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une vie de tto
9 février 2006

C'est peut-être un peu court, jeune homme !

burgaudJe n'ai pas eu l'occasion de regarder, hier, ce grand exercice de démocratie (c'est du moins comme cela qu'il a été vendu à la meute populaire avide d'en découdre avec un homme qui a commis des erreurs dans le cadre de l'Affaire dite d'Outreau).

Aussi, mes commentaires se baseront sur les extraits croisés au cours de la soirée, les éditoriaux des uns et des autres et peut-être aussi sur mon indigente opinion.

Le simulacre de procès populaire, maquillé de commission parlementaire, du Juge Burgaud a tendance à me donner le tournis. Décidément, nous vivons dans une société très américanisée où l'on traque la responsabilité de son prochain avec le doux espoir qu'elle permettra de panser les plaies béantes de celles et ceux qui auront été les victimes d'un système dont le Juge Burgaud n'était qu'un soldat (gradé certes).

Loin de moi l'idée de dédouaner les manifestes erreurs du Juge Bugaud, impossible de nier les évidentes bévues commises au cours de cette instruction (un acquitté a été mis en examen pour le viol de son fils qui n'était pas encore né !!!), inimaginable d'accepter que l'on ne dise rien au sujet des trop nombreux fourvoiements de ce juge qui ont détruit la vie de dizaines de personnes et ont même tué.

Oui, je participe de l'idée qu'il était trop jeune pour avoir sur ses épaules la charge d'un si lourd dossier.
Oui, je considère que la moindre des choses aurait été qu'il s'excusa hier, même si les victimes ne voulaient pas entendre lesdites excuses qui m'apparaissent tout de même indispensables.
Oui, je suppose que les acquittés d'Outreau n'ont pas menti lorsqu'ils ont relaté la tonalité des interrogatoires conduits par le jeune magistrat,
Oui, je crains que Fabrice Burgaud ait trop pensé égoïstement que cette affaire était l'affaire de sa vie ... d'où un indiscutable excès de zèle,
Oui, je réprouve le recours systématique à la détention provisoire dans le cadre des instructions,
Oui, je pense, comme le titre de ce message au monde l'indique, que Fabrice Burgaud n'a forcément joué le jeu de l'explication (le secret professionnel est tellement pratique en ces circonstances), qu'il n'a pas convaincu de l'iiréprochabilité technique de son instruction.
Oui à tout cela, sans réserves.

Mais ... il n'a pas tort lorsqu'il rappelle que :
- sa jeunesse a certainement été un handicap,
- les éléments connus de lui en 2001 et 2002 obligeaient que l'on prit (trop) en considération la parole des enfants,
- personne ne l'a alerté de ce qu'il déraillait dans son instruction trop musclée et autiste.

Le fait est que le système judiciaire français (comme tout autre d'ailleurs) n'est pas infaillible. Ce sont des hommes qui jugent des hommes. Depuis l'Affaire Callas, nous savons bien que l'erreur judiciaire existe, qu'elle est le fléau qui discrédite l'idée même de justice à chaque fois qu'elle surgit et que tous les professionnels de la justice doivent avoir, en un coin de leur tête, la consicence qu'il faut tout faire pour l'éviter quitte à relâcher d'évidents coupables lorsque le doute persiste : je suis de ceux qui pensent que si doute il y a, et nonobstant la douleur des victimes, il vaut mieux acquitter plutôt que condamner. On ne peut pas tolérer de jouer à la roulette russe avec l'innocence des gens.

Au surplus, je ne peux accepter, telle le venin qui s'instile doucement mais surement dans les mentalités, l'idée insidieuse du moment (dont Monsieur Sarkozy s'est fait l'interprête) qui consisterait à dire que l'erreur n'est pas possible. On voudrait faire peser sur le système judiciaire une obligation de résultat. C'est illusoire, dangereux (car attentatoire aux principes de la défense et de la démocratie), crétin et démagogique. Je préfère ne pas en dire plus sur cet aspect du sujet tellement j'entrevois déjà les intérêts abjects de certains et le chemin sur lequel nous mèneront ces intrigues fangeuses.

Dans l'affaire qui nous préoccupe aujourd'hui, il est clair que Fabrice Burgaud a failli mais il n'est pas le seul et c'est là, précisément, que réside le danger de ce barnum médiatico-politico-psycho-juridico sociétal.
Oui, les pouvoirs du juge d'instruction sont conséquents mais cela est nécessaire pour permettre, dans l'écrasante majorité des cas, de conduire une instruction convenable. Mais, il n'est pas seul : son travail est contrôlé par d'autres magistrats, il doit rendre des comptes à la Justice, il ne peut négliger impunément les demandes des avocats des prévenus. Le juge d'instruction n'est pas le potentat que l'on dépeint aujourd'hui à loisir afin d'en finir avec lui et basculer clairement dans la justice accusatoire à deux vitesses (celle des riches qui se payeront leur propre instruction pour les innoncenter, et celle des pauvres qui seront broyés par les services des Procureurs de la République).
Naturellement, et comme à chaque fois que l'on donne du pouvoir à quelqu'un qui n'est pas préparé à l'exercer (les exemples sont trop nombreux pour commencer à en faire la liste), il y a des dérives dont les conséquences sont lourdes.
Fabrice Burgaud ne doit pas être le bouc-émissaire de cette histoire.
Fabrice Burgaud ne peut pas être, si ce pays choisit vraiment de faire son examen de conscience, le seul à devoir affronter la vindicte populaire.

Quid des autres magistrats du siège ? Quid de la presse locale et nationale qui oublie de rappeler qu'elle se jette, à chaque fois, sur ces hommes et ces femmes sans aucun scrupules en détruisant leurs vies, leurs honneurs et leurs proches ? Quid des avocats locaux et nationaux qui n'ont fait le déplacement à Outreau que trop tard pour venir en aide aux prévenus, et qui n'avaient manifestement pas pris la peine de relire les articles des différents codes qui auraient permis d'alléger le sort de leurs clients ?

Le Juge Burgaud est responsable de beaucoup de choses, mais pas de tout.
Il ne sera jamais un bon magistrat tant il sera ébranlé (espérons-le) par cette histoire.

Errare humanum est, perseverare diabolicum.

Il vous en prie.

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