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une vie de tto
17 octobre 2018

InTtorview : au delà des maux, la vraie vie et l'amour (suite et fin)

Vignettes InTtorview

Première partie de l'inTtorview, ici

Que répondre à ceux qui expliquent que la PMA est un cheval de Troie qui ouvre la voie à la GPA pour les garçons homosexuels notamment ?

Ma première réponse, très sérieuse, est d'ordre juridique : cette loi mettra fin à une discrimination juridique qui fait que deux situations de fait identiques reçoivent des solutions différentes. Une femme stérile en couple avec un homme peut, sous certaines conditions, bénéficier d'une PMA ce que ne peut absolument pas faire une femme pourtant tout aussi stérile en couple avec une autre femme. Il est dur de ne pas conclure à la discrimination basée sur l'orientation sexuelle...

Ce que tentent Sens Commun et LMPT en revanche est d'établir un parallélisme des formes entre PMA et GPA : si les femmes obtiennent la PMA au motif de l'égalité entre les femmes alors les hommes obtiendront la légalisation de la GPA en soulevant à leur tour la question de la discrimination. C'est évidemment sans compter que la GPA est interdite à toutes et à tous, l'égalité de traitement restera donc parfaite.

Ma réponse du cœur serait plus : oui bordel et alors ? S'il n'y a aucun lien juridique entre les deux, on ne peut que constater que le sujet est de plus en plus souvent évoqué. Evidemment en discuter de façon posée sans entendre les mots femmes-esclaves, enfants-objets et hyper-capitalisme - parce que bien sûr les opposants restent dans la demi-mesure - n'est pas encore à l'ordre du jour mais au nom de quoi ? L'OMS reconnaît clairement la GPA comme l'une des techniques reproductives humaines, nombreux sont les pays qui ont déjà légiféré favorablement sur la question, Les Républicains voulaient la légaliser il n'y a pas si longtemps pour les hétérosexuels... Nous sommes clairement en présence de postures politiques qui enveniment les débats à des fins purement électorales.

Je pense que ce sera le combat d'une autre génération, c'est l'histoire de toutes les luttes LGBTQI qui nous amène au pas suivant : mes ainés se sont battus pour le Pacs, je le fais pour le mariage et la PMA, ma fille le fera pour les questions qui émergeront ensuite. J'espère qu'elle se sentira concernée ;)

 

Je suis assez d’accord … la lutte est loin d’être achevée mais il semble illusoire de croire qu’elle pourrait s’achever prochainement. Au rang des arguments que l’on entend dans le débat naissant aujourd’hui, on explique aussi qu’il faudrait instaurer (sinon sacraliser) un droit à l'enfant …

Un droit à l'enfant opposable ? C'est un miroir aux alouettes, il n'y a vraiment que les opposants à la PMA pour en parler et croire qu'il sera institué un jour. Il n'y a plus assez d'enfants adoptables, va-t-on créer les autres en batterie pour satisfaire la demande ? Ridicule.

En revanche instaurer un droit pour tous d'essayer d'avoir un enfant me semble bien plus crédible. Pour presque tous les couples, qu'ils soient hétérosexuels ou homosexuels, l'accession au statut de parent est un chemin compliqué. La science, la société peuvent nous aider à réaliser ce projet mais nous parlons d'un sujet pour lequel rien n'est jamais certain : les embryons implantés peuvent ne jamais s'accrocher, les femmes faire des fausses-couches... On parle d'humain, de biologie et rien n'est acquis, comme chez les hétéros en somme ! Je pense donc que chacun devrait pouvoir aller au bout de son projet de parentalité, qu'il soit fructueux ou pas.

 

Tout est dit : on parle de chemin personnel en effet. Peut-être est-ce un sentiment personnel mais j'ai le sentiment que les enfants acceptent davantage les schémas pluriels de parentalité tels qu'ils existent aujourd'hui. Tu en penses quoi ?

Les enfants - je travaille avec eux - sont jusqu'à un certain âge bien plus « tolérants » que leurs parents. Ils acceptent simplement ce qu'on leur dit être la réalité. Ils peuvent évidemment être durs mais ne sont pas dans le jugement avant au moins leur 5e année.

J'en ai eu un exemple précis l'an passé en accompagnant ma fille en sortie scolaire. Dans le car une petite fille s'est retournée pour me demander sans préambule « C'est vrai que ta fille a deux papas ? » ce à quoi j'ai répondu « oui » sans réfléchir plus avant. La seule réaction provoquée chez la petite qui avait posé la question a été un « Ah d'accord ! » qui sonnait comme une évidence tandis que sa voisine curieuse m'a demandé horrifiée « Mais qui lui prépare son petit-déjeuner alors ? ». Sujet suivant ! Je note quand même que dans la tête de la deuxième et dès trois ans c'est la mère qui s'occupe du care... Il y a sûrement un travail sur le genre à mener auprès de toute la société.

