2015 - REQUISITOIRE

"C'est une plaisanterie ?" ... la réplique devenue célèbre dirigée à l'endroit du Président de la République devrait, à bon escient, se retourner vers son auteure, toute infatuée de son statut d'intervieweuse choc. Quand on est adoubée par les cons, ne faut-il pas y voir le signe que l'on est proche d'eux ? Certainement ...

Léa Salamé est clivante, elle surjoue cet aspect de sa posture médiatique ... ça plait non seulement à Michel Field qui la trouve plus sexy que David Pujadas mais aussi aux caciques qui aiment se confronter à elle pour espérer en triompher. Née le 27 octobre 1979 au Liban, elle est la digne héritière d'une famille aisée : son père était ministre de la Culture, les parents de sa mère étaient diamantaires. Arrivée en catastrophe à Paris au milieu des années 80 pour fuir la guerre frapant son pays natal, elle est naturalisée à l'age de 10 ans et fait des études assez classiques pour son milieu bourgeois. Elle part aussi un an à New-York et sera blessée lors des attentats du 11 septembre 2001.

C'est en 2003 que Jean-Pierre Elkabbach lui donne sa chance sur Public Sénat. Viendront ensuite France 24 puis I>Télé avant que le faiseur de rois boboïsant Ruquier ne mette sur elle els projecteurs les plus bienveillants ... Le grand public découvre alors une journaliste qui prétend n'avoir pas la langue dans sa poche, ramenarde, culottée et incisive. C'est plein cadre pour Ruquier, le cahier des charges est parfaitement rempli pour en faire la snipeuse du samedi soir, flanquée d'un Aymeric Carron usé et toujours autant partial bientôt remplacé le pontifiant Yann Moix, boursouflure d'ego mal dégrossi qui est persuadé d'être un touche-à-tout génial qu'il vaut mieux laisser dans ses illusions, ça lui évite de mordre comme les vieux chiens aigris. Dans ce cloaque où Ruquier aligne les mauvais jeux de mots surannés et les mimiques que même les Carpentier réprouveraient, les invités défilent et la jeune Léa feint d'être émerveillée et affiche ses sourires les plus angéliques pour mieux se défouler en castratrice donneuse de leçons que rien l'autorise à prodiguer. Oui cela tourne au défouloir pur et stérile, Léa Salamé s'hystérisant quand la proie plie devant une imprécision empressée qu'elle est de ramasser le scalp qu'elle pourra accrocher à sa collection narcissique.

Salamé

Parce que l'on ne s'y trompe pas, la plaisanterie Salamé est pêtrie d'un narcissisme que la communication de France-Inter ne cesse de flatter, aux côtés de l'autre turgescence orgeuilleuse de la station Patrick Cohen. Les deux font la paire, et c'est tout un auditoire d'Inter qui n'en peut plus d'entendre le laquais de Matthieu Gallet et la pin-up de l'interview politique se pavaner entre lieux communs, prétentions et auto-satisfaction. Mais qu'importe, Léa Salamé est de ces mouches qui recherchent avidement les projecteurs dont la lumière les nourrit. Le fond ? On verra plus tard, l'essentiel est de faire du buzz, de se montrer et peu importe les raccourcis ou le défouloir dont on se fait le bateleur, pourquoi s'embarasser d'élégances quand on est trop occupé à éclairer son petit nombril, quelle est donc l'utilité de mettre en perspective puisque l'interrogé devient un faire-valoir ? Le hold-up orchestré par Léa Salamé déconstruit les élites dont les épaves jonchent le studio dans lequel elle officie, à la manière d'un Bourdin mais le populisme moins affiché et surtout davantage matiné d'une touche Café de Flore où son compagnon adore traîner avec les bons penseurs de cette gauche caviar si décalée mais toujours prompte à ficeler le dogme d'une bien pensanse sectaire.

Que l'on ne s'y trompe pas, Léa Salamé n'a pas que des défauts, son admiration de Christine Ockrent suffirait déjà à s'en convaincre. Elle réussit aussi à convaincre Eric Zemmour de sympathies vichystes lors de ses premiers passages dans la salade niçoise du samedi soir de Ruquier, lequel n'avait pas réalisé ce que tout le monde savait déjà au sujet de l'éditorialiste de RTL et du Figaro. Mais voilà, auréolée de cette prise assez habile, Léa Salamé s'est brûlée les ailes et a multiplié les sorties de route ... pas étonnant dès lors que le permis de conduire ne lui fasse défaut. Le ton s'est fait plus prétentieux, condescendant, faussement concerné, vaguement partisan et les angles sont devenus discutables. 

Et lorsque le diva des questions qui sont réputées dérangeantes est prise au piège de la polémique qu'elle n'allume pas mais qu'elle affronte, le ton devient davantage cassant et hautain pour ne pas dire fier ... Les déjeuners avec François Hollande ? C'est une polémique sexiste et misogyne [le grand truc des femmes quand elles ne savent plus quoi répondre, comme les homos à court d'argument qui hurlent à l'homophobie] ... sauf que Salamé oublie qu'Elkabbach ou d'autres n'ont jamais été épargnés sur ce genre de collusions. Le ton irrespectueux employé à l'endroit du Président de la République ? On n'a rien compris, c'est ça l'interview moderne. Et c'est tout à l'avenant ... Léa Salamé est comme ces joueurs de bonneteau, elle a toujours réponse à tout quitte à ce que cela ne veuille rien dire ou ne serve à rien, l'essentiel est d'essayer d'avoir le dernier mot avec arrogance. Comme disait l'autre, il en restera toujours quelque chose.

Aujourd'hui, la sommité intervieweuse se pique de présenter un magazine culturel différent produit par Yann Barthès et Laurent Bon [phénix de culture bobo qui feraient passer Télérama et Libération pour des Direct Matin de la culture pop] sur France 2. Résultat ? Pas brillant mais pas si mal tout de même, les angles étant un peu dépoussiérés à la faveur d'une production exilée de CANAL+ opportunément accueillie par Delphine Ernotte. Quand à "L'émission politique", la resucée de "Des paroles et des actes" ripolinée avec du Salamé dedans pour rendre sexy et glam, le moins que l'on puisse dire c'est qu'on peut se féliciter de ce que Pujadas n'ait pas quitté le navire comme Michel Field l'espérait. Les interviews sont plates et le quart d'heure où Léa Salamé officie seule est un mélange de recherche de punchlines avec une absence d'écoute, l'invité étant d'entrée braqué. Bref, Salamé est prise à son propre piège : on l'attend et on connaît ses limites.

L'avantage, c'est que dans trois ans, il n'en restera plus rien et Léa Salamé ira cachetonner sur BFM TV en vendant son nom pour une tranche horaire évidemment incontournable. A l'instar d'un Olivier Mazerolle déclinant ou d'un Aphatie acrimonieux, Léa Salamé vivra mal de n'être plus la pin-up de l'info qui fait vibrer les patrons de chaînes et les hommes politiques qui joueraient bien avec elle comme ils jouèrent jadis avec Catherine Nay et consorts.

Non vraiment, Léa Salamé est une mauvaise plaisanterie et c'est d'autant plus certain qu'elle a bien envie de n'être pas la plus courte ...

Tto, qui n'aime pas les artificieuses