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une vie de tto
30 septembre 2018

La première fois que nous nous sommes parlés (suite et fin)

2018 - LA PREMIERE FOIS

Si tu as manqué le début : première partie

Nous nous sommes assis, il était mal à l'aise, j'étais faussement détaché. Il a commencé à me parler de choses insignifiantes comme pour conjurer le fait qu'on aurait pu avoir une discussion d'hommes, une discussion profonde ... certainement une discussion qu'il redoutait au regard du passif nous unissant.

Avec le temps, si tout s'en va, il y a bien une chose qui demeure : ma connaissance du sujet et plus je prends de temps à observer mon partenaire de discussion, plus je maîtrise l'entretien au point de pouvoir réagir, avec la vitesse du puma, à n'importe quoi qui passe. Voilà près de quinze ans que nous aurions dû nous parler, autant dire que j'étais prêt.

En un temps record qui pouvait donner l'impression de l'agacement, j'ai évacué les sujets de coiffeur ou de boulangère [tu sais, ces sujets tièdes dont on peut discuter avec tout le monde, y compris et surtout ceux avec lesquels on n'a envie de ne rien dire] et j'ai commencé à poser la première étape de notre discussion. 

Ainsi, j'ai rappelé à mon père que j'étais désormais plus agé que lui lorsqu'il m'a eu [oui je sais, j'avais trouvé que l'angle était sympa]. Il s'est raidi, j'ai continué. "Finalement et c'est l'une des raisons pour lesquelles je voulais que l'on se voit, j'aimerais comprendre pourquoi tu as voulu avoir des enfants. Ce n'est pas que je reproche quoi que soit, c'est seulement que j'ai dépassé l'âge auquel tu as trouvé une réponse à cette question et que moi, je ne trouve pas la réponse que toi tu as trouvée."
Il commença à m'expliquer que nos situations ne sont pas les mêmes, que j'avais certainement de bonnes raisons de me poser la question mais que, vivant avec une femme de 19 ans plus âgée que moi, il était illusoire de vouloir transposer. Il me parla de ma mère qui avait beaucoup envie d'être mère, de ses parents, de mon frère ... Comme je m'y attendais, il parla très peu de lui, esquivant toujours, tentant de me divertir de la direction vers laquelle il pensait que j'allais ... je le connaissais par coeur.

Au gré des plats qui s'enchaînaient [je me souviens avoir mangé froid tant nous avons discuté], nous balayions des sujets jamais évoqués malgré nos relations père/fils. La seule fois où il avait endossé ce rôle, c'est quand il était allé m'acheter des capotes alors que j'avais 17 ans et qu'il m'avait demandé si j'avais besoin qu'il m'explique comment procéder. J'avais trouvé cela maladroit, mais je ne lui avais pas dit que mon éducation était faite depuis plusieurs années. Nous ne communiquions pas.
Plus nous avancions dans cet échange, plus mes questions se faisaient précises. Directement, je lui demandais ce qu'il pensait de ma vie. Il me répondit qu'il n'était pas en mesure de me le dire puisqu'il n'en savait pas grand chose, je ne laissais quasiment rien transparaître [la preuve, il m'avoua quelques années plus tard n'avoir jamais envisagé que j'ai pu coucher avec des garçons]. Nous échangeâmes aussi sur mon boulot dont il me confia qu'il trouvait qu'il était fait pour moi mais qu'il me rendait plus dur que je ne le suis vraiment. "Tu es un requin j'ai l'impression" me lança-t-il, pour reprendre une pique que m'avait lancé ma mère quelques années auparavant, je me suis expliqué et j'ai compris qu'il avait une certaine estime pour ce que je faisais.

On a discuté aussi d'argent, de son boulot à lui, de son parcours, des relations difficiles qu'il entretenait avec ma mère sur certains sujets qui ont été et seront toujours perilleux ...

"Tu veux donc vraiment des enfants ?" me demanda-t-il, pour rompre un silence qui s'était installé depuis plusieurs secondes. Le "vraiment" me permit de lui demander pourquoi il mettait tant d'appréhension dans cette perspective, il me répondit que c'était beaucoup de soucis pour une vie si remplie comme la mienne [s'il avait su].

Nous sommes restés près de trois heures à discuter de beaucoup de choses. Je n'avais pas eu envie de lui expliquer que je n'étais pas non plus celui qu'il imaginait. J'avais seulement eu envie de lui ouvrir la porte. Je l'avais ouverte, je lui avais fait comprendre que son fils n'était pas seulement le bloc de glace contre lequel il se fracassait régulièrement. Je suis reparti avec la satisfaction d'avoir coché toutes les cases que je voulais voir cochées. Nous pouvions désormais repartir sur des bases plus solides ...

Tto, qui ne dit jamais des choses par hasard

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