Dans la vie, il y a des mystères. Oui oui, des desserts glacés aussi mais surtout des choses que l'on n'explique pas ou que trop mal. Ainsi en est-il de boire plus fréquemment qu'ailleurs un jus de tomate dans un avion. Cela fait longtemps que je ne participe plus de cela mais j'avoue l'avoir fait et y avoir trouvé un certain agrément alors que quand je suis sur terre, bah pas envie ! Cela s'explique néanmoins du fait de la pressurisation de la cabine qui change le goût de la tomate et la rapproche d'une sorte d'umami qui nous plait tant. C'est assez bien expliqué ici.
Mais alors ... il y aurait donc une explication à ce phénomène dont j'ai constaté qu'il était le même quel que soit le continent quand une mère de famille a tenté de convaincre son rejeton manifestement peu emballé par les yaourts aux fruits qu'elle essayait de lui vendre en guise de dessert. La vue du yaourt aux cerises l'a épouvanté et nous le sommes tous : le yaourt aux cerises, c'est le mouton noir des yaourts aux fruits et pourtant, il continue d'être produit toujours et autant sinon davantage [certaines marques poussent même le vice à ne faire des packs composés que de yaourts aux fruits !!!].
Parce qu'on est d'accord : le yaourt aux fruits, c'est pas bon. Le goût est bof, les bouts de cerise ne sont pas forcément agréables alors qu'on les adore dans un clafoutis. Il y a une alchimie qui ne se fait pas et c'est toujours la même punition : qui prend le yaourt aux cerises ? Petit, je me souviens que mes parents refusaient d'acheter de nouveaux yaourts tant que les yaourts aux cerises n'étaient pas finis. Ma Môman, redoutable dégustatrice de fruits sous toutes leurs formes, saturait elle-même de devoir s'enfiler les yaourts aux cerises.
Mais alors donc, puisqu'en Europe comme ailleurs les yaourts aux cerises ne suscitent à ce point pas l'enthousiasme, pourquoi diable faut-il encore en trouver dans les packs de yaourts aux fruits ? La réponse est simple : c'est du marketing darling. Dans un viel article de l'Obs, j'ai retrouvé l'explication donnée par un professionnel du secteur : " C’est très compliqué de trouver le bon panachage. Il y a des yaourts qui plaisent à presque tout le monde, comme la fraise ou les fruits des bois. Mais manger des yaourts à la fraise tous les jours serait vite lassant. Il faut donc ajouter d’autres goûts dans les paquets. A priori la cerise convient bien, plus par exemple que le goût citron qui est encore plus segmentant et qu’on ne trouve plus qu’en paquet mono-goût aujourd’hui." Alors bon ... entre manger des yaourts à la fraise [qui ne contiennent qu'une demi fraise par portion !!!] tous les jours et de temps en temps un yaourt à la cerise, j'ai déjà choisi mon camp.
Le souci, c'est que précisément, certains yaourts à la cerise sont épouvantables parce qu'en fait il n'y a pas de cerise dedans mais simplement un arôme qui s'amalgamerait mal avec la préparation lactée. Bim bam boum et patatra, "Il y a des contraintes sanitaires très fortes qui limitent l’offre des industriels. En fait le défi est d’ordre chimique, technique, les processus de production et de conservation du produit font que les arômes des produits peuvent se dégrader, si bien que le produit final a un goût assez éloigné de celui de la cerise fraîche." Enfer et damnation ...
Mais en matière de damnation et pour peu que tu trouves des bouts de cerise dans ton infâme yaourt aux cerises, regarde bien la suite. Les cerisiers reçoivent pendant la saison entre dix et quarante traitements de pesticides selon les années. Les cerises sont décolorées à l’anhydride sulfureux, recolorées de façon uniforme à l’acide carminique ou à l’érythrosine, plongées dans une saumure contenant du sulfate d’aluminium, reçoivent un conservateur comme le sorbate de potassium (E202), enduites d’un sucre qui provient de betteraves qui, comme les blés, ont reçu leur bonne dose d’engrais et de pesticides. Ce sucre est extrait par défécation à la chaux et à l’anhydride sulfureux, décoloré au sulfoxylate de sodium, raffiné au norite et à l’alcool isopropylique, azuré au bleu anthraquinonique. Par ces traitements, les cerises ont forcément perdu tout leur goût naturel, il est donc nécessaire d’ajouter un parfum artificiel alimentaire [on marche sur la tête ? Mais non ...]. Ce parfum est une recréation synthétique du goût et de l’odeur à partir d’éléments artificiels issus de la chimie du pétrole aux prix de revient extrêmement faibles par économie d’échelle. Le parfum artificiel de cerise se compose donc des molécules synthétiques : acétate d’éthyle acéthyl méthylcarbinol butyrate d’isoamyle caproate d’éthyle caprylate d’isoamyle caprate d’éthyle butyrate de terpényle géraniol butyrate de géranyl – acétylacetate d’éthyle heptanoate d’éthyle aldéhyde benzoique aldéhyde ptoluique vanilline essence artificielle d’amande amère SAP essence artificielle de girofle Bourbon essence artificielle de cannelle Ceylan essence de lie de vin. Déjà que je n'aimais pas les yaourts aux cerises, là c'est mort. Le seul souci, c'est que c'est un peu pareil avec tous les fruits ... merci Danone, Yoplait et consorts.
Du coup, au fin fond de la campagne canadienne, je me dis à rebours qu'il a bien raison ce petit con de tenir tête à sa mère. Elle aussi a raison parce qu'il va jeter sur des donuts encore plus pires ... finalement, c'est l'école des fans : tout le monde a raison, sauf les industriels de l'agroalimentaire qui continuent à nous infliger des yaourts aux cerises. Et je sais bien qu'il va s'en trouver au moins un ou une pour me dire que "pas du tout, c'est très bon le yaourt à la cerise !". Tu sais quoi ? Tu as peut-être raison, mais j'attends que tu me le dises en face et tu te dévoues à déglinguer tous ceux que l'on ne veut plus manger.
Tto, qui s'investit dans de vraies causes existentielles