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une vie de tto
19 janvier 2016

Parti comme c'est, ça va être l'hec(t)atombe

2016 année du Père Lachaise

Sauf à considérer que tu serais devenu sourd ou aveugle, la déferlante de décès de personnages/icônes/célébrités depuis le début de l'année ne t'aura pas échappé.
Dire qu'à chaque jour suffit sa peine n'a finalement jamais été aussi touché du bon sens et du principe de réalité que depuis le début de l'année 2016 qui se transforme radicalement en "année Père Lachaise" comme j'ai pu le lire judicieusement il y a quelques jours. Bien entendu, tout est relatif selon la proximité que l'on éprouvait avec tel ou tel disparu notoire.

Si évidemment tout cela ne procède que du hasard et de la coïncidence s'agissant de ce sentiment d'accumulation qui confine au grand destockage, il n'en demeure pas moins vrai que cela interroge et m'interroge. Parce qu'en effet, j'ai pris le parti depuis plusieurs années de ne pas suspendre toute publication au moindre avis de décès : la nécrologie que je confectionne en fin d'année est là pour saluer les départs regrettables, quelques billets sortant du lot signalant le caractère singulier de certaines disparitions. Là encore, il ne s'agit pas de donner le la ou de courir avec la meute dans un concert de superlatifs censés expliquer l'irréparable perte quasi quotidiennement constatée. Mon interrogation est exactement celle-là : l'accumulation du moment met-elle en lumière la dictature de l'émotion et l'obligation nostalgique que des décès de personnes notoirement célèbres et remarquables de ce fait provoquent ?

En fait, depuis plusieurs jours, je me pose la question parce que j'ai lu et entendu des gens expliquer que l'on en faisait trop pour David Bowie, qu'ils en avaient marre des hommages pour tel ou telle et que bon, on faisait du papier avec beaucoup de lacrymal et finalement bien peu de fond quand la situation actuelle l'exigerait davantage. J'entends que l'on puisse être plus ou moins concerné par le départ de tel acteur, tel homme politique ou encore tel écrivain ... tout ceci n'est rien d'autre que l'exercice d'une subjectivité. J'entends également que l'on trouve que les journalistes grossissent un peu le trait et y aillent avec les gros oignons pour arracher facilement des larmes ce qui évite de faire des papiers fouillés sur la crise terroriste en Afrique sub-saharienne. J'entends enfin les chantres de l'orthodoxie déontologique qui pleurent les "5 colonnes à la une" d'antan en expliquant que cette américanisation de l'information nous rend débiles et travestit le noble recueillement en une pompe à fric aveugle qui marchandise tout. Voilà, j'entends tout cela mais de là à dire que je partage totalement de tels points de vue, il va falloir se lever de bonne heure ...

Parce qu'enfin ... qu'on trouve que l'on en a trop fait pour Bowie, c'est clairement ne pas voir l'intérêt artistique de ses compositions et leur caractère novateur profond dans lequel nombre de vendeurs de disques puisent aujourd'hui une évidente inspiration. En cela, la mort de David Bowie [qui a fait l'objet d'un billet à part entière ici, que je revendique] est très comparable à ce que j'avais entendu lors du décès de Michael Jackson dans son aspect générationnel et sa dimension artistique profonde. Que Bowie parle peu à ceux qui ont moins de quarante ans démontre simplement que certains qui appartiennent à cette tranche d'age n'ont pas fait l'effort curieux d'aller au delà de ce qu'ils écoutent ... Ce n'est pas un crime en soi, juste que cela ne met pas nécessairement en position de pouvoir décider que l'on en fait trop s'agissant de quelqu'un qui est assez fondamental dans le mouvement pop de la seconde partie du XXème siècle. Après, si l'on n'aime pas en connaissance de cause, y a pas de mal non plus même si ne pas aimer Bowie n'implique pas que ce soit tellement pourri qu'il faille s'offusquer que les journaux radio du matin ait interrompu leur fil dès la nouvelle connue pour basculer en édition spéciale.

