2016 - LA SIT'COMPAGNIE CHERIE

Dieu sait que j'ai l'habitude d'en entendre des vertes et des pas mûres, personne n'ignore plus que je suis résigné sur le genre humain qui travaille à la Compagnie chérie ... ma misanthropie se porte très bien ! Mais là, c'est un festival ...

Imagine que je doive virer quelqu'un en urgence et de préférence un super cadre de direction, tendance VIP et persuadé de l'être. Comme souvent, c'est à moi que l'on demande d'aller au charbon parce que des fois que cela se passe mal, il ne faudrait pas que d'éventuelles répercussions viennent entâcher leurs petites vies tanquilles. Evidemment, tu m'objecteras qu'il s'agit là souvent d'une préprogative réservée à la Direction des Ressources Humaines laquelle doit s'occuper des ... ressources humaines [c'est tautologique].

Oui sauf que la DRH de la Compagnie chérie, c'est un sommet ! Je pensais pourtant avoir déjà touché le fond en matière de couardise, d'inefficacité et d'amateurisme. Là j'avoue que je suis en présence de champions du monde du grand n'importe quoi. 

J'ignore si je t'avais raconté cet épisode fameux au cours duquel la vieille bique avait eu l'outrecuidance de renouveller ma période d'essai de 6 mois supplémentaires, ce à quoi je m'étais opposé en expliquant que je ne souscrivais pas à l'analyse qui avait été faite de mon travail. J'avais eu droit à de grands discours sur le fait que j'allais compromettre mon avenir, que cela ne se faisait pas et même que j'étais obligé légalement de signer la notification de la prorogation de ma période d'essai ...
- Ah bah, faut que vous signiez parce que c'est la loi hein !!!
- La loi ?
- Bah oui quand même ! Y a pas le choix.
- Et, puisque vous semblez si bien informée, pouvez-vous me donner exactement le visa légal du texte qui m'obligerait à faire cela ?
- Ah euh ... bah ... faut que je recherche mais ...
- Nan parce que la "loi" comme vous dites, moi je veux bien mais je préfère que nous lisions ensemble le texte qui m'obligerait à faire quelque chose que je réprouve, déjà parce que la démarche hiérarchique à laquelle je fais face est profondément malhonnête, qu'en plus vous y prêtez voutre concours dans une complicité douteuse mais si en plus vous invoquez un texte qui n'existe pas, j'en viens à me perdre en conjectures quant à la probité de mes interlocuteurs si soucieux de me faire signer un papier mensonger au motif que cela arrangerait tout le monde sauf moi.
- Oui alors euh bon ... franchement, ça vous coûte quoi de signer ?
- Et si je ne signe pas, ça change quoi pour vous puisque la prorogation est à l'initiative de l'employeur et qu'il n'est pas nécessaire de receuillir l'avis conforme du salarié ? C'est juste que vous ne voulez pas de vagues et que vous souhaitez que vos petits dossiers soient tous bien ordonnés dans la perspective d'un futur audit interne ? Alors ce texte, il est où ?

Cet entretien avait été redoutable et j'ai gardé une profonde inimitié de la part de celle qui allait devenir la DRH en chef.

Je sais bien que je ne suis pas soluble dans les process RH, que les RH me détestent parce que je les considère comme ils devraient l'être à raison de la qualité de leurs interventions souvent calamiteuses et généralement, nos entretiens sont des championnats interstellaires de défiance réciproque. Pourtant, eux comme moi, nous sommes obligés de travailler les uns avec les autres, notamment à la faveur de cette évacuation de VIP.

Ayant bâti un plan argumentaire puis une stratégie étayée pour conduire cette sortie, j'avais transmis tous les éléments à la DRH du Groupe qui m'avait promis que nous échangerions ensemble voire même que nous conduirions ce dossier de conserve. Ah oui mais ça, ce sont les promesses de DRH ... En réalité, mes éléments adressés [et reçus, ce dont je me suis bien entendu assuré], elle fit la muette voire la plus efficace carpe en ne communicant plus. Pas grave, je m'y attendais.

Mais, alors que mon plan de négociation prenait en compte des contraintes légales absolument incontournables pour garantir la préservation des intérêts de notre employeur commun, ne voila-t-il pas que j'apprends par la bande [et parce que j'ai un réseau assez efficace quand même] que l'entretien avec le VIP en question est programmé le lendemain soir du jour au delà duquel j'avais précisé qu'il nous fallait disposer de la signature d'un accord ! En gros, je me casse la tête à échafauder une stratégie qu'elle me fout en l'air parce qu'elle n'a pas lu mon message, qu'elle se fout royalement de son contenu et surtout qu'elle nous met tous en danger parce que ça marche mieux avec son petit agenda à elle ! Tu imagines la fureur qui est la mienne, surtout quand, en plus, elle me filtre pour ne surtout pas me prendre au téléphone en direct.

Pas de son, pas d'image ... jusqu'au jour du rendez-vous tardif ! 35 minutes avant ledit rendez-vous, je vois son nom s'afficher sur mon téléphone. Je décroche :
- Bonjour !
- Ah salut Tto ... dis donc, j'ai les papiers que doit signer Éric. Dis donc euh, je crois qu'il y a un problème ...
- Un problème ? Lequel ?
- Bah en fait, tu lui fais déclarer qu'il est contraint de quitter l'entreprise.
- Oui, c'est lui qui a demandé cela et je t'ai passé les courriers en questions il y a trois jours pour que tu les valides, ce que tu as fait de mémoire.
- Ah oui, ça oui. Mais tu vois, tu écris "Je suis contraint". Ce n'est pas plutôt un "S" à "contraint" ? Nan parce que c'est lui qui dit qu'il est contraint ! Donc si tu conjugues ... enfin tu vois quoi. Ca m'ennuie de te demander de refaire mais bon ...
- Hum hum ... disons que ça m'ennuie aussi parce qu'en fait, je ne vois pas ce qui te trouble. En l'occurrence, le verbe c'est le verbe "être" et "contraint" n'est rien d'autre qu'un participe passé donc, sauf erreur de ma part qui est toujours possible, c'est bien un "T" à "contraint" tu vois.
- Bah oui bien sur, un participe passé !! Ah bah voilà, c'est ça ...
- Eh oui ... on dit bien une contrainte et non pas une contrainse.
- Ok merci Tto, je te tiens au courant !

Voilà voilà ... Tout faire pour ne pas me donner d'informations essentielles mais me faire chier pour un problème grammatical, tu imagines comme j'apprécie. Depuis, le VIP est sorti, pas un merci et elle a tout fait pour m'éviter lors du dernier pince-fesses auquel nous avons assisté tous les deux.

Tto, là aussi avec des "T"