2020 - LA PREMIERE FOIS

J’appartiens à cette génération à qui l’on a rabâché qu’on pouvait crever en se faisant du bien, en tutoyant le plaisir. Faire l’amour pouvait équivaloir à se donner la mort. C’est étrange quand on y pense mais, hélas, c’est le message que je me suis pris en pleine tête quand j’étais jeune. Pour échapper au funeste destin, il fallait alors sortir couvert et donc avoir son lot de capotes.

Je ne vais pas te rappeler les circonvolutions déployées par les communicants pour expliquer tout en ne montrant rien, ce qui rendait le message encore plus obscur. Sans capote, point de baise. Voilà avec quoi j’ai grandi et comment j’ai construit ma sexualité. Et puis, un jour, est arrivé le jour où la question est venue à se poser : depuis le temps qu’on se connait et puisque l’on vit ensemble, ne pourrait-on pas …

Quelle étape, quel challenge … et surtout qu’est-ce que cela change ? Quand on n’a connu que cela, difficile d’y voir un manque. Pourtant, tout le monde le dit : avec la capote, ce n’est pas pareil. J’allais donc savoir et comprendre de quoi il s’agissait.

Une fois le test fait, qu’il soit revenu avec une sérologie négative et puisque la confiance était là, plus rien n’empêchait de faire le grand saut. Pourtant, il a fallu encore quelques jours avant que je ne me décide … un peu comme quand on est au bord du plongeoir et que sauter devient évident mais qu’on a encore cette petite réticence, ce dernier petit blocage qui empêche de sauter. Là, c’était pareil.

Et puis, un dimanche … alors que je légumais sur le canapé, j’ai soudain entendu « ça te dirait qu’on essaye ? ». Comme il m’est clairement difficile de résister à de telles invitations, j’étais au pied du mur. J’ai donc dit oui … et, effectivement, c’est presque la même chose sans capote mais en pas pareil quand même.

Plus de sensations, clairement. Mais aussi d’autres sensations parce que la barrière du latex n’existe pas et que toute lubrification naturelle est autrement ressentie que lorsqu’il s’agit d’une enveloppe toujours lubrifiée de façon artificielle. Et puis, au moment de l’éjaculation, l’échauffement résultant des allers retours antérieurs ne produit pas tout à fait la même jouissance. Oui, elle l’amplifie.

« Ah oui … » me souviens-je m’être écrié une fois que tout fut terminé. Oui, c’est autre chose que je venais de vivre. Cette première dans ma vie n’avait pas d’équivalent puisqu’il n’y avait pas de point de comparaison. C’était donc cela … c’était donc pour cela que certains se mettaient en danger, pour privilégier les sensations.

Tto, qui avait fait le grand saut