Marmites Staub

Il est donc l'heure du troisième tour. S'il y a bien une chose qui est vraie et censée dans la logorrhée de Jean-Luc Mélenchon, c'est bien cela mais pas nécessairement de la façon dont il l'entend voire même dont il s'en persuade. C'est une chose d'invoquer la méthode Coué, c'en est une autre que d'intoxiquer sciemment les esprits pour mieux faire monter la colère, alors qu'objectivement le leader minimo n'a aucune chance de devenir Premier Ministre à l'issue des consultations des 12 et 19 juin prochains.

Il s'agit donc d'un troisième tour et c'est, comme je l'explique dans cette colonne depuis plus d'un an, c'est vraiment là que va se jouer le quinquennat qui vient de s'ouvrir. Ce n'est pas une figure de style, c'est d'ailleurs d'autant plus certain que c'est aujourd'hui que l'analyse des projets se fait, que les choix s'éclairent et que les orientations se clarifient. Après le match déjà plié de la présidentielle, c'est paradoxalement avec les élections législatives [dont on a pourtant coutume d'expliquer qu'elles sont une simple formalité quand elles suivent la présidentielle] que les équilibres vont se faire. Il n'y a objectivement pas d'alternative tant les Républicains sont en charpi, tant le mouvement autoproclamé "national" peine à être audible compte tenu de l'inanité de ses propositions [on parle de Zemmour et de ses moulinets puérils avec les bras ?], tant la gauche essaye péniblement d'apparaitre unie alors que rien ne sépare plus les socialistes d'un Mélenchon qui réussit son pari vengeur de détruire son ancienne maison socialiste. Pourtant, les sondages pronostiquent désormais la confirmation du tripartisme éclatant du premier tour de l'élection présidentielle : le camp centriste d'Emmanuel Macron, le camp réactionnaire et souverainiste d'extrême droite et le camp rouge révolutionnaire qui a décidé de proposer la fin de l'équilibre démocratique actuel sous couvert de progrès social.

Le choix est donc celui-là. Et c'est assez singulier de se dire qu'aujourd'hui, aucun de ces trois pôles n'est blanc comme neige. L'après présidentielle aura finalement été géré poussivement par le Président de la République confirmé, qui n'aura eu comme seule option que de demander à Elisabeth Borne d'endosser les habits de première ministre servile et dévouée. La composition du gouvernement laisse d'ailleurs assez perplexe quand on les rapproche des sirènes vociférantes d'un renouveau déjà caduc. Chez Le Pen et Zemmour, la présidentielle aura laissé des traces et Marine Le Pen se remet mal [comme tous les cinq ans] d'une campagne dont elle-même ne croyait pas au succès tout en nourrissant une haine tenace contre Zemmour qui  concentre sur lui l'avortement d'ambitions trop larges pour ses frêles épaules. Chez les Nupes, c'est l'union ou tu crèves et tordre ainsi le bras d'élus installés localement va finir par laisser davantage de rancœur que d'assurer des sièges, surtout quand on laisse transpirer les relans pestilentiels de ce qui gangrène la mouvance quasi sectaire d'un Mélenchon qui n'aura jamais été autant autocrate. Du résultat final et donc de la composition de la future Assemblée Nationale dépendra donc la trajectoire des cinq années de pouvoir à venir.

Quelques fondamentaux de la carte électorale conjugués à la connaissance des mécanismes électoraux en présence ne peuvent, avec un peu d'honnêteté, permettre de conclure que les Nupes ont une chance de disposer de la majorité absolue voire même relative. A défaut, je ne vois pas bien comment ou pourquoi on proposerait à Mélenchon de devenir premier ministre comme il feint de s'en persuader soit par délire psychiatrique qui interroge sur ses aptitudes cognitives, soit par calcul en créant la déception qu'il suffira ensuite d'hâtiser pour créer le désordre. C'est d'ailleurs ce que cette pauvre Clémentine Autain expliquait récemment : à défaut de remporter les élections, l'objectif est de provoquer l'insurrection pour prendre le pouvoir. En d'autres termes, si le résultat des urnes ne convient pas aux extrémistes de gauche, ils créeront les conditions d'un coup d'état. Charmant non ?

Ce qu'il y a également d'assez remarquable, c'est de constater que les trois pôles qui peuvent prétendre à jouer un rôle majeur dans la vie politique des cinq prochaines années sont touchés par le phénomène des candidats imprésentables. Certes, Damien Abad est toujours présumé innocent et bénéficie du fait que diverses plaintes ont déjà été classées sans suite, il n'empêche que cela fait désordre pour la prise de guerre et jette, par ricochet, un regard encore plus accablant sur Les Républicains d'où il vient. Mais en Macronie, il aura fallu une bourde [de plus] de Stanislas Guerini pour décider enfin de se passer d'un candidat dont les condamnations pour violences conjugales ne prêtaient plus à débat. Chez les patriotes vertueux, on ne compte plus les délicatesses critiquables, les plaintes déposées contre Zemmour et l'amateurisme consternant des candidats sortis de nulle part pour figurer dans le maximum de circonscriptions, quitte à ce qu'ils nourrissent les bêtisiers de Barthès et Chameroy tous les soirs. Chez les Nupes, Taha Bouhafs aura élagué la forêt des vertus des insoumis qui raillaient, il y a peu, les dérives du pouvoir ou les écarts des écologistes. On devrait toujours balayer devant sa porte avant d'ouvrir sa bouche mais Clémentine Autain, Alexis Corbière ou l'affligeante Mathilde Panot n'en ont cure : ils se persuadent qu'ils ont rendez-vous avec l'Histoire alors qu'ils sont rattrapés par de sordides histoires dont il fallait être bien naïf et sourd pour penser qu'elles les épargneraient. Du coup, comme tout le monde plonge, on a basculé dans un "tous pourris" lancinant qui tue l'idée même de parti politique, comme une uberisation ultime de la démocratie avec, pour seule mission des mouvements politiques, la capacité à drainer les généreux financements d'une République vis à vis de laquelle ils sont bien ingrats. C'est le propre du doryphore que de rabaisser la pomme de terre dont il a un besoin vital. Le souci, c'est qu'on en vient à jeter le bébé et l'eau du bain ... sans oublier la baignoire. En l'occurrence, ce sont les batteries de marmites en fonte qui collent aux basques des trois partis dominants du nouveau monde.

Avec tout ça, le festin sera au mieux indigeste ... au pire, exposera aux pires tourments.

Tto, qui renverrait bien tout cela en cuisine tant cela a l'air dégobillatoire