CQFD - Premier tour Présidentielle 2022Demain soir, tu ne passeras pas une bonne soirée. Ce n'est pas seulement parce que cela sera un dimanche soir, c'est aussi parce que cela coïncidera avec l'annonce des résultats du premier tour de l'élection présidentielle 2022. Et si on faisait une revue des impétrants en présence, voici ce qu'il en faut en dire ...

Ne compte pas sur moi pour te dire que la campagne a été magnifique mais pas non plus sur moi pour dire qu'elle a été épouvantable. Elle a eu au moins le mérite de mettre sur la table les visions internationales des candidats qui n'ont pas eu le loisir de se concentrer que sur les problèmes de voisinage, de sécurité ou de café du commerce. Moins de boules puantes c'est déjà donc plus rassurant. Ah mais je sais, les petits candidats gueulent parce qu'on a trop parlé d'Ukraine ... c'est vrai ça, qu'est ce qu'ils viennent nous saouler ceux qui se font massacrer alors que nous on a des vrais problèmes de prix à la pompe parce qu'on ne peut plus rouler comme on veut, en alliant le paradoxe de croire à la fin du monde demain matin tout en exigeant qu'au nom de nos libertés sacrosaintes on puisse continuer à aller dans les centres commerciaux pour acheter des produits chinois réalisés par des enfants. Bref ... avant d'aller voter, je me suis contraint à résumer brièvement l'offre qui sera à disposition demain dans ton bureau de vote.

Nathalie Arthaud, c'est la caricature de la fille qui ne te dit pas que des âneries mais qui le fait avec tant d'acrimonie que tu n'as qu'une envie, c'est qu'elle cesse le plus vite possible. En plus, c'est clair : elle se force tellement à être sympathique que c'est une vrai souffrance. Là où Laguiller paraissait plus attendrissante, Arthaud est un parangon de prof d'éco et de gestion frustrée, témoignant de la perte de vitesse de son mouvement dont Hardy n'aura pas pu éviter le déclin par delà son trépas. Pour le reste, cela reste un programme révolutionnaire promettant la dictature du prolétariat et la confiscation générale. Mais on peut trouver cela amusant ...

Philippe Poutou, c'est le bon client. Il avoue, comme Arthaud, qu'il n'y croit pas un seul instant mais se sert de la tribune de temps de parole offerte pour distribuer quelques mandales au passage avec la bonhomie du mec sympa qui rigole toujours un peu. Comme Arthaud, Poutou n'emploie jamais le "je" mais toujours le "nous". Assurément plus digeste qu'un Besancenot mis en jachère, il porte néanmoins un programme anticapitaliste fondé sur l'expropriation donc la confiscation et des mesures assez radicales en matière d'équilibre d'état de droit. Assurément, c'est une candidature de représentation dont la France aime s'amuser tous les cinq ans, ses fameuses candidatures trotskystes.

Fabien Roussel est un peu le sauveur du PC, étiquette qu'il n'affiche plus sauf tout en bas à droite de ses affiches. Oui, le communisme nouveau a ce visage là et il est moins répulsif que d'autres. Pour autant, on a basculé dans un populisme décomplexé au sens basique du terme. Il enfonce des portes ouvertes, clame que tout le monde a le droit d'être heureux, postule que le bien c'est mieux que le mal avec une constante permanente : ne jamais permettre de comprendre comment on y parvient. C'est très bien fait mais d'une vacuité vertigineuse. Mais ça marche et c'est devenu le gros caillou dans la chaussure de Mélenchon.

Jean-Luc Mélenchon, c'est le tribun qui se voulait Fouquier-Thinville et qui n'est qu'un ramassis de paradoxe et retournements de vestes démagogiques affligeants pour celui qui fustige l'inconsistance des autres. Certes, il est de ceux qui firent campagne mais en recyclant complètement celle qu'il avait préparé en 2017 sans vraiment apporter de nouveauté. Fasciné par les régimes autoritaires du Vénézuela et par Poutine [ce qu'il se garde bien de rappeler], il joue l'anguille pour éviter d'être disqualifié ... comprenant malgré tout que n'avoir pas fait l'union le condamne à la troisième place du premier tour, sauf si la mobilisation joue en sa faveur, ce qui semble difficile.

Yannick Jadot, c'est la chronique d'un désastre annoncé que lui seul ne veut pas voir. Pourtant, Sandrine Rousseau a tout fait pour le lui faire comprendre [l'une des rares honnêtetés intellectuelles de la pastèque khmer verte]. Oui mais voilà, Jadot s'obstine, y croit, ne voit que l'alignement des planètes qui devrait en théorie lui ouvrir un boulevard. Sauf qu'il est difficile d'annoncer aux français un changement radical de mode de vie quand l'inflation galope et que le monde se fissure. Aimer le vent et les éoliennes ne construit pas un projet de société, surtout quand on fait la démonstration que l'on n'est même pas capable de tenir son propre camp.

