Une comédie romantique gay, avec humour et affranchie des poncifs du genre [tant des comédies romantiques que des romances gays qui ne versent pas dans le porno], est-ce que "Bros" réussit son pari ? C'est Ce Qu'il Faut en Dire.
Bobby Lieber, animateur du podcast et de l'émission de radio "The Eleventh Brick at Stonewall", se targue d'être un indécrottable célibataire et assiste à une cérémonie de remise de prix pour la communauté LGBTQ, où il remporte le prix du "Meilleur Cis Male Gay Man". A cette occasion, il annonce qu'il a accepté un poste de conservateur pour le nouveau National LGBTQ+ History Museum qui va ouvrir à Manhattan.
Bobby rejoint son ami Henry dans une boîte de nuit de New-York où une nouvelle application de rencontres gay est en cours de lancement, et repère Aaron Shepard, qu'Henry décrit comme chaud mais ennuyeux. Aaron et Bobby finissent par flirter et échangent un baiser, mais Aaron ne semble pas intéressé par Bobby, préférant répondre à une invitation de plan à trois. Quelques jours plus tard, il décident néanmoins de passer du temps ensemble, mais c'est poussif ... toutefois, ils décident de continuer à passer du temps ensemble ... Voilà pour le début de l'histoire.
Alors, faut-il aller voir "Bros" qui est descendu par la critique et qui peine à remplir les salles de cinéma ?
En fait tout dépend de ce que tu attends de la promesse du film. Sauf qu'il y a fort à parier que malgré une indulgence de fait, tu ne parviennes pas à sortir de cette douloureuse impression de voir un film de Meg Ryan avec des garçons qui ont du poil au menton [et ailleurs]. Et, hélas, si la galerie de personnages et les angles peuvent être prometteurs, on retombe assez inéluctablement sur les clichés du genre, les passages obligés, stéréotypes éculés qui rendent encore caricaturales les bromances gays quand elles essayent d'adopter les codes du cinéma commercial et familial. Alors, ce n'est pas faute de tenter de faire ce que les autres n'ont pas essayé mais on se vautre péniblement systématiquement dans le procédé du gay new-yorkais qui n'a pas d'autres problèmes que son petit nombril. Tout est facile sauf le bonheur et c'est forcément tant en décalage que se projeter devient un tour de force. Bobby est plus agaçant que Zaza Napoli, pétri de ses certitudes et truismes sans voir qu'il est le premier artisan de ses propres désolations. Aaron est forcément bogoss, craquant à tous points de vue, évidemment sexualisé à fond mais sans y trouver autre chose que des décharges hormonales ... et il vient de la campagne où les gens ont des œillères [c'est presqu'ils vivent dans une autre époque] qui figurent être de la science fiction quand on brunche dans un diner de la 38ème avenue.
A force de contorsions, de coups d'éclat, le scenario amène là où l'on s'attend à arriver, sans surprise ni autre étonnement. On passera immanquablement par les cases "monogamie", "plan à trois", "militantisme LGBT", "hétéro qui devient gay" ... seuls le suicide, le SIDA, l'agression homophobe et la Prep nous sont épargnés. Le problème, c'est que cette impression de descente en slalom avec passage imposé entre plusieurs portes dont on aurait aimé s'affranchir laisse un goût un peu amer parce que la tentative pouvait permettre d'espérer un peu plus d'audace. En guise d'audace, Debra Messing se carricature toute seule et c'est assez jubilatoire mais il ne faudra pas en espérer davantage [sauf peut-être le personnage représentant la communauté bisexuelle dans l'équipe du musée qui m'a beaucoup amusé ... oui il y a un personnage pour chaque segment du LGBTQIA+, à l'image d'un casting de sitcom]. Le reste est sirupeux, on connait clairement le dernier quart d'heure une heure avant la fin du film ... du pur Meg Ryan movie avec supplément Noël [mais sans la neige] et quelques moments à vomir [comme quand la mère d'Aaron avoue être honteuse d'avoir eu une vision rétrograde ou que la question de l'enfant tombe comme un cheveu sur la soupe].
C'est donc totalement raté ? Non, quand même pas mais toujours aussi décevant de se dire qu'à force de hurler s'affranchir des clichés et automatismes du genre, on ne fait que les renforcer en les resservant d'une manière prétendument habile ou distanciée. Sous couvert de dénoncer les stéréotypes, on se les reprend en pleine poire ... en normant finalement l'image de la belle romance gay à la sauce hollywoodienne dans un New-York aussi illusoire que froid. Les tentatives d'ouverture sur la complexité des parcours ou les différences n'ont pas la chance de survivre bien longtemps tant on est enfermé dans les poncifs : Aaron est forcément un juriste qui s'ennuie, un queutard qui se défoule parce qu'il plait mais ne connait rien de la culture queer érigée en Himalaya par un Bobby qui casse des piles d'assiette dès qu'on n'acquiesce pas à ses diktats. Entre ça où Meg Ryan qui sombre dans un pot de glace parce qu'elle s'est faite plaquer, on est bien dans la finesse du film "Bridesmaids" ["Mes meilleures amies" en VF] ... ça tombe bien, c'est le même producteur.
Tto, perplexe