Quand j'explique que je suis cerné par les oestrogènes, je ne te dis pas totalement la vérité ... il y  a quand même un peu de testostérone pas très loin.

De plus d'un an mon aîné, le garçon occupe le poste précédent qui était le mien, pour lequel on m'a demandé de dégager afin de consacrer mes talents à des choses plus intéressantes et plus en rapport avec mes capacités. Aussi, je connais parfaitement les contours de son poste et nonobstant son âge plus ancien, je sais aussi à quel point on peut s'y ennuyer très vite pour autant que l'on n'aille pas chercher avec les dents les dossiers chez les uns et les autres.

Dès son arrivée, j'ai essayé de nouer des relations sympathiques avec mon remplaçant, lui expliquant qu'au regard de mon expérience j'avais certainement quelques clefs de nature à lui faciliter la tâche. Comme les autres, j'ai joué de quelques plaisanteries et piques ... Très vite, j'ai compris que nous avions affaire à quelqu'un d'assez susceptible qui feignait de répondre sur le ton de la plaisanterie alors qu'au fond, il n'en était rien. Très vite aussi, j'ai compris qu'il m'observait avec attention, scrutant parfois mes faits et gestes, essayant de parler à mon assistante pour en savoir davantage sur moi et ma façon de travailler.

J'ai rapidement évacué le transport amoureux : il n'a vraiment rien d'un gay ... mais vraiment rien.

Je me suis amusé de ses demandes de pouvoir disposer de parapheurs à son nom ... J'ai constaté qu'il s'est essayé à arborer une barbe de trois jours, qu'il a pourtant coupée quelques mois plus tard alors que cela lui allait mieux et lui donnait davantage de virilité ... J'ai été intrigué de constater qu'il partait des endroits dans lesquels j'arrivais ... J'ai noté avec insistance qu'il s'arrangeait pour ne pas me saluer ... J'ai observé ses oeillades en ma direction et son regard fuyant quand je le fixais ... Je me suis délecté des confidences qu'il faisait et qui m'étaient rapportées quand il évoquait indirectement mon activité ... Je suis devenu carnassier quand il n'a pas pu faire autrement que de venir me demander des conseils parce qu'on le lui avait demandé.

Oui, voilà un garçon troublant : je me plais à raconter partout qu'il y a des choses pas très nettes quand même ... qu'il a 42 ans et qu'il ne semble pas marié ni avoir une vie conjugale. Je m'amuse du rapport qu'il fait [pas à moi, évidemment] de ses wikendes où il raconte qu'il est allé faire du vélo en banlieue et que c'était "très intéressant" [!!!] ou que certains samedis dans la nuit, il aime aller dans la forêt pour entendre le brame du cerf [!!!!!!!!]. Lorsqu'il me parlait encore, j'étais un peu stupéfait qu'il me raconte aller autour de la méditerranée avec une dizaine d'amis et préférer rester dans un salon à lire plutôt qu'à profiter de la piscine de la villa ou des extérieurs de ces pays qui sont "quand même plus pauvres que la France". J'ai hurlé de rire lorsqu'une collègue m'a expliqué qu'il lui avait soutenu [en étant rouge comme une pivoine] que finalement, ce ne serait pas si ahurissant que l'on autorise le port d'arme en France parce que bon, ça résoudrait plein de problèmes. La sidération m'a envahi lorsqu'il fut question de lui demander s'il pouvait recevoir une jeune stagiaire il a répondu "Oh bah oui, bien sur, je n'ai pas grand chose à faire de toutes les façons". Du coup, j'ai évoqué le fait qu'il y avait forcément une dark-side, que si cela se trouvait il aimait les clubs échangistes SM [oui les gens trop doux sont souvent dans ce truc là], qu'il avait probablement été terrassé par une histoire d'amour de jeunesse dont il ne s'était pas remis ... Ouais, je bitche à fond.

Pour lui, je suis un extra-terrestre, c'est évident. Très extraverti, très positionné, trop ambitieux, trop jeune aussi, trop sarcastique. Forcément, je ne marche pas non plus comme si j'avais un balais dans le cul ... De plus, je crois qu'il est clair que tout nous oppose jusqu'à notre mode de vie. Je pense, sans vraiment me vanter, que je suis bien plus charmeur et charmant [et je ne parle pas que du physique].

Sauf que depuis quelques temps, je le vois faire avec un petit manège qui appartient à des jeunes pré-adolescents qui veulent se prouver qu'ils peuvent plaire à ces bêtes curieuses que sont les filles. Je vois ainsi un garçon a priori normalement constitué, qui a fait un régime drastique [tout le monde l'a remarqué et je ne me suis pas privé d'expliquer qu'en l'absence de raisons fournies, c'est toujours un signe de besoin d'avoir à séduire] et qui maintenant, se plaît à faire le tour des assistantes les plus jeunes [donc les plus en phase avec son âge], à leur offrir des bonbons, des chocolats et se répandre sur certaines confessions notamment nocturnes. "Oh qu'il est sympa ...", "Il est tout doux, très posé", "Il a l'air tellement attendrissant" ... C'est bien : quel que soit leur âge, les filles ça tombe toujours dans le même panneau quand on utilise des ficelles grosses comme de la corde à noeud. Et là, c'est un festival : je vois défiler les paquets de friandises, les boites Haribo et autres attaques caloriques manifestes.

Du coup et avec une certaine perfidie, j'ai expliqué à deux trois personnes que le manège relevait de la pré-adolescence et que bon, pour primesautier que cela puisse apparaitre, c'était un peu grotesque. Et puis, j'ai laissé glisser cette petite allusion : "Ah mais c'est vrai que 70% des romances se nouent dans l'enceinte du travail ... [soupirs]" 
Effet dévastateur : les unes deviennent jalouses des autres puisqu'il papillonne à de nombreux rateliers. J'adore ...

Tu vas encore me dire que je me suis trouvé un nouvel ennemi ou que je suis jaloux ? Mais euh ... jaloux de quoi ? Ennemi pour quoi ? Non non, je trouve désopilant de voir que je fais autant d'ombre à quelqu'un qui fait semblant de m'ignorer tout en scrutant méthodiquement mes faits et gestes. J'ai toujours aimé cela.

Tto, poil à gratter