La circonstanceAu moment où ces lignes sont écrites, les cassandres d'il y a quelques semaines ou mois qui prédisaient une débâcle inouie pour le Président de la République en place à l'horizon 2017 sont moins vociférantes et je ne suis pas mécontent de constater qu'une fois encore, je ne suis pas dénué de lucidité politique.

Enterrer François Hollande comme cela a été fait récemment est assez exceptionnel dans l'Histoire de la République, à telle enseigne que des mouvements de droite peu modérés et témoignant d'une virulence qui n'est pas que le propre de leurs slogans outranciers ont même défilé plusieurs fois dans les rues pour appeler à la démission du chef de l'Etat. Curieuse idée de la démocratie pour ceux qui s'en targuent à poumons déployés, singulier respect des institutions de la Vème République pour ceux qui se proclament gaullistes, étonnante stratégie pour ces mouches aveuglées par les projecteurs d'une médiatisation impitoyable [parlons-en à Frigide Barjot, qui a bien fini par fermer son clapet] ...

Il n'empêche ... le Président de la République est là, toujours présent, presque inaltérable et finalement mieux que bien nonobstant ce début d'année cauchemardesque au cours duquel il a enfin donné aux français cette image de père de la nation qu'ils attendaient tant. L'amorce avait été faite au cours des célébrations de commémoration des guerres passées, où la stature de François Hollande avait trouvé un regain de vigueur, contrastant avec l'activisme de son meilleur ennemi, celui qui fut défait en mai 2012 et qui ne l'a toujours pas digéré.

Ennemi ou allié objectif malgré lui ? Telle est la question qui ramène à une dimension fondamentale : la circonstance. C'est la circonstance qui fit de François Hollande le patron du Parti Socialiste pendant plus de dix ans. C'est la circonstance qui le fit quitter ses fonctions avant le naufrage du congrès de 2008 où tricheries et rivalités féminines donnèrent un malheureux spectacle désolant de l'opposition d'alors. C'est encore la circonstance qui le propulse au devant des candidats à la candidature alors que Dominique Strauss-Kahn sombre dans des affaires de moeurs. C'est la circonstance qui fait porter sur lui le choix des français en mai 2012 en punissant Nicolas Sarkozy. J'arrête là l'anaphore qui lui est si chère ...

Mais tout de même ... en 2010, j'avais confié à plusieurs proches qu'il serait au second tour de l'élection présidentielle 24 mois plus tard tant j'ai perçu depuis longtemps le redoutable homme politique qu'est François Hollande. On raille sa bonhomie, on se moque de son côté gauche [pas assez affirmé pour nombre de militants, pourtant], on se défoule sur certains inconsistances mais on a tort : il est de ces espèces qui ont le cuir épais, l'oeil terriblement carnassier et le sens de la stratégie politique qui n'appartient qu'à certains. L'UMP se vautre dans une crise égocentrée en contestant sa légitimité, le FN peine à trouver l'angle, le Front de Gauche s'est épuisé à le mettre en cause et même les frondeurs rentrent petit à petit dans le rang, leur crise d'adolescence étant terminée il semblerait. A l'usure et avec le temps qui est la clef d'or en politique, François Hollande se maintient, renforce son image au gré des opportunités économiques qui semblent être plus favorables, à la mesure des conflits internationaux qui ont toujours permis aux Présidents de la République de s'extraire du marais partisan et en fonction des circonstances tragiques de ces dernières semaines qui ont balayé le procès en indécision, le réquisitoire en illégitimité et offert une image populaire en titane contrastant avec les couacs des premiers temps.

Depuis le début, je ne cesse d'être frappé par le côté mitterrandien de l'actuel locataire de l'Elysée, à ceci près qu'il est moins florentin et plus teinté de chiraquisme permettant de creuser les sillons d'une ruralité et d'une proximité si chères à l'électorat. Et après ?

François Hollande attend comme tout homme attaché aux circonstances. Son ticket avec Manuel Valls, bien que peu naturel au départ, se révèle être payant et cadenasse les candidatures de 2017. Et de l'autre côté, Nicolas Sarkozy est son meilleur allié tant l'activisme forcené et caricatural de l'ancien Président épuise déjà rien qu'à le voir faire au sein de la seule UMP dont il ne sait, à l'évidence, que faire. Oui, Sarkozy est la meilleure carte de François Hollande parce que s'il est candidat, l'ancien fera réélire l'actuel à coup sur. Et il ne faut pas être grand devin pour envisager que Sarkozy va s'employer à dégommer son propre rival Juppé tant il considère que François Hollande est "nul" selon le terme qui lui est attribué et qui lui fit perdre l'élection présidentielle de 2012. Et c'est précisément cela qui constitue la meilleure circonstance pour Hollande : que Juppé trébuche du fait de Sarkozy. C'est ma conviction : entre Juppé et Hollande, les français choisiraient Juppé mais entre Sarkozy ou Hollande, les français choisiront Hollande encore une fois.

Et Le Pen dans tout ça ? Elle ne sera que finaliste [si quelques peaux de banane ne l'en empêche pas d'ici là ... il faut toujours se méfier des situations acquises à deux ans d'une élection présidentielle ... parlons-en à Rocard, Balladur ou Villepin] et l'élection dans le Doubs de dimanche dernier, bien que peu glorieuse, démontre que même avec les résultats que l'on sait et la déconfiture du camp qui est le sien, François Hollande a réussi à faire élire un nouveau député socialiste alors que l'UMP n'avait pas jugé bon d'être claire et que le FN a pourtant un boulevard devant lui. Même quand les circonstances ne sont pas favorables, le Président de la République en profite parfois.

Certains hurlent à la chance insolente, d'utres à l'opportunisme ... moi, j'y vois une faculté à tirer profit des circonstances et donner à fond dans le jeu politique. En outre, il parvient petit à petit à incarner ce que les français cherchent viscéralement : une social-démocratie.
L'Histoire rendra justice à François Hollande [il est trop tôt pour s'en apercevoir] mais je fais partie de ceux qui pensent qu'il est loin d'être carbonisé pour l'élection de 2017, très loin de l'être ...

Tto, assez ravi de voir les choses tourner de la sorte