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une vie de tto
13 juin 2018

L'immonde parfait

OffbeatMetallicBunting-size_restricted

Ce matin j'imagine un monde sans nuage 
Avec quelques couleurs comme vient mon pinceau 
Du bleu, du rouge je me sens sage comme une image 
Avec quelques maisons et quelques animaux 

Ce matin j'imagine un pays sans nuage, 
Où tous les perroquets ne vivent plus en cage 
Des jaunes, des verts, des blancs je mets ce qu'il me plaît 
Car c'est comme ça que j'imagine un monde parfait 

Un oiseau, un enfant, une chèvre 
Le bleu du ciel, un beau sourire du bout des lèvres 
Un crocodile, une vache, du soleil 
Et ce soir je m'endors au pays des merveilles  ...

L'immonde parfait

Ilona réveille toi, Donald a transformé ta chanson en y rajoutant l'immonde !

En fait, ce n'est pas à Ilona de se réveiller mais peut-être à tout le monde de regarder exactement ce qu'il se passe présentement, en une courte séquence de quelques jours. Certes Donald Trump amuse encore les animateurs de late-shows new-yorkais, certes il fait se marrer les stratèges en politique internationale du café des sports de BFM-TV ou les amuseurs publics mis en place par Bolloré à C-NEWS pour jouer les FOX-NEWS low cost, certes on trouvera bien un auditeur crétin de RMC [oui, j'aime les pléonasmes] pour venir nous expliquer qu'on avait tout essayé donc pourquoi ne pas tenter ce que fait le crétin de la Maison Blanche, certes ...

Ilona chantait en 2005 un "monde parfait" et treize ans plus tard, le vertige me gagne à mesure que je vois s'effondrer les bases jadis solides d'un multi-latéralisme garant d'une relative prospérité et d'une pacification de zones naguère ravagées par les conflits armés. Oh bien sur, il s'en trouvera toujours pour expliquer qu'il n'y a pas de quoi pavoiser et qu'on est loin de la perfection mais il n'empêche que toutes les données macro-économiques convergent dans le même sens : depuis 1945, malgré les fièvres et les tourments, tout ne va pas si mal et les équilibres géostratégiques sont parvenus à se maintenir nonobstant l'écroulement du bloc de l'est, malgré les crises nucléaires cubaines et autres, malgré des attentats spectaculaires et des guerres pour le pétrole.

Oui mais ça c'était avant et c'était le monde parfait d'avant. 
Depuis la résurgence des populismes et d'un fascisme des esprits conjugué à une crise économique majeure venant des États-Unis [comme souvent], les intolérances et les signaux vertigineux s'accumulent. Je ne prétends pas trouver ici la solution, simplement mettre en perspective que depuis trois jours, le Président des Etats-Unis, jadis notre allié préféré, a choisi de déchirer une déclaration du G7 aux termes de laquelle les sept pays les plus influents du monde rappelaient leur attachement aux valeurs communes qui les unissent : la démocratie, l’État de droit, le respect d’un ordre mondial qui repose sur des règles. Trump a choisi de déchirer tout cela en allant, en même temps, serrer la main d'un petit parrain mafieux de Corée du Nord qui asservit son peuple comme l'ont fait ses parents, se gave d'égo et joue au chantage permanent pour se shooter avec un peu de légitimité dans le concert des nations alors qu'il est déjà en cessation de paiement depuis 30 ans. Trump claque Justin Trudeau pour rien, fait imploser tous les sas de décompression internationaux [bientôt l'ONU et l'OTAN après avoir expédié l'OMC, l'UNESCO, l'accord de Paris sur le climat ... la liste est trop longue], agit avec dangerosité en braquant les soutiens historiques de la nation américaine et se gargarise de serrer la main d'un petit dictateur duquel il n'aura obtenu qu'un autographe alors que lui a déjà commencé à capituler en s'interdisant de poursuivre les exercices militaires avec les sud-coréens. Borat ou Chaplin n'aurait pas osé en écrire autant, on les aurait tancé pour trop exagérer.

