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une vie de tto
16 octobre 2018

InTtorview : au delà des maux, la vraie vie et l'amour

Vignettes InTtorview

Le délicat débat sur la bioéthique s'ouvre dans des conditions telles que j'ai pris le parti d'en parler abondamment cette semaine, un peu comme une série de billets qui donnent des points de vue, des expériences, du vécu. Le sujet central des débats n'est finalement pas la PMA mais l'homoparentalité. Aussi, j'ai trouvé intéressant sinon essentiel de donner la parole aux premiers concernés et c'est un papa qui a accepté de répondre à mes questions au cours d'une inTtorview aussi riche que touchante. Au delà des mots qui provoquent des maux, voici la vraie vie, celle d'une famille où l'amour et la tolérance sont des valeurs cardinales.

 

Bonjour Ludovic et merci d'avoir accepté d'évoquer aujourd'hui un sujet brûlant d'actualité, l'homoparentalité, terme qui me dérange parce qu'il catégorise ou donne l'impression d'une différence alors que je pense qu'en définitive il n'est juste question que d'être un père ou une mère.

Bonjour, merci de ta proposition de répondre à tes questions ce qui permet de parler de tout cela.

 

En parler, c’est déjà rendre les choses plus simples. La première question est simple : comment es-tu devenu papa ?

La question est simple, la réponse l'est moins. Celui qui, par la suite, allait devenir mon mari et moi-même avons eu recours à une mère porteuse dans le cadre d’une gestation pour autrui aux Etats-Unis. Terme que, par ailleurs, je n'apprécie pas spécialement au regard de son équivalent anglais « surrogacy » qui - lui - traduit mieux l'idée de subrogation et laisse d'entrée une place au parent intentionnel.

 

C’est aussi l’un des enjeux ce parent intentionnel. A cet égard, j'ai suivi la victoire judiciaire et administrative que tu as remportée lorsqu’il a été reconnu père également. On ressent quoi ce soir-là ?

Je suppose que tu t'attends à une réponse très positive de ma part. Alors évidemment, oui, il y a du contentement mais c'est surtout beaucoup de lassitude que l'on ressent. C'est la fin de combats dont l'on sort victorieux certes mais pas complètement indemne.

Devoir se battre pendant plusieurs années pour obtenir ce qui ne fait aucun doute au regard du code civil telle que la disposition « est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français » ou devoir arracher les décisions favorables au compte-gouttes pour obtenir un passeport, un acte de naissance, etc. est quelque chose de réellement usant. On sait avoir le droit pour soi et pourtant l'impression de se battre contre des moulins à vent est réelle.

Je me souviens par exemple m'être déplacé quatre fois en mairie sur quatre mois différents pour retirer le passeport de ma fille qui - à en croire le texto que je recevais régulièrement de l'administration - avait été établi. Il ne m'a évidemment jamais été remis, sans explication d'ailleurs, puis a été détruit au motif que je ne l'avais pas récupéré dans les délais qui m'étaient impartis. Je crois cependant que ma pire déception est venue de la carte d'identité que j'ai somme toute obtenue assez rapidement et que j'étais fier d'exhiber aux yeux de mon mari. Bonheur de courte durée lorsqu'il m’a fait remarquer que l'administration s'était « trompée » dans le sexe de ma fille, certains supplices sont parfois vraiment subtils...

 

C’est sidérant …

En ce qui concerne l'adoption à proprement parler, les choses ont été à la fois plus émotionnellement impliquantes - puisqu'il s'agissait de monter un dossier de toute pièce pour prouver au collège de juges qui doit se prononcer sur le bien-fondé de la requête - et en même temps plus distante en ce sens que le dossier une fois entre les mains de l'avocat ne nous appartient plus.

Cette démarche est, de nouveau, compliquée car demander au parent intentionnel en quoi il va de l'intérêt de l'enfant qu'une adoption soit prononcée à son égard alors qu'il a assisté à l'accouchement, coupé le cordon, donné le premier biberon est... un non-sens absolu ! J'ai du coup géré toute cette partie qui, par ailleurs, m'a demandé un investissement considérable en terme de temps... et d'argent. Je plains par ailleurs tous ceux qui doivent réaliser les mêmes démarches en étant marginalisés par leur famille car ce sont évidemment les témoignages de nos proches, les photos, les e-mails échangés qui ont été décisifs.