La facilité journalistique que j'ai lu dénoncée ... là aussi, je comprends sans pour autant totalement suivre le grief. Parler d'un comédien à la filmographie contrastée ne peut laisser envisager que l'on va faire une mise en perspective décoiffante permettant de poser les pierres de débats sociétaux sur la place de l'artiste dans ce monde moderne sans repère qui enfante des terroristes ... En d'autres termes, oui les nécrologies sont des exercices pouvant apparaître superficiels mais je préfère clairement me heurter à ces copier-collers faciles de Wikipédia plutôt qu'au fait que telle ou telle disparition ne soit signalée qu'en 10 secondes à la fin de débats sans fin sur la déchéance de nationalité. Je crois au devoir de mémoire, surtout s'agissant de celles et ceux qui ont marqué d'une empreinte variable leur temps dans leur art et/ou discipline. Cette facilité n'autorise pas à tout faire mais qu'un journal télévisé fasse plus de 10 minutes sur Bowie, Galabru ou Michel Tournier m'apparait justifié n'en déplaise aux censeurs.

La dictature de l'émotion que l'on dénonce aujourd'hui procède de l'accumulation des décès mais aussi des événements tragiques de 2015 qui ont remué la société dans laquelle nous évoluons. Certes, l'information bascule davantage vers le modèle FoxNews [BFMTV ne se privant pas d'y aller franchement] qui alchimise sensationnalisme et raccourcis digestes pour un public décérébré qui surconsomme l'information en continu. Pour autant, je ne partage pas les réquisitoires de Bruno Masure et consorts qui se plaisent à expliquer qu'on fait n'importe quoi aujourd'hui [sous-entendu, à son époque ... c'était tellement mieux]. L'émotion dans l'information, c'est déjà ce dont on accusait LA CINQ en 1988 ! Si la seule information qui vaille ne devait être que les papiers d'Alain Peyrefitte lus à l'antenne pas le docile Léon Zitrone, qu'on ne s'inquiète pas on va bien finir par y revenir, plus sournoisement qu'on ne l'imagine. Quand des célébrités décèdent, je trouve normal de faire part même avec émotion [parfois factice] de l'information. Et que ceux à qui cela déplaît ou incommode se rassurent, ils peuvent largement changer de radio, de télé voire ne pas lire les journaux pendant quelques jours. Sinon, cela voudra dire que la dictature de l'émotion dénoncée provoquerait la dictature de la non-émotion, un fascisme en chassant un autre en quelque sorte.

Qu'importe que l'on en fasse des caisses me suis-je dit la semaine dernière en lisant ces gens qui dégueulent parce qu'on a trop parlé de David Bowie, Pierre Boulez, André Courrèges, Michel Galabru, Michel Delpech auxquels je rajoute depuis hier Michel Tournier ... les caisses ne me dérangent pas tant qu'on fait quelque chose parce que l'on n'a pas deux fois l'occasion de saluer un départ. A la facilité journalistique de traiter ce genre d'information qui courrouce les déontologues, j'oppose la facilité de s'indigner de choses qui n'en valent vraiment pas la peine à mes yeux. Qu'il faille veiller à la dictature de l'émotion et du prêt-à-penser journalistique certes, n'oublions pas de nous garder également de la dictature de l'individualisme qui permet de dire tout et surtout n'importe quoi à toute occasion.

Tto, qui avait envie d'en parler depuis quelques jours

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Commentaires
N
Et Edmonde Charles Roux...
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D
"n'oublions pas de nous garder également de la dictature de l'individualisme qui permet de dire tout et surtout n'importe quoi à toute occasion"<br /> <br /> <br /> <br /> Cette dernière phrase, et surtout venant de toi, m'a valu mon premier éclat de rire du jour !
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I
C'est Ettore Scola le prochain
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C
Qui le prochain ? Les dernières statistiques disent que le nombre de décès en 2015 est le plus important depuis 1945, c'est bien parti pour que l'on batte le record en 2016.
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N
Et aujourd'hui... Mort de Glenn Frey, guitariste et chanteur des Eagles! Compositeur de Hotel California...
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