Vladimir Poutine comme les chinois regardent se déconstruire le monde de 1945, qui n'était pas parfait mais avait néanmoins la qualité d'offrir un équilibre. Trump va plus loin et se rapproche finalement de Kim Jong-Un en menaçant de se gracier lui-même. Le vertige continue à mesure que les jours s'écoulent et on se demande bien si un jour Donald Trump acceptera le résultat des urnes qui l'obligera à quitter la Maison Blanche. Ah ça, on n'aurait pas espéré mieux à Moscou comme à Pékin, regardant se lézarder les contreforts des démocraties occidentales qui semble, chacune leur tour, basculer dans un populisme simpliste et destructeur. L'Italie renoue avec un passé nauséabond, la Grande-Bretagne ne se remet toujours pas de son Brexit ruineux, la Hongrie comme la Turquie cèdent à l'autoristarisme [voire la dictature, n'en déplaise aux contempteurs du Point] et nous regardons le sol se dérober sous nos pieds comme Blum en 1936 qui détournait le regard avec bienveillance en promettant qu'évidemment le pire n'arriverait pas puisqu'il fallait analyser les choses avec rationnalité.

Oui mais voilà, la frénésie des fascismes est le meilleur vaccin pour se passer de rationnalité. Nous vivons dans un monde où l'on censure Robert de Niro qui dit "Fuck Trump" aux Tony Awards dimanche soir. Nous vivons dans un monde où le Président du mouvement de droite d'opposition aligne toutes les contrevérités possibles pour justifier de totems électoralistes. Nous vivons dans un monde où l'on conspue des universitaires au motif qu'ils ne comprendraient pas les petites gens. Nous vivons dans un monde où un ministre [à gauche] tweete un selfie fait avec un dictateur qui maintient enfermés des milliers de personnes dans son pays, dans des camps de concentration. Nous vivons dans un monde où l'on trouve moderne d'appeler le Président de la République par son prénom et son nom. Nous vivons dans un monde où il est "amusant" de dire tout et son contraire et d'aligner toutes les contrevérités au point de revendiquer que la Terre est peut-être plate parce que rien ne le prouve pas ! Nous vivons dans un monde que trop de gens ne comprennent plus et Trump comme ses petits copains opportunistes surfent allègrement, en étant volontairement irascibles, violents et malhonnêtes, sur tout cela en constituant le terreau de lendemains ténébreux qui n'augurent rien de bon, la guerre civile avec la montée des antagonismes n'ayant jamais été aussi proches aux États-Unis comme en Europe.

En préférant congédier ses alliés de toujours pour mieux serrer vigoureusement la pogne de Kim [aucun des deux n'étant crédule de la duplicité de l'autre], Donald Trump est méthodiquement en train de remodeler le monde tel qu'il existait avant et qui ne sera probablement plus jamais le même. Trump et Kim ont apposé leurs signatures sur l'acte de décès d'un monde qui s'en va, un monde qui offrait jadis une forme de prospérité, un monde certes pas parfait mais un monde qui avait le mérite d'ériger plus haut certaines valeurs. Ce n'est pas la fin du monde, c'est la fin d'un monde qui voit la première puissance du monde gifler ses alliés traditionnels pour mieux taper dans le dos d'un petit dictateur surnommé "Rocket man" il y a encore quelques semaines quand ils en étaient encore à jouer à celui qui aura la plus grosse. Oui, nous en sommes là, c'est triste mais c'est bien de cela dont il s'agit et c'est là l'une des nombreuses conséquences de l'élection de Donald Trump à laquelle il convient de rajouter tous les naufrages électoraux que nous collectionnons [l'élection de Macron apparaissant finalement comme les cinq minutes de grâce accordées par le bourreau sur l'échaffaud].

On pourrait alors penser que c'est la meilleure chance pour l'Europe de récupérer un peu de leadership gaspillé à raison de deux conflits mondiaux. Hélas, le vers est dans le fruit puisque l'Europe est rongée par l'absence de cohésion et une singulière aptitude à ne jamais s'accorder sur les intérêts principaux pour mieux privilégier les intérêts particuliers. L'Allemagne ne fait rien d'autre en préférant protéger ses exportations de voiture ou ouvrir les vannes en matière d'immigration d'exilés [pour mieux faire marche arrière ensuite]. Ce qui unit encore les européens, c'est l'euro et un vague sentiment d'appartenance commune que personne n'est plus parvenu à faire vivre depuis trop longtemps au point que tout se rétracte. Donald Trump offre aux européens l'opportunité fantastique de s'affranchir de la tutelle de Washington. Je doute cependant qu'ils saisissent la perche ainsi tendue. Décidément, la Russie [pourtant en situation économique désastreuse] et la Chine ont largement de quoi dormir tranquilles : elles seront bientôt seules en Asie, Trump ayant ruiné tous les efforts américains d'y garder des positions fortes depuis 1945 et l'Europe se disloque petit à petit devant les yeux ravis d'un Poutine qui n'aura jamais été aussi sûr de son fait.

