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une vie de tto
8 mars 2023

Il est encore temps de battre en retraite

Battre en retraite

Disons le clairement : on aurait voulu en arriver là qu'on ne s'y serait pas pris autrement. En regardant mon ancienne cheffe, aujourd'hui députée, se débattre devant l'incapacité du gouvernement et de la majorité à se sortir du bourbier dans lequel a été mis quasi volontairement le pays, je me disais "Quel gâchis de voir ce que l'on fait de ce pays !".

Emmanuel Macron a perdu son pari, et peut-être ne l'entend-il pas. Quelle que soit la focale avec laquelle tu regardes la situation aujourd'hui, au lendemain d'une mobilisation d'une importance historique [qu'on le veuille ou non, c'est malgré tout le cas], oui ... le quinquennat second d'Emmanuel Macron est finalement déjà terminé ... et avec lui, la possibilité de ramener la France à l'endroit où il souhaitait la placer. Il n'est de mystère pour personne que le Président de la République pouvait compter sur le soutien de millions de français, il s'en détache irrémédiablement avec la pantalonnade de cette réforme mal née, mal emmanchée, mal conduite, mal défendue, mal vendue ...

Faut-il réformer le système français de retraite ? La réponse est assurément oui puisque personne ne peut se satisfaire des inégalités dont il recèle aujourd'hui, tant notamment vis-à-vis des femmes que des chômeurs quinquagénaires dont les pensions s'effondrent à mesure qu'ils s'approchent de l'âge légal.
Faut-il travailler davantage ? La réponse est oui pour autant qu'on réfléchisse en moyenne et c'est là que le premier bas blesse en confondant efficacité et jacobinisme, équité et égalitarisme. Puisque nous en sommes à une guerre des totems, la volonté réformatrice se pulvérise sur le symbole de l'âge légal et c'est là la première défaite d'un gouvernement sourd aux suppliques syndicales dont on ne peut dire, comme l'hallucinant Olivier Véran [qui a décidément besoin de repos], qu'elles sont excessives a fortiori quand on vend une réforme dite de gauche et "juste". Travailler davantage équitablement, c'est finalement jouer sur la durée de cotisation comme Marisol Touraine avait choisi de le faire, en équité pour protéger celles et ceux qui ont commencé tôt ou qui ont des travaux pénibles. L'âge légal, c'est le dogmatisme qui s'habille en égalitarisme au motif que depuis Paris, il faudrait qu'on norme absolument tout le monde sur un moule indéfendable au moment où la relation au travail s'individualise au plus haut point.
Faut-il donc pousser à un recul de l'âge légal de départ en retraite ? La réponse est évidemment non, pour déjà toutes les bonnes raisons précédemment détaillées. Au surplus, on rajoutera que cette disposition n'apporte rien sinon de créer des inégalités supplémentaires, de renforcer celles qu'on voulait combattre et de faire payer aux plus modestes le poids d'une reforme alors que ceux qui sont déjà privilégiés n'en subiront aucune des contingences.

Après ça, expliquer qu'il s'agit d'une réforme de gauche est l'écume des choses et traduit bien l'inconsistance du Ministre du Travail dont on peut que se désoler pour lui du chemin de croix qu'il arpente en ce moment. Varier à ce point sur les justifications techniques, financières ou encore stratégiques sur l'utilité de la réforme consacre l'adage Aubrysien bien connu à Lille : "Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup !"

Au delà de ces commentaires finalement assez convenus et sans verser dans un bashing anti-gouvernemental qui n'apportera rien, Laurent Berger [Secrétaire général de la CFDT] a eu des mots incroyablement justes et hélas dystopiques que je ne suis pas loin de rejoindre. Sous couvert de s'assurer de son chapitre réformateur dans les livres d'Histoire, le Président de la République réussit maladroitement et sans aucun sens tactique à provoquer tout le contraire et coaguler, contre lui, une seconde crise sociale d'ampleur en moins de cinq ans. Pour un pays qui est épuisé, qui cherche un cap et dont le ciment commun se lézarde, l'addition commence à être trop élevée. Je pense surtout qu'Emmanuel Macron et ses courtisans ne voient pas passer la dernière occasion historique de passer un pacte avec les français. A chaque fois que l'on a agi de la sorte en ne les écoutant pas ostensiblement, cela s'est terminé par une vague sociale d'ampleur comme en 1936 ou en mai 1968. L'incurie historique de ceux qui dirigent aujourd'hui est flagrante et l'on aurait bien tort de croire que l'on va pouvoir passer à autre chose et qu'il sera temps bientôt de se consacrer à d'autres sujets comme si, avec désinvolture, on voulait traiter le mouvement actuel comme un accès de fièvre sporadique. Tant de condescendance fait le lit des mouvements autoritaires qui gominent leurs cheveux et fourbissent leurs armes dans la perspective des scrutins futurs.

C'est cela qui est irresponsable dans l'attitude d'un gouvernement inapte à négocier quoi que ce soit parce qu'il est obnubilé par le souci de ne concéder aucun millimètre, ce qu'il verrait comme une défaite politique. En face, les syndicats ont retrouvé une utilité et martèlent, à juste titre, qu'ils sont le dernier rempart de la négociation au delà duquel la violence reprendra ses droits comme avec les Gilets jaunes. Emmanuel Macron a déjà démontré qu'il était capable de débloquer 13 milliards d'euros pour calmer les irruptions de 2018 qui mobilisaient moins de 300.000 manifestants ... il ne fait rien quand les cortèges comptent plusieurs millions de citoyens qui protestent pacifiquement. En d'autres termes et à continuer de la sorte, il envoie le message qu'il y aura une prime à la violence et aux déprédations ... tout le contraire d'un pacte social.

La journée de manifestation du 7 mars 2023 aura donc encore davantage isolé le pouvoir, qui n'a plus pour seule alternative que de revenir à la table des négociations la queue basse pour tenter de sauver ce qui peut encore l'être, après avoir bandé ses muscles sur ses capacités réformatrices. Le pari est perdu, que la loi soit votée ou non. Ne pas le voir ou l'entendre relève d'une pathologie psychiatrique inquiétante qui annonce des lendemains ténébreux dont la responsabilité échoira à une majorité parlementaire aveugle et sourde, incapable de nouer avec ceux qu'elle est censée représenter le contrat social nécessaire. Au moment où le Garde des Sceaux fait des bras d'honneur à l'Assemblée, autant dire que l'élection européenne à venir est déjà flinguée, qu'Elisabeth Borne devrait déjà faire ses cartons et que ... le quinquennat est déjà terminé.

Tto, affligé

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Commentaires
J
Absolument pas étonné du tout. C'est dans son ADN de petite caporal bonapartiste qui pense toujours réformer sabre au clair et qui est prêt à toutes les folies pour passer en force au risque de finir comme Charles X ou Louis-Philippe. Ce qui m'inquiète plus, c'est que ses réformes n'ont eu de cesse que de "casser la gueule aux classes moyennes" qui, parce qu'elles font des études, se retrouvent parmi les plus pénalisées, avec les carrières longues, dans cette réforme. Or, les classes moyennes, c'est le socle de base du régime républicain. Si elles lâchent, et c'est en gestation depuis au moins le mandat de Sarkozy, c'est la République qui va s'écrouler avec. Et je ne compte pas sur les lénino-trotskystes LFI pour la sauver le moins du monde, au contraire.
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