Alors bien sûr, lorsqu'enfin l'adoption plénière a été prononcée au bénéfice de mon mari, j'y ai vu l'aboutissement d'une promesse que je pense tout parent fait secrètement à son enfant à la naissance : celle de la sécurité affective et matérielle. A compter de ce jour, bien que nous ayons auparavant couvert nos arrières par acte notarié, je me suis dit qu'en cas de décès notre fille serait entre les bonnes mains.

 

On comprend ton soulagement. Qu'as-tu dit à ton enfant à cette occasion et à ce sujet ?

Strictement rien, nous avons ouvert le Champagne et pris une photo de nous trois avec le jugement. Il aurait été difficile de faire comprendre à une enfant de 3 ans qu'elle avait dorénavant deux papas alors qu'il s'agit de la situation qu'elle a toujours connue !

 

A quel moment de ta vie t'es-tu dit qu'il serait impossible, malgré certains verrous sociaux et sociétaux, que tu ne sois pas père ?

Je ne me suis absolument jamais dit qu'il me serait impossible d'être père. Je désire ardemment avoir des enfants depuis que j'ai 18 ans. Lorsque par la suite j'ai rencontré des hommes pour me mettre en couple, la question a toujours été clairement posée de savoir s'ils se voyaient élever des enfants ou pas.

Les hasards de la vie, une rencontre impromptue à la marche des fiertés notamment, nous ont orientés vers une GPA mais quoi qu'il en soit nous serions passés par un processus de coparentalité ou d'adoption internationale si cette solution n'avait pu aboutir.

 

Une fois l’idée d’une GPA arrêtée, j’imagine que rien n’est fait. A quels verrous avez-vous été confrontés ? Et surtout … comment avez-vous surpassé ces difficultés ?

Ils ont été nombreux ! Le premier était clairement le manque d'information, ce qui 10 ans après nos débuts, ne semble plus être le cas. Sur ce point je tiens à remercier LMPT [NDLR : « La Manif pour Tous »] qui a clairement fait savoir à tous les LGBT de France que la GPA était une option envisageable. De mon temps, pourtant pas si lointain, je pensais risquer la prison à mon retour en France, ce qui ne nous a absolument pas dissuadé de commencer les démarches.

Un autre plus subtil était le manque de visibilité de nos familles. Je connais aujourd'hui grâce à des associations telles l'ADFH et aux réseaux sociaux des dizaines de couples d'hommes et de femmes qui ont eu un ou plusieurs enfants. Leur vie familiale ou le déroulement de leur scolarité me prouvent que j'ai eu raison de ne pas m'arrêter à la question que je me posais à l'époque : sommes-nous prêts à faire venir au monde un enfant qui sera confronté à une société encore gravement homophobe ? C'était en 2008 et sincèrement mon choix aurait peut-être été différent au cours de l'année 2013 qui, elle, a été particulièrement pénible même pour les plus stables, intégrés et épanouis d'entre nous.

Les finances sont aussi problématiques évidemment, on parle d'un processus qui est loin d'être accessible à tout le monde, les frais médicaux et juridiques sont conséquents - entre 80.000 et 120.000 euros la plupart du temps - si l'on souhaite faire une GPA qualifiée aujourd'hui d'éthique.

Le reste : la barrière de la langue, la phobie des avions... ne constitue rien d'insurmontable pour qui est très motivé.

 

Forcément ! Mais tu évoquais 2013 et le débat sur l’ouverture du mariage. Aujourd’hui, Emmanuel Macron veut ouvrir le débat sur la PMA et on voit déjà certaines positions radicalisées s’exprimer. Tu penses quoi du projet du gouvernement ?

De mémoire, la PMA aurait déjà dû être ouverte aux femmes célibataires et aux couples de femmes il y a des années mais l'indécision de François Hollande et l’hypothétique vote de la mesure avec une « loi famille » n'a jamais eu lieu. La première grande victoire de LMPT dont le coût a été terrible.

Depuis de nombreux avis positifs et convergents ont été rendus par le CCNE, l'ordre des médecins, le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes et pourtant je lis aujourd'hui qu'Emmanuel Macron parle - à nouveau - de ne pas heurter les consciences de certains ? Ne nous y trompons pas, ce sont nos familles et nos vies qui ont été et sont meurtries.

Que le gouvernement cesse de tergiverser, il ne peut pas ménager la chèvre et le chou. Il fera des mécontents alors autant le faire dans le camp ultra-minoritaire des conservateurs religieux et au profit de l'égalité de toutes les femmes. La société dans son immense majorité est, elle, prête depuis longtemps.

 

To be continued
Suite de l'interview, demain

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