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une vie de tto
27 novembre 2021

L'absence de Monsieur Hulot

CQFD Envoyé Spécial

Une fois n'est pas coutume, on va être sérieux un samedi mais parce qu'il est question, surtout, de revenir sur le reportage de France 2 diffusé jeudi soir et qui a battu un record d'audience pour "Envoyé Spécial". Le coup journalistique est d'ailleurs fort ... 3,35 millions de téléspectateurs ne s'y sont pas trompés [15,6% de parts de marché sur les 4 ans et plus]. Pour autant et malgré la curée qui a débuté du fait du principal intéressé [la veille sur BFM TV], que faut-il en penser ? Voici CQFD, ce qu'il faut en dire.

Sache-le, l'exercice est compliqué à titre personnel parce que l'affaire qui sort aujourd'hui traite du nom d'une personne que je sais identifiée depuis très longtemps comme délicate, à l'instar d'autres dont je continue à taire le nom. Je ne cherche aucune médaille ici, je dis simplement cela parce que si moi je connaissais la sensibilité en question, il est évident que beaucoup d'autres également. C'est le premier point qui rejoint d'autres affaires comme celles de l'ancien présentateur du 20h de TF1 et tant d'autres. Le monde est petit et tout finit par se savoir même si je me suis toujours gardé de ne pas croire le premier ragot venu, préférant attendre que s'étayent ou s'éteignent les horreurs racontées.

Elise Lucet passe un coup de fil en plein Envoyé Spécial à Nicolas Hulot au sujet des accusations... et la conversation est malaisante sur Buzz, insolite et cultureLe reportage de l'émission "Envoyé Spécial" a été diffusé après quatre années d'enquête. Forcément, les faits sont prescrits donc, s'ils étaient confirmés et condamnables, l'auteur n'encourerait rien. On peut trouver cela choquant, je rappelle que la purge jouée par la prescription est salvatrice malgré tout mais je renvoie chacun aux cours de Droit de première année pour s'en convaincre. Loin de reposer donc sur des conséquences judiciaires, la force du reportage repose sur le faisceau d'indices concordants, le fait que certaines victimes ont eu le courage de témoigner à visage découvert et enfin que la défense de l'ex-ministre mis en cause est inefficace.

Certes, on ne peut contester à Nicolas Hulot une chose : le procès médiatique qui lui est fait est probablement plus dévastateur qu'un procès judiciaire. Oui, quand tout repose sur des paroles qui s'opposent à des dénégations [et encore, pas en face], on a un peu froid dans le dos en se disant que si ce n'est pas vrai, l'injustice aura été totale. Bien sur que l'absence de témoins, le manque de preuves écrites ou encore la déformation des souvenirs laisse planer un doute dont on ne parvient jamais à se défaire ... sauf quand la journaliste remet en perspective le fait que Nicolas Hulot aura retiré sa plainte en diffamation un 24 décembre pour passer inaperçu, quand la journaliste étaye et recoupe les témoignages avec des éléments factuels qui empêchent de qualifier les femmes bouleversées d'affreuses affabulatrices. C'est d'ailleurs l'un des arguments majeurs : elles n'ont rien à gagner sinon à apaiser leurs consciences.

https://file1.closermag.fr/var/closermag/storage/images/1/3/5/7/9/13579829/je-suis-aneanti-meme-pas-envie-defendre-cette-reaction-troublante-nicolas-hulot-appel-elise-lucet.jpeg?alias=original

On se dira alors que le service public a bien fait son travail et qu'Elise Lucet est vraiment la passionaria des scandales de notre beau pays, ointe d'une vertu qu'on ne saurait lui disputer de peur de se prendre une enquête de "Cash Investigation". Oui, parce que la journaliste est habile et connait toutes les ficelles qui disqualifieraient le travail de ses équipes : elle va à la confrontation, elle recherche vraiment à vider l'objection d'absence du contradictoire, elle sourit exactement quand il faut pour éviter de passer pour une hystérique. Certes ... mais pour autant et une fois qu'on a dit tout cela, est-il normal qu'Elise Lucet et l'équipe du magazine "Envoyé Spécial" prennent la place des magistrats ou des officiers de police judiciaire pour faire triompher la vérité ? On dira alors que c'est la noblesse du journalisme d'investigation que d'appuyer là où cela fait mal, sur ceux qui abusent de privilèges intolérables au regard de ce qu'ils auraient fait. Oui, le journalisme d'investigation est nécessaire et de noblesse il en est bien question quand cela aide à faire sortir des affaires politico-financières, des scandales ayant trait à la vie privée ou révéler des crimes. Cependant et c'est peut-être seulement cela qui est gênant, le journalisme d'investigation consiste à rapporter des faits, pas à diffuser un réquisitoire. En regardant le reportage, je n'ai eu de cesse de me dire "Mon Dieu, j'espère qu'ils sont solides parce que c'est le genre de boomerang qui, s'il revient, peut faire très très mal" en repensant aux reportages que j'avais censurés ou fait refaire quand on voyait que les journalistes s'étaient fait plaisir en dépit des droits de la personne qu'ils visaient.

