Je n'ai jamais compris comment des mecs bourrés d'hormones pouvaient approcher de l'extase lorsque l'on prononçait le mot "EPS" lorsque j'étais au collège ... C'était un fait, il suffisait de dire que l'on allait en sport pour que cela déclenche une sorte d'hystérie au sein de la population fraichement mâle avide de montrer ses biscotos aux jeunes filles évaporées par des mecs de 3 ou 4 ans plus agés ...

Moi, ça m'a toujours gonflé l'EPS. J'ai rarement pris mon pied là dedans ... Les interminables et minables tournois de volley, les insupportables séances de gym, les calamiteuses rencontres de basket ou de hand ... bref, tout cela était d'un ennui tel que ... je sacrifiais à l'exercice sans aucun enthousiasme. Même l'athlétisme pour lequel j'ai des aptitudes évidentes, cela me gavait.

En plus, il y avait tous les incovénients périphériques qu'il convient de ne pas occulter. Lesquels ? Ben, on doit se trimbaler en jogging toute la journée [bonjour les couleurs ... un vrai petit musée des horreurs] ... pour peu qu'on ait produit un effort intense au cours du cours [remarquez la qualité de mon expression ... remarquable !!!], on est crevé ... ceux qui ont des problèmes de transpiration sont infréquentables toute la journée ... y a toujours une tête de turc sur laquelle le cours d'EPS est propice à expiation de frustration [généralement, le premier de la classe à lunettes qui est plein de boutons et qui rougit quand on lui parle] ... le prof de sport est toujours un intellectuel qui ravalise avec les maîtres nageurs de piscine côté branlitude-attitude [c'est incroyable ça ... à croire que c'est génétique] ... le fameux étalage de prouesses physiques [celui qui grimpera le plus à la corde, celui qui a le plus de poils sur les jambes, etc] .. bref, le cours d'EPS, c'est naze !

Il y avait plusieurs moyens d'échapper à tout cela et d'aller passer du bon temps ailleurs, sans se crever.
Le premier truc, c'était de jouer le cocke devant le prof en expliquant que ça n'allait pas, la tête qui tourne tout ça et puis cette fichue contracture musculaire [oui, je sais, difficile qu'une contracture ne soit pas musculaire ... mais ça m'a tellement marqué quand je l'ai entendu que ... ben voila, c'est pour la postérité]. Bon, faut être bon acteur et faut prendre le prof au bon moment [généralement, pas être le dernier à tenter le coup ... sinon, c'est mort]. L'aléa est conséquent. Aussi, il convient de privilégier la seconde voie, la voie royale ...

La voie royale [rien à voir avec la candidate du même nom ... vous savez celle qui fait partir Mr MaFenètre en vrille dès qu'on prononce son nom ... non, je ne l'ai pas dit !!!], c'est le certificat médical. Tel un talisman à la force thermo-nucléaire, le joker du jeu de cartes, le Saint Graal devant lequel toute opposition est inutile, c'est l'Anneau du Mordor à lui seul ... la carte maîtresse. Evidemment, pour l'obtenir, faut galérer ... il faut avoir un truc qui ne tourne pas rond. Il faut aussi en passer par le médecin qui, chemin faisant et s'il n'est pas complaisant, a les pires difficultés à le lacher ce fichu bout de papelard ... ensuite, faut négocier avec le toubib la durée ... Moi, j'ai pas fait mieux que 4 mois ! Le bonheur ... Un trimestre et demi ... Naturellement, la présentation de ce passeport pour la tranquilité clot le débat définitivement ... et c'est toujours avec un sourire un peu pincé que je l'ai remis au prof en feignant d'avoir mal ... ben oui, y a quand même un peu de comédie.

Mais si y a pas tout ça ... Comment faire pour échapper à la séance de poutre de deux heures ? Comment se soustraire au tournoi de football ? Tto, qui a toujours une solution dans sa besace, va vous raconter quelle recette magique il a trouvé ce beau matin de mars ... alors que le cours de sport, franchement, c'était pas la priorité ... il vallait mieux consacrer un peu de temps à la révision du contrôle d'histoire géo qui suivait ... et pour ça, fallait être dispensé ! Mes parents ne voulant pas obtenir la complicité du docteur, il a fallu ruser.

J'avais remarqué que de temps en temps ... certains faisaient passer des exemptions d'exercice (pas tout le cours, certains trucs seulement) par simple lettre des parents. Dans ma petite tête de jeune faussaire, je me suis dit que ce serait bien délicat pour le prof de ne pas suivre une recommandation de l'un de mes parents lui demandant de m'exempter complètement de séance de torture juvénile organisée avec la complicité bdes structures étatiques d'enseignement ...

Quand on s'est dit ça, reste à voir comment procéder. Hop, du papier blan. Hop, un stylo bille ... et hop... mais qui va signer ? Parce que bon, je sais imiter la signature de ma mère mais pas son écriture. En revanche, je sais imiter l'écriture de mon père mais pas sa signature ... Considérant que le plus important reste le coprs de la lettre, je décide d'aviser par la suite ... J'écris une belle lettre bien larmoyante et pleine de commissération en priant de bien vouloir comprendre que les douleurs du petit tto sont inupportables à tel point que c'est sur ... on va aller voir le médecin très vite mais là, ce n'était pas possible ... Que ça serait bien gentil d'accéder à cette requête ... et bla bla bla, et bla bla bla ! Quand arrive la question de la signature, un éclair [non pas au chocolat ni au café ... non non] de génie m'a traversé l'esprit ! J'avais déjà observé que mon Pôpa avait déjà écrit aux profs mais en ne signant pas ... il avait juste indiqué laborieusement et assez formellement à la fin de son message "Le père" ... Bénédiction divine !!! C'est ça qu'il faut faire ... Je reproduis à peu près l'élan paternel en signant "Le père" ... et je contemple mon oeuvre ... Ben, je peux vous dire que ça a de la gueule ...

Avant de me faire exempter auprès de la prof muni de ce faux odieux [oui, oui, je suis coupable et j'ai très honte ...], un éclair de lucidité me fait me souvenir que je risque gros si je suis découvert ... ben oui, un averto, ce ne sera pas de trop ...

Oui, mais je suis un joueur et j'ai trop besoin des deux prochaines heures pour me remettre à niveau en histoire géo ... je présente tout ça à la prof, qui tique un peu, me demande si je veux aller à l'infirmerie. Je lui réponds que non, c'est supportable et qu'en plus, je vais chez le docteur dès ce soir ... Elle conserve alors la lettre et me regarde, affectée, en me disant que c'est dommage que je ne puisse participer au cours du jour : du cheval d'arçon ... C'est vrai, c'est très dommage ... et c'est le début d'une longue série de lettres de mon père qui en a signé des dispenses ... sans le savoir. Sauf le jour où ma mère est tombée dessus ... mais ça je vous le raconterai plus tard.

Voilà, c'est comme ça que ça s'est passé ...

Tto, falsificateur