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une vie de tto
19 février 2013

L'âge ingrat

Plusieurs signes se sont présentés à moi au cours de la soirée d'hier ... plusieurs signes que je qualifierai de concordants.

Le-Monde-de-Charlie

Nous avons regardé un bien joli film hier soir ... "Le monde de Charlie", histoire d'un adolescent mal dans sa peau parce qu'il ne digère pas un drame familial et qui peine à s'ouvrir aux uns et aux autres, à cet âge du début du lycée où tout est sujet à railleries et bras de fer d'une intensité insurpassable. Ah ... qu'elle est dure cette période que l'on regrette ensuite, que sont difficiles les attaques personnelles, que sont pénibles les rapports humains, que sont redoutables les complexes qui bourgeonnent comme autant de boutons sur la figure d'un adolescent ... Tout le monde y est passé, tout le monde s'est vautré, tout le monde a fait des conneries, et pourtant, presque tout le monde en est sorti non sans cicatrices. Oui, j'ai trouvé ce film touchant ... touchant parce que je me suis retrouvé dans ce Charlie marginalisé, à l'écart, cherchant désespérément une place ... Je me suis aussi retrouvé aussi dans cette guerre de tranchée à digérer le fantôme d'un drame familial ... Bref, voila ce que l'on appelle faire écho ...

Parce que bon ... en voyant Charlie perdu au milieu de soirées où le concours de celui qui a la plus grosse est de rigueur, je me suis revu dans des boums ou des soirées où l'on a l'ambition de te flanquer quelqu'un dans les mains. En revoyant les regards pervers des filles qu'il croise, j'ai revu moi aussi les degommages au sujet desquels j'ai été une cible facile. En la voyant tergiverser à ne pas savoir comment dire à cette fille qu'il ne voulait pas sortir avec elle, j'ai ressenti à nouveau cette sensation pénible où tu es tellement paumé entre ce qu'il faudrait faire et ce que tu ressens que tu ne peux même plus t'aider toi-même [ne parlons pas des autres]. Oui, l'adolescence est un âge ingrat ... période difficile dans laquelle je suis passé en essayant d'être le plus éloigné de ce qui pouvait me meurtrir, me blesser. Je me souviens m'être dit un soir, alors que j'écoutais comme les boutonneux de mon âge, "Love in Fun" à la radio qu'il fallait que j'arrête ça tout de suite tellement j'en ressortais démoli à l'idée d'envisager que je n'étais pas comme les autres. J'évitais toujours les soirées, toujours les plans foireux de fin d'après-midi où il y en a un, forcément, qui prend pour jouer le défouloir des autres. Le pire dans tout ça, c'est le garçon ... ceux qui m'ont connu à cette époque était stupéfait de constater que je n'avais AUCUN ami masculin. Et pour cause, je les fuyais comme la peste parce qu'un mec de 15 ans, c'est pire que du lait sur le feu : c'est prêt à tout, ça n'a plus aucune morale. Alors qu'une fille, c'est plus simple parce que tu peux jouer sur l'ambiguïté de la séduction, tu peux t'en servir comme d'un bouclier vis à vis des autres mecs, tu peux jouer le confident ultime ... bref, une fille à l'adolescence, c'est utile. Ainsi, j'ai éliminé tous les garçons, j'ai constitué mon harem [une fille, c'est si facile à séduire], suscitant ainsi la jalousie des affreux hétéros aux hormones explosives qui ne comprenaient pas comment moi j'y arrivais et pas eux. Le pire à l'adolescence, c'est le cours d'éducation physique parce que là, tu ne peux plus ruser : tu es remis dans ton genre et là ... c'est la vengeance de ceux que tu fuis. Oui, j'ai été longtemps celui qu'on choisit en dernier pour faire une équipe de volley, de hand ou que sais-je encore ... Oui et pourtant mes parents n'ont jamais compris pourquoi je m'étaios fait moi-même mes dispenses de sport pour échapper à cet enfer ... Je leur avais expliqué qu'être la tête de turc, ça allait bien comme ça mais je pense qu'ils ne m'ont pas cru.