Parce qu'enfin, nous sommes encore dans un état de droit au sein duquel n'importe quel justiciable dispose de droits dont la présomption d'innocence [auquel j'ajoute toujours que les instructions pénales doivent se faire à charge et à décharge contrairement aux Etats-Unis]. En regardant "Envoyé Spécial", j'avais compris qu'on assisterait à une exécution publique de Nicolas Hulot. Même si elle était parfaitement fondée à raison de faits rapportés et concordants comme autant de délits ou de crimes, je demeure persuadé d'une chose : ce n'est pas en prime time qu'on exécute quelqu'un.
Pour autant, il ne faut pas lire dans ces lignes qu'il aurait fallu maintenir le silence auquel les victimes sont et se sont condamnées. Le fait est que la diffusion du reportage a suscité l'émergence de nouveaux témoignages dont celui de Maureen Dor au sujet de Nicolas Hulot, et c'est profondément vertueux comme furent brisées les omertas relatives à Patrick Poivre d'Arvor.

Le fil actu télé : Affaire Hulot, Affaire PPDA, Des journalistes de BFMTV  attaqués, Fusion TF1-M6, Danse avec les stars, Quotidien, Corinne Masiero,  Mireille Dumas, Messe de Noël; Nabilla - La Télé

Non, il ne faut pas lire dans mon propos, que je veux surtout respectueux des principes élémentaires qui nous protègent de la barbarie, l'idée que Monsieur Hulot aurait dû continuer à couler des jours heureux en imaginant, si c'est confirmé, qu'il aurait pu croire que tout lui était permis et qu'il aurait pu disposer du corps de telle ou telle selon ses pulsions. Non, c'est même tout le contraire. L'affaire d'Outreau oblige cependant à la prudence et quoi de mieux, pour être prudent, que de s'en remettre à la justice qui est précisément là pour prendre le temps nécessaire d'établir les faits et de condamner si nécessaire. On m'objectera que le temps aide les prédateurs et ne protège jamais les victimes, mais la précipitation et le défouloir médiatique sont-ils pour autant plus vertueux que le mal ? Je ne le pense pas et je suis même persuadé que ce n'est pas aider les femmes esquintées par de telles épreuves mettant en cause leur intégrité physique comme morale que de les jeter en pâture dans un cirque médiatique probablement plus cruel que les jeux du stade romain, contre des avocats et des armées de communicants qui sauront les détruire davantage pour protéger leur client. C'est, malgré les faits épouvantables dont il est question, faire preuve de nuance que de refuser que l'on brûle en place publique un homme sur la seule foi d'un reportage. Mais, ne nous y trompons pas, Nicolas Hulot se défend si mal que le bûcher de sa vanité est déjà embrasé par ses soins.

Foudroyé avant d'être accusé, Nicolas Hulot entre dans l'ombreQuand mercredi matin, sur BFM TV, il indique refuser d'exercer le contradictoire après la diffusion du reportage au motif qu'il serait vain de plaider son innocence sur un plateau de télévision là où cela ne devrait jamais être fait, on peut le rejoindre sur l'extrême fin du propos. Cependant et comme le lui a fait remarquer Bruce Toussaint, c'est précisément lui qui a demandé à être invité de BFM TV ce matin pour se victimiser encore une fois en la matière et plaider indirectement sa cause [avec l'œil de cocker qui va bien] ... sur un plateau de télé !
Malheureusement, rien ne tient dans la défense de Monsieur Hulot et je me désole que les deux cas dont j'avais vaguement connaissance soient hélas bien plus nombreux et procèdent non plus d'accidents mais d'un système.
Au surplus, l'injure est totale quand il feint de s'étonner que les plaignantes attendent systématiquement que les faits soient prescrits pour en faire état ... c'est d'une indécence folle.

Faut-il donc regarder ce reportage ? Oui, assurément parce qu'il dérange dans sa façon de faire, parce qu'il est indubitablement un grand moment de télévision et surtout parce qu'il est le glaive dont il faudra se souvenir qu'il est indissociable de la balance si l'on veut que justice soit faite. A défaut, Hulot s'enfermera dans sa posture de victime et les victimes ne seront jamais soulagées ... on aura alors tout perdu. Ce reportage est donc à prendre pour ce qu'il est : une autorisation donnée à celles [et, pour d'autres prédateurs, ceux] qui ont subi les mêmes choses de témoigner et peut-être que certains faits ne sont pas encore prescrits. Nonobstant la prescription, le parquet a décidé d'ouvrir une enquête au sujet des faits concernant une mineure.

Tto, rassuré mais gêné

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