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une vie de tto
29 juin 2022

T'es CAP ou pas CAP ?

La Contribution Audiovisuelle Publique, voilà donc la grande affaire du pouvoir d'achat. Oh je sais, il s'en trouvera toujours pour m'expliquer que les 138 € ainsi gagnés par les ménages les plus modestes seront une aubaine ... oui, presque deux pleins de gasoil. Pourtant, est-ce que le jeu en vaut la peine ? 

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Au delà de la contrainte technique liée au recouvrement de la contribution en question qui était liée à la taxe d'habitation laquelle vit ses derniers jours, il y a une question plus philosophique dans cette histoire de redevance. Comment donner les moyens au service public de remplir sa mission ? La France a toujours hésité, basculant tantôt dans une sacralisation du service public de l'audiovisuel censé donner aux masses populaires l'accès à la culture qui ne lui était pas réservé jadis, tantôt dans une assimilation dudit service public aux contraintes privées. C'est ce grand écart qui conduit France Télévisions à ne jamais comprendre quel positionnement elle doit avoir, naviguant difficilement entre l'exigence et le populaire, entre Nabucco et Patrick Sébastien. A cet égard, Delphine Ernotte-Cunci est orfèvre dans le grand n'importe quoi et sa présidence restera à coup sûr comme l'une des pires que l'audiovisuel public aura eu à affronter depuis celle de Philippe Guilhaume en 1990.

Au delà de l'attaque personnelle [puisqu'il n'est de secret pour personne que la vacuité des desseins de Delphine Ernotte-Cunci m'exaspère au plus haut point ... son entrée en fonction ayant, selon moi résumé l'ensemble de sa démarche : il fallait virer les mâles blancs de plus de 50 ans ... voilà un bien beau programme que de fonder une démarche éditoriale sur une discrimination affichée], le fait est la suppression de la publicité après 20 heures n'aide en rien les dirigeants de l'audiovisuel public à trouver la voie et réconcilier le public avec son service public. Les français sont d'ailleurs jaloux du lien qui unit les britanniques avec la BBC, on peut les comprendre mais la "Beeb" a su se rendre exigeante pour susciter l'adhésion là où France Télévisions ne cesse d'errer dans une hésitation navrante entre qualité et médiocrité, entre exigence et vacuité au point que les équipes ne comprennent plus s'il faut faire de l'audimat ou du qualimat. La même Delphine Ernotte-Cunci jurait jadis qu'elle ne voulait plus regarder les audiences mais s'attacherait désormais au "Qualimat" censé démontrer la satisfaction du public. Curieusement, voilà des années qu'elle n'en fait plus état soit du fait de son habituelle désinvolture, soit aussi parce que les résultats sont désastreux quand on envisage les redoutables émissions de Nagui, les divertissements du samedi soir infligés à coups de Boccolini ou Jarry ou les pitoyables émissions politiques dans lesquelles on donne le beau rôle à l'affligeante Salamé.

Pour autant, l'inexorable échec à résoudre l'équation assignée au service public n'est pas général puisque Radio France s'en sort presque, Arte préserve encore ce qu'elle peut [même si Bruno Patino a décidé clairement de pousser le curseur mortifère de l'audience] et l'Ina n'est pas devenu le supermarché à vidéo que certains marchands du Temple ambitionnent pour elle. Les audiences de France-Inter, sacrée pour la troisième saison consécutive "Première radio de France", sont la meilleure réponse au constat d'échec et Laurence Bloch aura réussi ce tour de force de combiner les grosses ficelles de la radio commerciale avec le haut-de-gamme qui rassure tant les auditeurs de la rive gauche. Mais le loup est dans la bergerie ...

Alors, que peut changer la fin de la contribution audiovisuelle publique ? Déjà, de parler de choses exactes. La redevance n'est pas un impôt ni même une taxe, c'est une contribution. Les taxes entrent dans le budget de la collectivité qui le prélève, la contribution est un prélèvement qui peut être aussi bien sur le revenu que sur une opération particulière. Au delà de ce détail qui n'amuse que moi, c'est surtout la démarche : payer pour que l'audiovisuel public dispose des moyens d'accomplir, même aussi mal qu'il le fait, sa mission, c'est aussi un acte citoyen qui donne audit service public des responsabilités vis à vis des contributeurs. Et c'est déjà ce lien qui n'existera plus quand le budget de l'Etat arrosera du montant décidé par le Parlement France Télévisions, Radio France et autres comme n'importe quelle autre agence de l'Etat. Ce n'est pas rien.
Ensuite, on ne peut que donner raison aux opposants de la mesure : financer uniquement sur les deniers de l'Etat revient à se soumettre au joug arbitraire dudit Etat. C'est véritablement l'emprise politique qui est crainte et, en l'état actuel, on ne peut que redouter que cela se confirme. Les pressions gouvernementales sur les dirigeants de l'audiovisuel public sont déjà importantes, cela sera donc pire a fortiori avec des gouvernements moins à l'aise avec la liberté de la presse. Dès lors, comment ne pas envisager la mesure favorable au pouvoir d'achat comme étant redoutablement délétère ... l'enfer est toujours pavé de bonnes intentions.
In fine, tout cela n'ira pas dans le sens d'un accroissement des ressources de l'audiovisuel public et s'analyse davantage en une mise sous tutelle financière, le chantage éditorial pouvant alors être encore plus redoutable. on comprend donc les angoisses des rédactions, a fortiori dans un contexte où les sénateurs parlent de reformer l'ORTF en fusionnant les entreprises de l'audiovisuel public ... ce qui, objectivement, n'a aucun sens sinon celui de programmer un vaste dégraissage. Evidemment, seule Delphine Ernotte-Cunci [qui n'aura décidément jamais rien compris] y est favorable ... mais que ne ferait-elle pas pour donner des gages de bonne conduite à l'Elysée ! Les cultures d'entreprises sont très différentes [j'en sais personnellement quelque chose], les enjeux relatifs aux médias sur lesquels opèrent lesdites entreprises sont irréconciliables et il est surtout à craindre qu'à l'instar de la réforme des régions, cela ne provoque qu'un empilement de structures de plus nonobstant la fusion. Bref, c'est bien une idée crétine de consultant ça encore ...

Dans ces conditions et au regard des enjeux démocratiques et salutaires en matière d'information, supprimer la Contribution Audiovisuelle Publique est bien navrant parce que cela augure de jours bien ténébreux ... a fortiori au moment où TF1 va avaler M6, au moment où Bolloré digère tout Lagardère [médias et édition] et au moment où l'information n'est plus la norme puisque le clic désinformatif vaut davantage que l'éthique. Regardons bien nos cousins américains pour savourer, en amuse-bouche, l'aigreur de tels plats vis à vis desquels il faudra faire preuve de résistance.

Tto, CAP

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