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une vie de tto
3 avril 2022

Alerte rouge : OSS ne répond plus

CQFD - OSS117 Alerte rouge en Afrique noire

Ce n'est pas faute de le répéter : les suites, c'est toujours moins bien. Pourtant, même s'il faudrait peut-être encore l'en remercier, Nicolas Bedos aurait certainement pu avoir l'amabilité de ne pas vouloir le démontrer à l'excès en commettant "OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire". Voici ce qu'il faut en dire ...

"OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire" [qui, pour information, s'est intitulé "OSS 117: Bons Baisers d'Afrique" au Québec] se veut donc une comédie d'espionnage française réalisée par Nicolas Bedos et sortie en 2021. Pour remettre dans le contexte, il s'agit du onzième film mettant en scène le personnage d'OSS 117 et du troisième volet de la saga parodique portée par Jean Dujardin, dont les deux premiers films, "Le Caire, nid d'espions" en 2006 et "Rio ne répond plus" en 2009 avaient été réalisés par Michel Hazanavicius [c'est dire si, déjà, il y a là un sérieux indice de la catastrophe inexorable].

En janvier 1981, Hubert Bonisseur de La Bath est retenu prisonnier en Afghanistan, en guerre avec l'Union soviétique. Il réussit à s'échapper. De retour à Paris, en pleine campagne présidentielle et soutenant ouvertement Valéry Giscard d'Estaing, l'agent OSS 117 est muté au service informatique du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage. Il reçoit la mission de secourir Serge, alias OSS 1001, un agent envoyé en mission en Afrique de l'Ouest pour aider le dirigeant Koudjo Sangawe Bamba à mater des rébellions, dont certaines communistes. Sous la couverture d'Émile Cousin, son but est de secourir son collègue et de prévenir un coup d'état afin de maintenir un régime politique fidèle à la France.

Voilà ... sur le papier, on pouvait se dire "pourquoi pas" tant la critique de la Françafrique des années 70 avec le personnage d'OSS 117 pouvait donner du relief. Le récit, installé avant la fin des années Giscard, pouvait aussi laisser libre-court à diverses digressions sur le bilan sociétal des années 70 et tout ce qui se préparait par la suite. Avec Jean-François Halin aux commandes du scénario et des dialogues [bien que flanqué de Nicolas Bedos qui trouvait utile de faire la musique, les dialogues et la réalisation ... une allégorie de la grenouille qui voulait se faire plus grosse que le bœuf], le risque semblait limité. Oui mais voilà ... c'était naïvement penser que les fondamentaux de la franchise parodique mise en place par Hazanavicius résisteraient à Bedos et son petit nombril boursoufflé.

Déjà, dès les premières minutes, on comprend que l'on va devoir affronter un cruel problème de rythme. Là où les deux films précédents jouaient de la mitraillette de vannes parfois dispensables mais impulsaient un rythme, là "OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire" commence à la manière d'un James Bond des années 70, mais un mauvais. Et ce sont les premières minutes qui seront les moins décevantes voire les plus abouties comme s'il avait fallu ne confier que la bande-annonce à Bedos. Hazanavicius avait décliné la proposition de réaliser ce troisième opus en raison du scénario auquel il ne croyait pas, on ne pourra que louer son flair.

Je n'ai pas pour coutume de suivre les notes Allociné, qui sont souvent un ramassis de n'importe quoi. Là encore, c'est terriblement le cas : le film obtient la note moyenne de 2,8 sur 5 parmi les critiques de 32 titres de presse. C'est bien indulgent ...
Si ceux qui ont vu une ode à la culture du film populaire à la française dans ce navet, il est bien difficile de suivre Caroline Vié de 20 Minutes qui expliquait que "Nicolas Bedos tape sur le politiquement correct avec une belle énergie". Dans La Voix du Nord, Christophe Caron admettait tout de même que "cet opus n’est sans doute pas au niveau des deux précédents" tout en expliquant que Nicolas Bedos "avait le bon profil pour perpétuer ce festival de blagues douteuses et jouissives tout en assurant le spectacle." Je me demande encore s'il s'agissait d'un hommage ... il n'empêche que Bedos, paresseux comme toujours, a cru que sur son nom on passerait les ressorts indolents, les astuces flemmardes et les facilités concédées à Dujardin qui, lui-même, semble s'ennuyer à longueur de plans qui ne sont pas autre chose que des pastiches des premiers films. Mais le pastiche d'un pastiche ne fait jamais un bon pastiche, même chez Ricard. Résultat, sous prétexte de faire évoluer la franchise, on introduit un Pïerre Niney qui en fait des caisses et devient aussi énervant qu'un Lucchini qui fait du Lucchini, on a l'impression de se faire resservir la soupe de la veille quand les mêmes mécaniques sont réutilisées sans vergogne.

Évidemment, Bedos explique toujours qu'on ne comprend pas sa subtilité, le second degré de son écriture si décalée qui restait digeste quand elle était cantonnée à une chronique du vendredi soir chez un Giesbert très complaisant. Ce n'est pas qu'on ne comprend pas, c'est qu'on a des attentes qui sont un peu au delà de celles de la production d'un rejeton imbibé qui se croit amusant en alignant les paresses et joue les tire-au-cul bien né. Parce qu'honnêtement, s'il n'était pas né avec son patronyme, on ne nous aurait probablement pas infligé Bedos et ses frasques, ses indignations égoïstes, des débordements navrants et tellement rive gauche, ses infatuosités qui font presque douter du second degré parfois. Il faut le dire : Bedos est mauvais parce qu'il est biberonné d'un pseudo talent qui serait héréditaire alors qu'à l'évidence, cela a sauté au moins une génération. Bedos est si lamentable qu'il parvient en dix minutes de film à saborder une franchise dont les fondamentaux étaient pourtant solides même s'il fallait, avec lucidité, se rendre compte qu'un dépoussiérage devenait urgent après dix années de jachère.

En réalité, et comme Marilou Duponchel l'écrivait dans les Inrockuptibles "Le film reconduit fidèlement et assez maladroitement parce que sans véritable inspiration, ni sens du rythme, les ingrédients qui avait fait le sel réac, raciste, homophobe et misogyne de ses prédécesseurs." Pire, c'est au delà de la non-inspiration, c'est piteux : j'avais trouvé l'analyse de Thierry Chèze assez censée quand il remarquait que chaque vanne prétendûment audacieuse ou gonflée sur l’Afrique et les Africains était toujours suivie d'une scène de justification ou d'excuse. C'est donc une pure trahison des deux films précédents qui y allaient frontalement et avec la seule arme de l'absurde. Oui mais voilà, Bedos a besoin de plaire et qu'on lui rappelle qu'il a du talent, puisqu'à l'évidence, il en doute lui-même [comme on le comprend].

C'est donc très mauvais et bien payé par 1,5 million d'entrées dont on compatit pour la souffrance éprouvée, qui n'a rien à voir avec celle que j'ai pu ressentir en assistant à la déconfiture d'une franchise qu'on pouvait imaginer moins altérable. C'était sans compter les efforts [pour une fois] de Nicolas Bedos.

Pour être honnête, je n'ai souris qu'une fois.

Tto, qui s'est ennuyé méchamment

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