Aussi, juste avant le film, appuyé sur l'épaule de Zolimari, nous avons croisé un reportage dans le 20H ... un reportage qui a permis de diffuser le témoignage des parents de Mattéo, adolescent qui s'est suicidé dernièrement parce qu'il ne supportait plus les brimades et le fait qu'on l'insulte à raison de la couleur rousse de ses cheveux. J'ai eu ça aussi ... "Mon pauvre chéri, c'est terrible ..." me dit alors Zolimari qui, finalement, n'a jamais compris pourquoi la couleur de mes cheveux est, en soi, un énorme problème qui ne trouvera jamais de solution nonobstant le fait que les mémés se seraient damnées pour s'approcher de ces cheveux, le fait qu'on m'ait toujours dit que j'étais joli et mignon ... Mattéo n'a pas supporté ce que moi j'ai choisi de ne pas entendre. Moi aussi on me disait "qu'est ce qu'elle veut la demoiselle ?" quand j'arrivais chez le boulanger, moi aussi on m'a expliqué que j'étais démoniaque parce que j'étais rouquin, moi aussi on m'a fait le coup des blagues navrantes sur les rouquins qui puent des dessous de bras ou que sais-je encore. Ma Môman [rousse également] a compris pour y être passé avant à quel point c'est dur, a fortiori pour un garçon. Elle sait pourquoi j'ai les cheveux aussi courts aujourd'hui, elle n'ignore pas à quel point j'ai prié pour que la couleur de mes cheveux fonce un peu ... J'étais avec un parapluie capillaire orange avant, elle s'en souviens même sans regarder les photos de moi petit, quand j'étais "si mignon" ...
Mattéo est décédé aujourd'hui à cause de ses cheveux. Moi, je fais tout pour que ce ne soit pas un sujet mais à la première occasion, tout ressurgit comme si la plaie jamais ne cicatrisera. C'est pourquoi, j'abhorre les blagues qui traînent sur twitter au sujet des roux, surtout lorsque ces blagues viennent de gays qui se plaignent d'être stigmatisés, de ne pouvoir prétendre à l'égalité ... alors qu'ils reproduisent les mêmes schémas dès lors qu'ils considèrent appartenir à cette majorité du nombre. Oui, je trouve cela dégueulasse, méprisable et effrayant. Il y a 800 ans, on brûlait les gens comme moi, aujourd'hui on fait du bashing numérique après les avoir maltraité dans les cours de récréation ...

Hier soir, je me suis beaucoup retrouvé dans Charlie et Mattéo. Heureusement, la comparaison a des limites et, même si je persiste à croire qu'elle n'est pas raison, la comparaison est inévitable, vertigineuse et terrifiante. Je suis tellement heureux d'être sorti de tout cela. Moi, pour rien au monde je ne veux revivre cet âge ingrat, cet âge où pourtant, tu découvres ton corps, tes désirs, tu envisages le monde, tu expérimentes plein de belles choses, cet âge où plus encore qu'à n'importe quel autre tu apprends que les larmes ont toujours la vertu de sécher. Non, je n'ai pas aimé cette adolescence, elle me l'a bien rendu mais je suis heureux de pouvoir dire aujourd'hui que je l'ai vaincue avec tous ses pièges. L'âge est ingrat, les gens aussi et elle fut, pour moi, certainement la pire des décénies ... entamée dans ce qui a failli être un drame et terminée dans les pleurs. Entre ces deux jalons, je me suis endurci et autant j'avais subi à dix ans, autant à dix-neuf j'ai été un maître du jeu impitoyable comme s'il m'avait fallu exorciser tout cela.

Tto, back to the future

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Commentaires
N
Je suis souvent ému lorsque je lis tes posts à connotation personnelle. Ils laissent souvent apparaitre des blessures plus ou moins profondes...
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J
sont rudes ces mômes...que de drames!<br /> <br /> un beau texte plein de sensibilité
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J
Tu es comme tu es et rassure-toi, c'est ce qui fait ton charme ;)<br /> <br /> >McM : Moi c'est pareil. Dispensé de presque tous les sports. Moi qui aimais la natation, j'ai haï les cours que je devais suivre car étant bénéfique pour mes articulations. Pourquoi ? Simplement à cause du regard moqueur, des remarques acerbes et de tout le reste provenant des élèves de ma classe. Ne parlant pas de la musculation... -_- Et tout comme toi, je le regrette encore bien aujourd'hui. Mais ce qui est fait est fait.
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G
J'ai jamais compris cette haine anti-roux, je trouve que ça fait des garçons plutôt mignons. <br /> <br /> <br /> <br /> Je n'aurais pas mieux écrit. Moi je n'étais pas roux mais petit gros à lunettes et nul en sport... Je n'en ai jamais parlé à mes parents, je savais qu'en arrivant au lycée ça se tasserait et j'avais raison. Pour autant, les blessures n'ont pas totalement disparu.
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C
Un brun, c'est calin. Un blond, c'est mignon. Un roux, c'est doux :)<br /> <br /> Oui je suis dans ma période poète en ce moment :)
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