La fin d'un monde parfait donc ...
Ce matin j'imagine un monde sans nuage, 
Où tous les perroquets ne vivent plus en cage 
Des jaunes, des verts, des blancs je mets ce qu'il me plaît 
Car c'est comme ça que j'imagine un monde parfait.

Résultat de recherche d'images pour "bill maher"Bill Maher expliquait récemment dans un late-show la chose suivante : il y avait avant une règle tacite interdisant d'inventer des conneries. On a tous le droit d'avoir son opinion mais il n'y a qu'une seule vérité. Depuis quelques années, les Républicains aux Etats-Unis comme d'autres en Europe s'amusent à se dire qu'ils peuvent inventer des trucs et qu'il en restera toujours quelque chose ! On peut carrément inventer des informations, c'est ce que l'on appelle désormais la vérité alternative. Finalement, aucune théorie du complot n'est trop stupide pour qu'elle ne soit pas avalée. Hillary Clinton serait à la tête d'un trafic de prostitution d'enfants qu'elle aurait installé dans une pizzeria ! Le certificat de naissance de Barack Obama aurait été falsifié. Mamoudou Gassama aurait été mis en scène ... Plus c'est insensé, plus les gens adorent et la machine s'auto-entretient. Les gens sont des drogués au fait de croire n'importe quoi et les journalistes se vautrent dans la facilité d'aller interroger dans des micro-trottoirs pour relayer la bonne parole du peuple de base. Dans un bar, ils seraient capables de croire que le nuage de lait est vraiment un nuage ! Donald Trump a cette intelligence : il a compris qu'il y a avait là une brèche dans laquelle il s'est déjà engouffré. Il invente que 5 millions d'américains ont voté illégalement lors des dernières élections, c'est repris un peu partout et du coup il demande qu'une commission d'enquête soit constituée pour en savoir plus ... alors que c'est de la pure invention ! "J'invente un bobard et je vous demande d'enquêter là dessus." C'est risible ? Je trouve cela tragique. Il n'est pas question présentement d'idéologie, Trump n'en a aucune au point de féliciter un animateur de télé qui imaginait que des enfants avaient feint leur propre mort lors du massacre de Sandy Hook. Tout consiste finalement à dire n'importe quoi à des tarés qui en redemandent.
Maher expliquait donc, et je partage à 100% son opinion, que tout cela est très alarmant parce que, pour mesurer l'état d'une société, on analyse son appétit à avaler les théories conspirationnistes. L'Histoire a montré que les dictatures communistes, arabes, sud-américaines, on peut faire croire n'importe quoi car les institutions en place n'inspirent plus aucune confiance. Kim Jong-Un est réputé être le sauveur du monde à Pyongyang. C'est ce que font systématiquement tous les fossoyeurs des démocraties, érodant toutes les fondations des états de droit, qui sont, jusqu'à preuve du contraire, les meilleures protections contre l'arbitraire. Cela se passe aux Etats-Unis, cela se passe en Europe, cela se passe en France. On peut continuer à se moquer des italiens, on fait pareil. On peut pouffer en lisant les tweets de Trump qui, par exemple, menace de représailles ceux qui ne voteraient pas pour que les Etats-Unis organisent la coupe du monde de football 2026. On peut aussi voir qu'Eric Ciotti, Laurent Wauquiez, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et consorts jouent exactement au même jeu : agiter encore un peu plus la nitroglycérine pour que tout explose et qu'il ne reste plus rien des garde-fous que les démocraties ont érigé patiemment au fil des années. Les tarés shootés à BFM TV et à Facebook/Twitter n'attendent que ça, que les fous prennent le pouvoir. Je crois que c'est déjà fait ...

Tto, qui sent qu'on est à la fin d'un monde

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