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une vie de tto
21 juin 2018

Le #Brexit ou l’incapacité à convaincre

Brexit ou l'incapacité des élites à convaincre

Hier, j'ai croisé un ancien président du Conseil italien, un ancien ministre des affaires étrangères français et un lord très impliqué dans les affaires du Brexit. Oh oui, on peut se figurer que ce fût rasoir, moi j'ai trouvé cela passionnant. Réunis dans un think-thank [comme c'est l'usage de dénommer des cercles de réflexion de ce type], j'ai assisté à presque trois heures d'une discussion intense et totalement passionnante qui m'a fait du bien. Ce n'est pas que le sujet fût léger, c'est simplement que j'ai toujours apprécié pouvoir réfléchir sereinement à des problèmes qui semblent insurmontables quand on ne [sur]réagit qu'en vociférant sur BFM-TV ou que l'on croit que tout est résumable à quelques tweets sentencieux.

On minore en effet depuis trop longtemps cette affaire du Brexit qui n'est pas le début de la chute des sociétés occidentales dans un populisme aggravé. En réalité et comme je l'ai entendu, je participe de l'idée que tout remonte au référundum de 1992 sur l'approbation du Traité de Masstricht et la courte adoption de celui-ci en France comme dans d'autres pays [étant précisé qu'au Danemark, il fut rejeté] le démontre. D'ailleurs, le référendum de 2005 sur la Constitution européenne n'en est que la conséquence logique.

Si dans un premier temps j'ai entendu des choses assez pertinentes sur le Brexit, comme le fait qu'il est l'expression d'une fracture sociale entre les "no where" qui subissent la construction mondialisée des sociétés actuelles et les "anywhere" qui en profitent, et finalement ce choc n'est rien d'autre que la matérialisation d'une chose : c'est le grand retour du politique, l'économie cédant le terrain jusqu'à autoriser le Président des États-Unis à dynamiter le commerce mondial sur lequel toutes les sociétés occidentales se sont construites depuis la fin du dernier conflit mondial.
Le Brexit, dont on imagine qu'il est le théâtre de négociations farouches entre britanniques et européens, est en réalité et bien plus concrètement une négociation à l'intérieur même du Royaume-Uni, la position instable et précaire de Theresa May n'en étant que la troublante illustration. C'est d'ailleurs assez stupéfiant de se dire que Mme May passe plus de temps à devoir convaincre qu'elle agit pour mener au Brexit qu'à négocier avec les européens, combattre la défiance dont elle est l'objet gaspillant finalement tous ses atouts. Pourtant, on danse encore autour du volcan en se disant que le pire est peut-être encore évitable. C'est nier l'effondrement des investissements étrangers réalisés en Grande-Bretagne depuis le résultat du référendum, alors que l'économie britannique ne repose que sur sa capacité à attirer les investisseurs, de tous temps. Du coup, les nord-irlandais font pression pour échapper au naufrage, à telle enseigne qu'il ne serait pas impossible qu'on assiste bientôt à une réunification de l'Irlande ...

Tout cela interroge beaucoup sur l'Europe et la [re]construction de celle-ci. Parce qu'en définitive, le constat est assez limpide : il est devenu illusoire de résumer l'Europe à une réussite économique et d'en parler aux peuples qu'au travers du seul prisme économique. Dans une époque où les vérités sont alternatives et les tensions ravivées de toutes parts [en ce compris les flux migratoires renforcés], le seul avenir de l'Europe est d'être politique et il n'y a que cela que les citoyens sont capables d'entendre puisqu'ils sont avides d'une solution politique et non plus économique. D'ailleurs, un avocat-essayiste-historien l'a très bien dit : on a trop géré depuis 1992 l'Europe en étant obsédé par la stabilité et pas assez pas le financement de celle-ci, en s'accoutumant d'une réassurance stratégique fournie par les américains. Du coup et avec les crises économiques [qui viennent toujours principalement des États-Unis au passage], les peuples ne s'y retrouvent plus et les populismes montent. La fièvre, que l'on pensait retombée en 2017 par l'élection d'Emmanuel Macron, continue de grimper et l'on en vient presque à se dire que la France finira isolée dans quelques mois au gré des consultations populaires et peut-être être la dernière à succomber aux délires nationalistes qui accompagnent les discours des opportunistes qui accèdent au pouvoir. Pourtant, les causes du populisme sont parfaitement connues : un périmètre de l'Europe incertain, le manque d'efficacité des institutions, une croissance pas assez inclusive, un problème de sécurité et une absence de réponse concluante aux flux migratoires. Comme rien n'est traité, les causes demeurent d'une brûlante actualité et les peuples continuent de voter par provocations répétées en imaginant que cela changera le réel, à l'instar de ce que promet Donald Trump.

