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une vie de tto
21 février 2016

Les chiffres de l'enfer du siècle

L'enfer du siècle

100 ans, jour pour jour. Un siècle que cela a commencé et considérer qu'il y a là une célébration de plus un peu comme les autres, c'est vraiment mésestimer la rupture que constitue la bataille de Verdun dans cette cassure à elle seule qu'est aussi la Première Guerre Mondiale. Alors oui, une fois n'est pas coutume, on va parler d'histoire parce que j'appartiens à une génération dont les parents eux-mêmes n'ont pas connu Verdun. Pourtant, comme moi, tu as forcément quelqu'un de ta famille qui y a été confronté directement. La déflagration est telle au plan national que, statistiquement, il est impossible que chaque français n'ait pas dans on arbre généalogique un aïeul ou un ancêtre qui n'a pas connu le champ de bataille. C'est dire l'ampleur du désastre.

Les chiffres disent beaucoup de choses ...
La bataille va durer 300 jours : elle commence donc le 21 février 1916 et s'achèvera le 19 décembre de la même année.
Deux adversaires : la France contre le deuxième Reich allemand.
D'un côté de la Meuse, les français alignent 1.140.000 hommes avec 281 pièces d'artillerie. De l'autre côté, l'armée allemande présente au combat 1.250.000 soldats avec 1.257 pièces d'artillerie.
C'est à 07:00 le matin du lundi 21 février 1916 qu'un premier obus de 380 mm explose dans la cour du palais épiscopal de Verdun. C’est ainsi que commence cette bataille inhumaine dont le nom de code allemand "Gericht" signifie Tribunal. Inhumaine oui parce que le déluge de feu est tel qu'à 150 km, on en ressentira les secousses. Inhumaine parce 2 millions d'obus seront balancés sur les lignes françaises par les allemands en seulement 2 jours. 

Dire qu'il s'agit d'un déluge n'est évidemment pas une image quand on envisage les choses. 2 millions d'obus en deux jours sur les forces françaises, cela revient à dire que 694 obus ont été lancés toutes les minutes, soit 11,5 par seconde. Sur la partie centrale de la ligne de front longue de 15 km, les allemands ont installé 800 canons, soit un canon tous les 18,75 mètres ! 

Si ces chiffres demeurent, pour toi, peu évocateurs, je ne sais plus quoi dire ni faire afin de te faire comprendre le déferlement infernal qu'il a constitué.
378.000 français ont été tués ou blessés ... 62.000 morts et 101.000 disparus soit 603 hommes par jour donc 25 soldats par heure donc 1 vie prise toutes les 2 minutes 27 secondes. 
337.000 allemands ont été tués ou blessés.
60.000.000 obus ont été tirés pendant l'assaut donc 9.259 par jour en moyenne, soit 6,43 obus toutes les minutes ... donc 1 obus toutes les 9 secondes. Peux-tu imaginer ce que représente la folie de tirer un obus toutes les 9 secondes quand on est soldat, embourbé dans des tranchées où les cadavres s'empilent et où le froid et l'humidité achèvent les plus résistants ? Sur tous ces obus, sache que 15 millions d'entre eux n'ont toujours pas explosé. Ramené à la superficie du champ de bataille, il est tombé 6 obus par mètre carré ...

La fameuse côte 304, qui culminait à 304 mètres d'altitude, a vu sa hauteur ramenée à 297 mètres d'altitude après les bombardements ...
Le jeune capitaine Charles De Gaulle est blessé à Verdun et sera déclaré mort à 26 ans.

Cette bataille a aussi créé 6 communes fantômes. Ces six communes inhabitées ont tout de même un maire et un conseil municipal. Ce maire est nommé par le préfet de la Meuse. Ces six villages ont le statut de communes "mortes pour la France" pour avoir été détruits notamment durant la bataille de Verdun. Beaumont-en-Verdunois, Bezonvaux, Cumières-le-Mort-Homme, Fleury-devant-Douaumont, Haumont-près-Samogneux et Louvemont-Côte-du-Poivre n'ont jamais été reconstruits en raison des terrains accidentés et de la présence de pollutions ou de munitions non-explosées. Ils sont devenus des sanctuaires de mémoire.

