Il faut bien l'avouer : on a la droite qu'on mérite [et ce n'est pas la première fois qu'on ne peut que le constater]. A l'instar de l'affaire Cahuzac en son temps, François Fillon est passé de vainqueur obligatoire et Président en attente à paria sur lequel plus personne n'ose plus miser un seul euro. Il faut dire que, depuis une semaine, c'est un festival : tout ce qu'il ne fallait pas faire l'a été et l'hystérie des défenses impréparées décridibilise encore ce qui pouvait l'être. Qu'on se le dise : François Fillon est d'ores et déjà éliminé.
Les politologues te le diront : l'oeil du cyclone, ce sont les quinze premiers jours de février, avant l'élection présidentielle. C'est là que cela se cristalise ... et ça tombe mal, c'est pile maintenant que François Fillon est pulvérisé. Parce qu'à force de donner des leçons de vertu à tout le monde, railler l'amateurisme du Président de la République, moquer les casseroles judiciaires de ses concurrents de droite ou encore appeler à un sursaut chez ces fainéants de français qui conjuguent le fait d'être assistés et en plus de s'écarter des valeurs chrétiennes élémentaires, François Fillon sombre sur tous les fronts qui étaient censés lui garantir la stature d'homme d'Etat hors système qui allait bien. A côté, les difficultés de Juppé avec Bayrou, c'est du pipi de chat au Cap Horn.
On pardonne beaucoup en France, on excuse avec le temps, on regarde avec indulgence pour autant qu'il y ait contrition. Là, non seulement François Fillon a joué le rôle de son propre fossoyeur en livrant lui-même ses enfants, en mentant sur ses comptes bancaires mais depuis, comme le relate Europe 1, les lignes de défense sont toutes plus calamiteuses les unes que les autres. Et la dernière en date, c'est que François Hollande, himself, a décidé de l'exécuter ... d'où la dénonciation d'un "coup d'état institutionnel". On fera remarquer à François Fillon que pour qu'il y ait coup d'Etat, il aurait fallu qu'il soit déjà Président : on lui a tellement répété qu'il y a cru avant tout le monde ... c'est freudien.
Sauf que là, après la deuxième vague du Canard de mercredi, ça commence à aller mal dans les rangs Républicains, tellement que certains expliquent que c'est devenu intenable, tellement que Fillon supplie qu'on lui accorde 15 jours de soutien à la manière de Marie-Antoinette qui réclamait encore 5 minutes Monsieur le bourreau, tellement que tout le lancement de la campagne présidentielle est inaudible. Pour couronner le tout, ce que tout le monde annonçait se produit, les sondages sont calamiteux et François Fillon est éliminé au premier tour, Emmanuel Macron passant devant. Chirac disait que les merdes volaient toujours en escadrille, on est plus dans le registre du raid aérien poutinien sur Alep là ...
Surtout, au delà de la succession d'erreurs monumentales que François Fillon et ses grognards comme l'insupportable Valérie Boyer qui l'auront davantage desservi qu'aidé, je me perds dans le réquisitoire dressé par le candidat Fillon sur la probité de l'homme d'Etat et le sérieux qu'il fallait apporter aux affaires publiques quand il se gaussait avec sévérité du livre "Un Président ne devrait pas dire ça" ... François Hollande a probablement beaucoup à se faire pardonner mais il n'y a pas photo s'agissant de l'exemplarité, même à 900.000 € près [estimation pouvant encore varier].
Au fond, la messe [si chère à François Fillon pour se faire pardonner tant d'écarts ... et on me dit dans l'oreillette que sa société 2F comme d'autres sujets pourraient être encore plus dévastateurs] est dite et on se perd en conjectures quant à savoir pourquoi il ne se retire pas dès maintenant, pour laisser son camp s'organiser. Qu'il s'en souvienne, Philippe Séguin faisait cela très bien, abandonnant le RPR avant l'élection européenne de 1999 ... si même son mentor y est parvenu, pourquoi diable s'entêter alors que le bateau coule à pic, que les murs s'effondrent les uns après les autres, que les scenarii alternatifs sont échafaudés sans discrétion dans la coulisse et que l'homme parait être en sursis, rappelant ainsi le poulet auquel on a coupé la tête et qui continue à courir frénétiquement dans la basse-cour comme pour se convaincre qu'il n'est pas déjà mort.
Parce que politiquement on est jamais mort ? Oui mais pour cela encore, il faut du temps. Fillon n'a pas le temps de se refaire et il faudrait un autre scandale éclaboussant une autre figure de la campagne pour parvenir à sauver ce qui peut encore l'être. Les 15 jours de sursis consistent en cela mais ils peuvent aussi précipiter le naufrage et catalyser les flammes qui lèchent les parois de son QG : Mediapart et le Canard Enchaîné tiennent en Fillon un bon filon ...
Tto, qui trouve qu'il y a des parangons de vertus bien imprudents