Oui mais voilà, si la prise de conscience est en train de se faire à mesure qu'Angela Merkel est en suris et que les extrémistes arrivent au pouvoir et libèrent une parole [au point qu'on annonce vouloir désormais trier les roms et quasiment trouver inévitable qu'on agisse de façon inhumaine avec la détresse du monde] nauséabonde, le rebond tarde puisqu'à 27, il devient quasiment impossible de décider à l'unanimité. Donc quoi faire ? Annoncer la dislocation de l'Europe est une erreur et le Brexit n'en est que l'illustration : les grecs il y a quelques années comme les italiens aujourd'hui malgré toute l'acrimonie exprimée ne veulent surtout pas sortir de l'Union, les britanniques font traîner comme s'ils demandaient encore cinq minutes de plus au bourreau. A l'inverse, plaider pour un saut fédéraliste est inepte puisqu'il n'y aucune chance qu'un tel projet soit conforté positivement par une élection ... sauf peut-être au Luxembourg ! Plutôt que le saut, on choisit de grignoter doucement renforçant ainsi l'eurosepticisme alors qu'on oublie trop souvent que tous les euro-septiques ne sont pas europhobes. En les agrégeant mécaniquement, on renforce les torpilles armées contre les institutions européennes au nom d'un manichéisme totalement stérile.
En revanche, il est très probable qu'on en finisse de la libre circulation des biens et des hommes, permise par le Traité de Schengen. Trop peu de voix en démontrant encore l'utilité, voilà un totem qui serait offert aux pourfendeurs de l'Europe qui déclarent être asphyxiés parce qu'il n'y a plus de frontières. Loin de faire durablement redescendre la fièvre, cela la contiendrait un peu sans pour autant provoquer la fin de l'Europe et de l'euro. C'est d'ailleurs ainsi que tout a fonctionné pendant l'age d'or de la construction européenne où de nombreuses coopérations ont permis de faire naître cet esprit européen. A cet égard, il faudrait cesser de promettre de faire l'Europe de la Défense, l'Europe sociale ou même l'Europe des tartines beurées quand on sait très bien que la promesse ne pourra être tenue. En cela, Emmanuel Macron a raison de tendre vers la mise en place d'une Europe à deux vitesses, comme deux guichets devant lesquels on se positionnerait selon les intérêts que l'on souhaiterait en retirer. Cette construction à géométrie variable préserverait le sentiment d'identité des peuples se sentant dépossédés de leur destin au motif qu'une caste bruxelloise déciderait de tout alors qu'en réalité, c'est leur propre gouvernement qui avance masqué.

Plus fondamentalement, il faudrait qu'à l'occasion de cette crise tellurique que traverse l'Europe et, partant, les sociétés occidentalisées que les 27 pays européens prennent enfin conscience qu'il est particulièrement dangereux de dépendre d'un pays, les États-Unis, qui est capable d'élire Donald Trump et d'assister presque tétanisé à la déconstruction d'un ordre mondial hérité de la victoire sur les fascismes bruns qui enflammèrent le monde.
A cet égard, les élites ont une responsabilité, celle de convaincre parce qu'au final, le populisme n'est rien d'autre que le symptôme de ce qu'elles en ont été incapables.

Tto, tellement ravi de s'être projeté dans autant de considérations géostratégiques

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Commentaires
E
D’accord sur beaucoup de choses, mais pourquoi diable regardes-tu BFMTV ? <br /> <br /> Plus sérieusement pourquoi un saut fédéraliste (à l’échelle de la zone euro) serait inepte ?
Répondre
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