Paul Valéry écrira "Verdun, c'estg une guerre toute entière insérée dans la Grande Guerre". C'est tout dire.

Tto, subjugué à chaque fois par une telle violence

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Commentaires
J
Que reste-t-il de la Grande Guerre dans les nouveaux programmes scolaires qui seront appliqués au 1er septembre 2016 (passage cité en entier).<br /> <br /> <br /> <br /> " En mobilisant les civils aussi bien que les militaires, la Grande Guerre met à l'épreuve la cohésion des sociétés et fragilise durablement des régimes en place. Combattants et civils subissent des violences extrêmes, dont témoigne particulièrement le génocide des Arméniens en 1915. En Russie, la guerre totale installe les conditions de la révolution bolchevique, le communisme soviétique stalinien s'établit au cours des années 20 " ... Verdun y a-t-il encore sa place ? Pas sûr puisque c'est le génocide des Arméniens doit être privilégié comme exemple de la violence de masse.
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E
merci, un de mes arrières grands pères y était.
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M
L'intérêt de cette bataille est en effet qu'elle devint, côté français, un véritable symbole, même si militairement parlant, elle n'eût aucune utilité. <br /> <br /> Tous, du Gouvernement qui essayait de reprendre la main sur les militaires (et sur Joffre en premier lieu), aux soldats de première ligne, ont fait de Verdun le symbole de la résistance à l'offensive. Le fait que les 2/3 de l'armée française sont passés par Verdun a évidement joué dans cette mythologie. <br /> <br /> Et si Nivelle fut considéré par l'Etat major et le Gouvernement comme le vainqueur de Verdun, ce ne fut pas le cas pour les soldats, qui eux furent marqués par Pétain. <br /> <br /> Ce mythe de Pétain, "vainqueur de Verdun" joua énormément plus tard, en 1940...
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J
Verdun, c'est le résultat d'un Joffre tout occupé à son offensive sur la Somme et qui ne veut pas voir les indices concordants qui remontent jusqu'à lui, d'une décision politique (comme l'écrit l'historien François Cochet: "La décision de résister le dos à la Meuse relève d'un choix politique et non d'une option strictement militaire. Il aurait été plus raisonnable de repasser le cours d'eau et de se battre sur un front raccourci, in La Grande Guerre, fin d'un monde, début d'un siècle, Perrin, 2014) et d'un Falkenhayn qui, engagé dans une compétition avec le duo Hindenburg/Ludendorff, s'illusionne ou feint de s'illusionner après les succès initiaux sur l'état de résistance de l'armée française et sur la capacité de l'armée allemande à percer au point de mener, au-delà du raisonnable, une guerre d'usure pour ne pas avoir à assumer sa défaite.<br /> <br /> On oublie aussi souvent que cette bataille se prolonge non pas jusqu'en décembre, mais jusqu'au printemps 1917, qu'elle fit la fortune de deux hommes: Pétain mais aussi et encore plus Nivelle qui, à l'époque passe pour le véritable vainqueur de Verdun, raison pour laquelle il est appelé à remplacer Joffre à la tête des armées françaises, que c'est durant la bataille de Verdun et non au Chemin des Dames que commencent à apparaître les premières "mutineries" (5 régiments sont touchés par des troubles plus ou moins graves qui se traduisent par des refus de monter en ligne, comme au 140ème RI le 14 mai 1916, par exemple), et qu'elle ne fut ni la bataille qui fit le plus de morts et qu'elle ne marque que le début des "hyper-batailles".<br /> <br /> Son caractère symbolique fort est surtout dû au fait que 2/3 des régiments français y sont passés et que ce fut une bataille strictement franco-allemande, contrairement à la Somme où on oublie souvent la participation française.
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