Finalement, je résumerais bien ma soirée par un seul texto, reçu à 21h40 ...
Bah oui ... je ne veux pas dire que j'avais encore raison mais quand même ... Ca fait combien de temps que j'explique à tout le monde que Juppé ne tiendra pas ? Combien de railleries ai-je essuyé quand j'ai expliqué que Fillon avait été bigrement efficace lors des trois débats télévisés ? Je n'avais pas dit à qui voulait l'entendre que le rejet de Sarkozy était profond et quasi insurpassable ? Voilà ...
Depuis vendredi dernier, ma conviction était totale : Fillon serait en tête et derrière, la partie serait compliquée pour Juppé. Ma seule surprise est venue des 44% engrangés par l'ex-premier ministre, score anormalement élevé qui traduit bien ce qui forgeait mes convictions rappelées plus haut.
Derrière, le cinglant 0,3% de Copé est un laminage total, Poisson empêche Fillon d'aller encore plus haut, Le Maire confirme être une bulle médiatique tendance imposture et NKM avait bien choisi le bon positionnement. La gagnante des petits, c'est elle.
Le guignol Le Maire n'a pas tardé hier a s'essuyer les pieds sur ses engagements, lui qui était le renouveau de la politique s'en est fait le plus classique chantre de la médiocrité en courant après un strapontin dans la galaxie Fillon, toute auréolée d'une attractivité soudaine. Ah ça oui, "que les choses soient claires", Bruno n'est pas le renouveau ... Bruno a pris ses supporters pour des gogos.
Pour Copé, la gifle est d'une ampleur quasi-inespérée tant l'ex responsable de son propre parti, qui avait promis avoir changé mais au final n'a été candidat que pour se venger de Sarkozy comme de Fillon, a explosé. 0,3% ... c'est presque comme une citerne de vinaigre que l'on déverserait sur toute une région KARSTIQUE, et c'est à la mesure du rejet que l'homme incarne. Inaudible, déconnecté, en quête d'une rédemption désormais impossible, le maire de Meaux est proche d'une sortie nécessaire au moins temporaire pour se refaire cette virginité qu'on lui refuse [à bon droit] tellement. Et comme si cela ne suffisait pas, son pire ennemi termine en tête !
Parce qu'il y a de cela dans cette primaire ... c'est la seconde manche du pugilat de fin 2012, cette élection interne que l'UMP avait réussi à perdre toute seule et qui avait légitimé le retour providentiel d'un Nicolas Sarkozy qui n'a jamais véritablement fait l'inventaire de dix années d'exercice du pouvoir. L'ex-Président est redescendu dans l'arène sans enflammer les foules comme avant, il a perdu la niaque et les moulinets avec les bras n'y changent rien. Oh certes, il a eu ce talent de nourrir les journalistes avec son story-telling redoutable et sa capacité à faire l'agenda mais voilà, ça ne prend pas et ça n'a pas pris. Là aussi, la baffe est magistrale puisqu'administrée par son propre parti [et quelques sympathisants de gauche comme du Front National]. A 62 ans, il se retire et ferait bien de s'y tenir cette fois : le désaveu est profond, irréparable.
Face à cela, Alain Juppé sort très abîmé de ce scrutin. Celui que les sondages et les éditorialistes avaient fait roi depuis 3 ans sans qu'il n'eût à faire grand chose sinon à pontifier en regardant de haut ses concurrents agacés, celui qui permettait la synthèse parfaite entre les déçus de François Hollande et cette droite qui s'obstine à croire qu'elle doit revenir au pouvoir mécaniquement, celui-là est descendu de haut hier soir ... La participation massive ne lui a pas profité, les dernières semaines de campagne ont été trop intenses, le masque n'est pas tombé [même s'il se plaît à balancer des mots grossiers pour paraître humain] et Juppé a compris hier soir que c'était foutu. Bah oui, c'est rapé et le syndrome Clinton l'affecte tout autant que celle qui ne pouvait pas perdre : il n'a pas vu arriver la déferlante d'un manque d'adhésion réflexe à sa personne. De plus, un positionnement trop au centre s'avère avoir été trop défavorable pour un électorat de droite qui a décidé d'en finir avec le centre. Les attaques de Sarkozy sur Bayrou n'ont pas aidé leur auteur mais on fait mal à sa cible. L'avantage, c'est que cela éloigne l'hypothèse Pécresse à Matignon, ce qui n'est pas une mauvaise chose.
Le différentiel est énorme et ne peut raisonnablement être comblé. Juppé va s'en retourner à Bordeaux, la dernière page du chiraquisme se tourne dans la douleur et l'amertume.
Qu'on ne s'y trompe pas, François Fillon la tient sa revanche. Volé de sa victoire de fin 2012 par un Copé truqueur, il a laminé ceux qui étaient promis au second tour de la Primaire de la droite et du centre. Quelques oeillades à l'extrême droite [pour laquelle il est définitivement le meilleur candidat possible puisque repoussoir massif des déçus de la gauche qui viendront grossir les rangs de Marine Le Pen], un ton vaguement gaullien qui en appelle au souvenir glorieux d'un pays qu'on aurait fossoyé [en oubliant qu'il a bien participé à une telle entreprise alors], un dogme libéral qui rappelle la purge Thatcherienne des années 80 et un conservatisme moral effarant, voilà ce qui a plu à cet électorat de droite en quête de repères, fussent-ils surannés et répulsifs. L'idée est claire : il faut revenir à un ordre national, moral et économique. Peu importe si cela passe par la casse profonde du modèle social dont il est décrété qu'il est dispendieux, peu importe finalement que cela fracture encore davantage la société française qui ne s'est toujours pas remise des cinq années du tandem Sarkozy-Fillon.
Fillon remportera donc la Primaire la semaine prochaine mais pas avec l'avance qu'on lui prédit aujourd'hui parce que Juppé va mécaniquement remonter, parce qu'on va commencer à regarder [enfin !!!!] de plus près le programme du Sarthois, parce qu'on va se rappeler de ses déplacements en congés de fin de semaine aux frais de l'Etat, parce qu'on va enfin mettre en perspective le recul qu'il propose [et pas seulement sur le Mariage pour tous], parce qu'on va entendre encore plus cette petite musique sur l'incohérence entre les comportements et le discours, et parce qu'on va s'étonner à juste titre de connexions troublantes dans son entourage et son corpus idéologique au sens très large.
La Primaire de la droite et du centre n'est plus que celle de la droite traditionaliste, bien dure, aussi libérale que Madelin l'aurait souhaitée, pas franchement sociale comme Philippe Séguin [mentor déclaré de Fillon] l'espérait, moraliste et très décomplexée. L'une des meilleures nouvelles depuis longtemps pour François Hollande ...
Tto, qui votera Juppé dimanche prochain parce que là, y a plus vraiment le choix
KARSTIQUE : adjectif - Géographie. Région de formation calcaire caractérisée par la prépondérance du drainage souterrain et par le développement d'une topographie originale due à la corrosion de la roche (grottes, gouffres, résurgences, etc.).
C'ETAIT LE DERNIER MOT DU PREMIER. Merci à tous ceux qui se sont échinés à m'en proposer un tous les jours.
Si j'avais pu gagner, j'aurais donné épididyme...