Le sexisme qui s'ignoreOn peut le dire, cela m'a troublé. Dans le flot de discussions plus ou moins bienveillantes sur le sexisme ambiant, les violences faites aux femmes [et, plus largement, aux minorités] et j'en passe, j'ai entendu quelque chose qui m'a un peu heurté dans le sens où je me suis reconnu lorsqu'a été mis en avant un comportement jugé très très sexiste.

Bim boum badaboum ... ne voila-t-il pas que je serais sexiste maintenant ... Je sais bien que je suis un connard de droite, un blanc qui n'est pas conscient de son privilège de mâle dominant, un héritier navrant de l'asservissement historique dont mes ancêtres ont nécessairement dû profiter et moi par ricochet, un homophobe patenté puisque je conspue certaines postures de marquis de la cause LGBT qui s'en servent comme les islamistes radicaux instrumentalisent l'islam, un capitaliste dévoreur de libertés au motif que j'appartiens à une partie de la population réputée pour être la mieux payée de France et même d'Europe ... bref, des étiquettes, j'en ai autant qu'on en trouve dans une fromagerie. Mais là ... je serais également sexiste pour couronner le tout !

Et pourquoi ?
Parce que je me moque des coiffures, accoutrements et vêtements de mes collègues féminines ... a fortiori celles qui travaillent sous mon autorité. Diantre ...

Alors oui, je le reconnais : je ne laisse rien passer et je m'amuse toujours de pointer telle curiosité ou telle expérience capillaire ou vestimentaire qui ne serait pas tout à fait heureuse voire qui ne me plairait pas au sens esthétique. Oui, je le confesse : j'aime user de la sulfateuse quand je croise une coiffure assez ratée, un changement de look un peu hasardeux, ou une robe aux motifs faisant du Desigual pour une sobriété classique de chez Chanel. J'ai l'esprit taquin et je ne m'en cache pas.
Je ne me cache d'ailleurs pas non plus de certaines lignes de front qui sont infranchissables pour moi : les bottes, le motif à fleur, les pantalons roses ou les choses un peu surprenantes comme des chaussures fourrées tendance Ugg ou alors des accessoires pas franchement d'aplomb [sac, boucles d'oreille, jusqu'au maquillage]. Oui, j'ai des goûts assez prononcés et je le dis ouvertement ... en bon mâle blanc toxique que j'ignorais être jusqu'à ce que j'entende que des femmes vivent très mal le fait d'être remises en cause dans leur apparence physique lorsqu'elles se prennent des réflexions dont je pourrais parfaitement être l'auteur dès lors qu'il s'agit de souligner que cela se voit.

Alors certes, je n'y passe pas des heures mais si une collègue ou une collaboratrice s'habille comme Britney Spears pour faire jeune alors que cela fait 30 ans que ce n'est plus le cas, je peux te dire que je ne rate pas non pas par cruauté ou pour la rabaisser, mais parce que c'est aussi ma façon de décoincer l'ambiance étant précisé que je n'interdis aussi à personne de souligner que je me serais raté sur une concordance de couleur ou si j'ai une tâche. Parce qu'en fait, ce que l'on explique être du sexisme est chez moi de la taquinerie ... que je dirige aussi vers celles dont je sais qu'elles le prendront bien et qu'elles sauront prendre pour de la plaisanterie ce qui est de la plaisanterie. 

Et puis, depuis quelques jours, je me suis demandé d'où cela venait et s'il fallait que je change mon comportement un peu moqueur qui ne laisse pas passer grand chose, y compris avec mes amies ... et mes amis. Parce qu'en réalité et à l'analyse, j'ai constaté que je ne rate pas davantage les hommes qui ont un nœud de cravate mal fait, un pantalon trop petit qui leur fait un paquet immonde, une chemise définitivement plus de leur âge ou que sais-je encore. C'est juste que certains mecs sont moins rigolos à essayer d'embarrasser parce qu'ils s'en foutent là où des filles mettent une énergie folle à faire n'importe quoi en pensant taper juste alors que pas du tout. 

Donc, en définitive, si cela peut apparaitre sexiste et ressenti comme tel par certaines, moi je ne le fais pas dans cette optique ni même en conscience. Cela ne veut bien évidemment pas dire que je ne suis pas sexiste pour autant puisque le déni n'a jamais été une immunité [bien au contraire], mais j'infère tout de même que cela n'est pas le cas parce que je cible celles et ceux vers qui je décoche certaines piques et flèches. Ensuite, je ne m'acharne pas même s'il est vrai que j'insiste lourdement parfois, ce qui provoque l'hilarité de celles qui est l'objet de mes attentions et des autres qui prennent toujours fait et cause contre moi en me disant que j'exagère ou que j'ai la dent dure. Le fait est que cela se passe toujours avec bienveillance même si c'est parfois un peu acide. Et surtout, si je perçois que cela dérange, alors j'arrête.

Mais je te jure que cela m'a troublé et finalement donné un peu le vertige parce qu'au même titre que je trouve injuste de prétendre que je suis homophobe au motif que j'exprime des distances avec la normalisation du bon homosexuel parisien qui est autorisé à se revendiquer comme tel, je perçois aussi qu'en matière de sexisme l'époque est assez prompte à mélanger beaucoup de choses et faire en sorte de stigmatiser des comportements anodins qui ne relèvent pas du sexiste au motif d'une susceptibilité [que l'on peut admettre au cas particulier sans pour autant en faire une généralité] dont la portée serait alors un peu excessive. Ou alors, on admet au bout d'un moment qu'on ne peut plus rire de rien parce qu'au final, on rit toujours au détriment de quelque chose ou de quelqu'un. Mais il parait que je ne suis pas légitime à exprimer quoi que ce soit à cet égard parce que je suis un mâle alpha blanc dont l'exemple de la classe dominante. Pourtant, je n'en fais pas tout un plat quand les rires gras le sont au sujet de blagues sur les roux [que je ne trouve pas drôles mais je ne dégaine pas les assignations au silence pour autant].

Tto, qui n'a pas forcément résolu intérieurement la question