Hier, j'ai déjeuné puis dîné avec deux personnes que j'apprécie beaucoup et qui travaillent encore à la Compagnie chérie, celle que j'ai quitté le 15 mars dernier. Sans vouloir sacrifier à l'exercice plaisant de l'ancien combattant, ces deux repas m'ont laissé un goût amer qui n'a rien à voir avec la qualité de mes convives.
En fait, en rentrant assez tard hier soir après un dîner sympathique, dans ma tête a résonné le "Ah bah, tu n'as vraiment rien à regretter". Non pas que je n'en sois pas convaincu, l'écoulement du temps et la distance inhérente confirment ce premier constat maintes fois appuyé depuis. A mesure que j'entendais les péripéties desquelles je comprends encore tous les tenants et aboutissants, c'est le constat qui s'est imposé. Les deux, qui ne se connaissent pas, m'ont dit qu'ils en avaient marre, qu'ils souffraient et ne comprenaient rien aux décisions qu'ils sont chargés de mettre en œuvre ... et que j'avais bien fait de me barrer.
Là dessus, il n'y a effectivement aucun doute à avoir ... ce d'autant que tout ce qu'ils m'ont raconté avait de près ou de loin à voir avec mon ancien périmètre d'intervention. Au surplus, certaines difficultés procèdent clairement du fait que le lien que je faisais à de nombreux égards entre les uns et les autres n'existait désormais plus, renforçant ainsi les difficultés puisque le courage que j'avais n'avait pas été repris depuis.
C'est certes valorisant et agréable à entendre de se dire que l'on a fait le bon choix. C'est plus difficile de voir des gens que l'on aime bien s'embourber dans des situations vis-à-vis desquelles ils sont impuissants et sans qu'une perspective autre ne permette d'envisager du mieux. C'est peut-être cela qui m'ennuie le plus : les gens desquels je n'attendais rien ne m'ont jamais déçu et continuent de ne pas le faire. En revanche, ceux que j'apprécie traversent des chemins difficiles que j'ai jadis arpentés et dont je connais le caractère boueux.
Au gré des discussions, j'ai rectifié certains éléments ... j'ai compati ... j'ai déploré ... j'ai levé les yeux au ciel devant l'inanité de situations débiles ... j'ai vainement tenté de trouver du positif là où il y en a si peu. J'ai surtout trouvé un mot qui résume tout cela : "gâchis". Quel gâchis que de n'avoir pas trouvé les moyens de me donner envie de rester et de faire en sorte que le navire surnage. Quel gâchis de constater que des gens dévoués en sont à dire qu'ils préféreraient faire complètement autre chose que de continuer. Quel gâchis, vraiment.
Les uns et les autres me font des appels du pied pour que je puisse permettre de faire en sorte que nous reconstitutions notre collaboration qui appartient désormais au passé. Parce que je suis un homme de parole, je n'ai rien promis mais j'ai dit que je demeurais attentif. Langue de bois ? Non, honnêteté parce que ceux qui me connaissent savent bien que je ne m'engage jamais à la légère.
Oui, en rentrant hier soir, j'étais mitigé. Heureux de les avoir revus, désolé de ce qu'ils vivent. Inquiet même ... inquiet de recevoir des messages de mon ancienne assistante qui témoignent d'une chose : sa détresse. Fidèle comme je le suis, j'en suis inquiet et j'ai même peur. On m'a souvent dit que la Compagnie chérie était une boite toxique. En être sorti permet d'avoir le recul nécessaire pour le confirmer, revoir d'anciens collègues qui sont désormais des amis [puisque je n'ai pas d'amis au travail] ne fait qu'en rajouter. Et c'est chaque fois pareil ...
Tto, qui sait ce qu'il a quitté