Oui, je suis dans ce dilemme assez inconfortable et pourtant persistant : j'ai plein de choses à dire mais pas assez de temps pour le coucher sur ton écran. Tu n'es pas obligé de me croire ... d'ailleurs tu n'es obligé à rien pour mémoire.

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Pourtant, c'est bien vrai et je t'emmène à nouveau dans l'arrière cuisine, derrière le rideau de ce qui t'est proposé ici tous les jours : oui oui, suis moi, on va dans l'antichambre des publications, là où tout se prépare.

Dans cet endroit un peu étrange où rien n'est tout à fait comme tu l'imagines, il y a à gauche les projets de vignettes : avec des illustrations coquines ou aguicheuses d'un côté dont on sait bien qu'elles serviront un jour, avec les titres trouvés comme ça au gré des lectures et des échanges, avec des visuels plus ou moins originaux qui sont élaborés quand je m'ennuie fermement au cours de réunions téléphoniques interminables.
A droite, se trouve un papier avec des idées de thèmes, des idées de billets et cette liste, qui n'a l'air de rien, est le saint Graal de ce que tu liras ou pas dans les jours et semaines à venir. Juste à côté, on trouve les fameux tableaux de publications, la grille que j'élabore régulièrement ou que je remets sur le métier sans jamais en être satisfait. Dans cette grille, on sait déjà que le vendredi est dévolu au POP UP et dès le lundi, ce billet culturel et curieux se façonne au gré de ce que je vois passer. Le dimanche, c'est une tranche de vie et là aussi, "Les contraires s'attirent" sont listés et permettent d'envisager qu'on parlera bientôt de sujets aussi futiles qu'essentiels. Quant aux "Premières fois", je néglige trop souvent ce vieux papiers où j'avais listé tout ce qu'il était possible de raconter lors d'un retour en avion du Japon ... comme un fil d'Ariane qui me tient depuis plus de trois années. Et puis, il y a les édiTtos ou les réquisitoires. Les édiTtos, ce sont surtout des billets en réaction à l'actualité brûlante. Les réquisitoires, eux, sont une galerie de portraits à charge que jde dégaine au gré de l'actualité aussi mais qui sont plus préparés et pour lesquels je fais, tous les ans à la rentrée, la liste punitive des victimes : figurent ainsi Caroline de Haas, Yann Barthès, Marc-Olivier Fogiel, Cyril Hanouna, Pascal Praud, Eric Brunet, Mathilde Panot ... autant de noms dont je sens qu'ils seront sous le feu des projecteurs et [parce que j'ai un peu de flair] au sujet desquels je ne me trompe pas beaucoup ... à l'instar d'Anna Cabana récemment que j'avais accroché à mon tableau de chasse en 2018. Laure Adler a rejoint la liste il y a peu, comme Isabelle Saporta ou Laurent Ruquier [déjà traité mais je pense qu'il faut y revenir] parce que lorsque je croise ces individus, je me dis que le réquisitoire n'était finalement pas assez cruel ou le sujet pas assez traité.

Dernièrement, "CQFD" est venu s'ajouter dans la liste des préparations nécessaires mais ne t'y trompe pas : je ne parle pas de billets déjà rédigés, je parle de chemins de fer, de trames, de titres ou de vagues structures de billets. Et c'est précisément là que le problème se pose : je ne manque pas d'idées, je manque de temps pour les écrire, étant de surcroît précisé que j'ai la chance de ne pas relire ce que je publie [comme tu le sais déjà, mais je préfère le dire à nouveau]. Cette écriture fluide, c'est aussi comme cela que je te déçois parce que si je relisais, la charpente serait plus solide probablement mais le volume de production moindre parce que cela prend du temps. Et c'est là que l'arbitrage a été fait depuis des années : sans privilégier la quantité à la qualité, j'essaye de se faire rencontrer les deux et je crois, modestement, y parvenir parfois. Je te rassure, la lucidité m'oblige à concéder que c'est assez rare.

Oui mais voilà, en ce moment, les idées s'entrechoquent : j'ai envie de parler du fait que les émissions politiques qui marquent la campagne sont celles de Cyril Hanouna et la pastille "20h22" du journal de France 2. J'ai toujours envie de parler de ce sujet qui me tient à cœur et qu'on peut résumer maladroitement par la formule suivante : "Etre gay est-il forcément un choix politique ?", billet que je traine dans ma tête depuis plus de deux ans. J'ai aussi à cœur de parler de fidélité. J'ai tout autant l'envie de revenir à des sujets un peu plus hormonaux parfois comme si tu pouvais plaquer ton œil de lecteur curieux dans le trou de la serrure. Dans un coin de ma tête, j'ai aussi des envies d'aller chatouiller là où ça gratte [tiens "ça gratte" est une expression que j'utilise beaucoup en ce moment ... ça aussi je voulais en parler], là où ça dérange et rend le propos plus inconfortable. J'ai aussi des choses à continuer de sortir puisque mes rêves m'y contraignent en mettant en évidence le fait que je ne suis pas en paix avec tout un tas de cailloux qui se trouvent encore dans mes chaussures.

Pour cela, il me faut du temps ... que je n'ai pas forcément depuis plusieurs années. Difficile de se donner autant de latitudes et de composer avec ce sentiment profond et durable d'être un imposteur que mes contempteurs et ennemis jurés [ici comme au niveau professionnel ou autre] se plaisent à me rappeler. Aussi, je ne te délaisse pas lecteur de mon cœur, je publie plus tard, je remets à demain ce que j'aurais pu dire le jour même, je sacrifie des billets presque finalisés qui n'ont plus de sens quand j'aurais pu les achever [oui le cimetière des billets d'UNE VIE DE TTO est navrant mais inévitable]. Tu vois, aujourd'hui, j'avais imaginé dimanche te parler de crêpes et faire une analogie avec la campagne électorale en cours, mais en démarrant ce matin à 08h par des réunions qui m'ont occupé jusqu'à 12h, cela m'était impossible. Déjà que le laïus sur Tony d'hier a été publié plus tard que prévu alors qu'il était quasiment finalisé lundi midi, il n'y a désormais plus aucun doute : mes minutes manquent de trente secondes supplémentaires, renforçant mon incompréhension structurelle des gens qui s'ennuient. Moi, je n'aurai jamais assez d'une vie pour tout faire, tout dire ... on me dira que c'est peut-être bien ainsi et que c'est la même contrainte pour tout le monde. Ou pas ...

Tto, débordé