 

C’est d’ailleurs désarmant de voir le décalage entre les discours épouvantablement clivant sinon apocalyptique des opposants à ces formes de parentalités plurielles et la simplicité avec laquelle ils acceptent ce qui est présenté clairement, naturellement. Pour poursuivre, dans ton rôle de père, à quoi fais-tu principalement attention ?

J'essaie d'être présent le plus possible et de ne pas laisser passer un jour sans dire à ma fille que je l'aime. Pas d'écran, une alimentation à peu près équilibrée - les enfants étant ce qu'ils sont - et un rythme de vie suffisamment préservé pour s'autoriser des extras improbables.

Après pour la situation particulière qui est la nôtre, j'essaie évidemment de lui expliquer ce qu'elle est en âge de comprendre afin qu'elle construise ses propres outils et puisse échanger sur le sujet avec tous ceux qui auront des questions à lui poser. On ne ment pas aux enfants, ils savent très bien d'où ils viennent.

 

Avant de conclure, je voudrais m’intéresser aux parents. Les couples hétérosexuels expliquent que l’arrivée d’un enfant bouleverse, notamment sexuellement, le couple et qu’il n’est jamais facile de gérer le virage ainsi pris, notamment du fait que la mère a une relation particulière avec lui puisqu’elle l’a portée pendant neuf mois. Entre deux hommes, si ce dernier aspect est évidemment différent, j’imagine que l’arrivée d’un enfant change également tout. La vie au quotidien bien sûr mais dans ta vie de couple, qu’est ce qui a changé ?

Pour deux hommes évidemment la fatigue physique de l'accouchement et les potentielles séquelles physiques ne sont pas de mise et en ça nous sommes particulièrement chanceux. Il n'en demeure pas moins que le stress vécu à distance, le décalage horaire et toutes ces petites choses font que bien que totalement impatients, personne n'arrive très frais à l'hôpital le jour J.

Etant issu d'une famille nombreuse et travaillant entouré d'enfants je savais plutôt pas mal à quoi m'attendre. Les nuits sans sommeil, la difficulté du dosage entre bienveillance et règles à propos desquelles il ne faut surtout pas lâcher, les engueulades avec le conjoint pour des broutilles essentiellement dues à une fatigue extrême, la colère de voir son gamin refuser de manger... Tout est en réalité très prévisible pour peu que l'on ait déjà été à l'écoute de jeunes parents !

Ce que j'avais en revanche totalement sous-estimé quand j'y repense c'est l'aspect  chronophage de la parentalité. Plus aucune seconde ne nous appartient, ni le jour ni la nuit, et le travail deviendrait presque épanouissant face aux dictateurs en puissance que sont les enfants. Comme je te l'ai déjà dit j'essaie d'être présent le plus possible pour ma fille, tant et si bien que je passe mon temps à courir pour la laisser le moins possible en collectivité. Je sais que c'est une chance pour elle et du coup j'ai tendance à ne pas m'octroyer de repos alors qu'il serait parfois facile de la laisser une heure de plus en animation par exemple, le temps de faire les courses ou d'aller chez le coiffeur.

Il en va de même pour mon mari et... tout homme ayant ses limites, nous avons dû élaborer des plans pour préserver notre vie de couple. Concrètement, une fois par mois la petite est confiée à la famille lorsqu'elle peut l'accueillir, nous nous autorisons à sortir seul ou en couple une fois par semaine et les périodes de travail se sont vues entrecoupées de plein de petits week-ends de deux ou trois jours histoire de pouvoir souffler un peu. Pour le reste je suppose que l'on fait comme tout le monde: avec le temps qui nous reste quand, enfin, tout est fait.

Rien n'a réellement changé dans notre couple, tout est à la fois pareil et totalement différent. Avoir un enfant ensemble après tant d'épreuves nous a incontestablement rapprochés mais cela nous à aussi ouvert. Maintenant nous œuvrons pour une tierce personne, nos petits problèmes personnels se sont littéralement volatilisés et - de mon point de vue - je pourrais dire que cela nous a apaisé.

 

Pour finir, quels conseils donnerais-tu à celles et ceux qui envisagent de devenir parents et qui vont se heurter aux difficultés que tu as connues ?

Foncez, c'est comme ça qu'on ouvre les portes grippées.

Merci beaucoup de ta confiance et d’avoir partagé ton expérience Ludovic. Embrasse ta petite fille pour moi et espérons que ton témoignage aura apporté des réponses à celles et ceux qui se posent des questions. Les débats, si enfiévrés soient-ils, ne doivent pas faire oublier ce qui tu disais : on parle d’humanité.

Tto & Ludovic

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