Anne Hidlago, c'est la mater dolorosa du PS. Emportée par la déliquescence du parti et poussée sur la scène par Martine Aubry qui ne cesse depuis 2011 de jouer les fossoyeurs, Hidalgo a réussi la performance assez rare de commettre à peu près toutes les erreurs possibles en matière de campagne. Véritable cas d'école, elle n'a toujours pas réussi à faire passer la moindre idée de son programme et est devenue une raillerie désolante à qui l'on souhaite que cela s'arrête vite pour qu'elle puisse être un peu tranquille. "Regardez ce que j'ai fait à Paris, imaginez ce que serait le pays" est la phrase qu'elle prononça et qui résume tout ...

Emmanuel Macron, c'est Giscard avec un iPhone a expliqué récemment quelqu'un et je trouve cela tellement juste. Persuadé et imprégné d'un discours verbeux et enflammé, il n'a pas trouvé le moyen de faire campagne et risque sa réélection par défaut avec toutes les conséquences que cela aura. Redoutable débatteur, il ne l'a pas souhaité donnant alors l'impression de le redouter. Surtout, le candidat Président mésestime assurément le niveau de rejet qu'il inspire, à l'image d'un Sarkozy qui pensait tordre le bras de ceux qui le détestaient en 2012, on connait la fin. Pire, Macron ne parle pas aux gens, bref il y a quelque chose de cassé.

Valérie Pécresse, c'est une mine d'or pour les humoristes. Oui, la dernière candidate du parti Les Républicains est devenue une consternation permanente. Il y a bien une chose qu'elle réussit : tout ce qu'elle tente, elle le rate toujours. Coincée entre Macron et les extrêmes, elle n'a rien compris de la campagne, s'est laissée déborder par Ciotti pour éviter qu'il ne rallie Zemmour et est devenue un polichinelle qui fournit à "Quotidien" des années de bêtisier. Les électeurs du parti n'y comprennent plus rien et ont déjà fait leur valise, annonçant l'inexorable scission tandis que rodent encore les vautours Wauquiez et Dati. 

Nicolas Dupont-Aignan, c'est la ravi de la crèche qui professe l'apocalypse en permanence et pour à peu près tout tout en y croyant fermement et en s'indignant à la manière d'un Francis Huster de MJC de province. A ce niveau, c'est presque de l'art et cela pourrait être comique si ce n'était pas tragique parce qu'il emporte avec lui une cohorte de personnages séditieux [Florian Phlilippot notamment] et d'idées nauséabondes calquées sur celles de Donald Trump, la dernière étant de suggérer que le processus électoral actuel est insincère voire truqué. En d'autres temps, on devine où le patriote de carton qui exige la liberté totale aurait eu des sympathies.

Marine Le Pen, c'est la métamorphose absolue. C'est simple : on n'a gardé que l'enveloppe mais on a tout changé à l'intérieur. Elle aime tout le monde, elle aime les chats, elle sait tout faire, elle est ... sous Xanax ? Le génie des communicants est d'avoir transformé la répulsion en éventualité. Mais qu'on ne s'y trompe pas : le programme au fond reste le même, seule la sortie de l'Europe a été évacuée. Sinon, d'égalité il ne sera plus question, de liberté plus beaucoup non plus et la fraternité, vous repasserez. La challenger y croît et, comme tout le monde lui fait la courte échelle, elle aurait tort de bouder son plaisir. Nous ce sera plus dur ...

Jean Lassalle, c'est le troubadour de la campagne. On ne sait pas ce qu'il raconte, on ne comprend rien à ce qu'il marmonne mais c'est la candidature rurale, celle qui permet à la France des territoires de se dire qu'elle existe encore dans le fracas des problèmes macroéconomiques et géopolitiques actuels. Pour le programme, on repassera tant il a été fait comme s'il s'était agi de rassembler des briques de Lego qui n'ont rien à voir les unes avec les autres. Feignant de renoncer pour mieux revenir insulter la presse ou ceux qui se moquent de lui, Lassalle est un pantin jadis proche de Bayrou qui ne sert à rien d'autre que d'être une campagne de témoignage.

Eric Zemmour, c'était censé être la nouvelle star, celui qui allait faire imploser le système qu'il connaissait si bien. Véritable imposture intellectuelle qui mâtine ses propos d'un intellectualisme sirupeux [donc indigeste], il dit une chose et son contraire, commet des erreurs monstrueuses pour mieux expliquer ensuite soit qu'on n'a rien compris parce que Napoléon aurait fait pareil ou hurle à la cabale parce qu'on veut le bâillonner alors que Bolloré lui ouvre toutes grandes les ondes de ses chaînes télé et radio. Zemmour savait tellement comment cela allait se passer qu'il n'a rien compris à cette campagne qu'il a cru dominer mais c'était seulement parce qu'il était tout seul.

Alors oui, tu vas me dire que cela n'est pas réjouissant mais demande-toi, au lieu de savoir quel(le) candidat(e) pourrait te plaire plus qu'un(e) autre, qui sera plus rassurant et qui ne provoquera pas le suicide national. La France, présentement, se regarde en face et se désole ... mais si elle se comparait, elle se consolerait : le risque d'assister au suicide alors que nous sommes en bonne santé est réel, mais nombre de citoyens iront voter demain en étant convaincus, en se suicidant, de guérir d'un mal dont ils ne souffrent pas pour mieux s'en inoculer un autre probablement plus difficile à soigner.

Tto, qui a fait son choix