas à faire le petit chien pour son futur accouchement : arrête cocotte, t’es vachement prête ! Pour vous donner une idée, vous mettez un " Oui " toutes les trois secondes et le reste du temps vous alternez avec des " Hummmmmmm ", des " Ahhhhhhhhhh " et autres bêlements précités. C’est merveilleux parce que parodique. A la réflexion, je n’exclus pas qu’elle simule (c’est trop impeccablement pareil à chaque fois) ou alors elle est chaude comme la braise ou alors Monsieur est bien pourvu ce qu’il est difficile d’apprécier sauf à aller vérifier (cettedernière hypothèse n’excluant aucunement la première).

Le fait était qu’avec régularité, j’avais droit à ma crise de rire nocturne ce d’autant qu’après Monsieur déambulait dans son antre et devisait avec sa dulcinée encore toute retournée (pas certain que ce soit cette position d’ailleurs) alors qu’il était entrain de se passer la tête sous l’eau ou de se soulager d’une miction urinaire. Leurs conversations alors que lui était dans la salle de bains confinaient au grandiose … et laissaient alors à considérer que le genre humain n’est pas définitivement pas l’ultime et le plus parfait aboutissement de l’espèce.

Mais … depuis quelques temps, rien ! Calme plat, Waterloo morne plaine, que dalle, nada. Ô que je suis désespéré et inquiet ? Ô que je n’aime pas ça ? Ô quel égoïsme de sacrifier mon petit plaisir auditif sur l’autel infâme de leurs désirs frustrés et taris ?
Mais que se passe-t-il ? Il y a péril en la demeure des Bidules. Des semaines sans que je ne perçoive le moindre signe tangible d’un soupçon de luxure ! Ca va mal ! Depuis qu’il y a 5 semaines, ils s’engueulèrent avec tout ce que cela suppose : portes qui claquent, invectives, silences, donc par le suite réconciliation charnelle … et là, ce fut le drame. La colle n’a pas collé, le ciment n’a pas cimenté … le contact n’a pas contacté : ils se sont ré-engueulés pendant le tournoi ! L’horreur absolue : le double effet Kiss-Kool puissance Hiroshima, le boomerang qui revient traîtrement comme un vieux tube de Roch VOISINE (non, ce n’est pas une attaque physique), l’arrière-goût de la Piña Colada à base de semence d’iguanes mâles, de tabasco et de cactus séchés au soleil mexicain.

Mais que s’est-il passé ? Un faux départ de Monsieur ? Un geste malheureux de Mademoiselle ? Le chien qui est venu s’interposer ? … Tout est possible et tout cela me laisse dans la plus grande inquiétude.
Depuis, c’est la Mer d’Aral … le cerveau d’Eve ANGELI … le programme politique de BESANCENOT … la bibliothèque de Mireille MATTHIEU … le trou noir … une thèse d’Elisabeth TESSIER … le degré zéro de l’inintéressant absolu, bref c’est du Rohmer !

On me dit qu’hier, Mr Bidule dragouillait tout ce qu’il pouvait dans la rue jusqu’au retour de sa princesse … Il y a anguille sous France ROCHE ! ! ! C’est le printemps et ses hormones le travaillent.

En fait, je ne suis pas pressé que cela reprenne parce que pendant ce temps là, j’ai la paix et je peux mettre de la musique à fond les ballons toute la journée et jusque tard dans la soirée.