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une vie de tto
12 février 2013

Habemus papam, qui renuntiat

BENOIT XVI renonciation

Jospeh Ratzinger restera un Pape historique, nonobstant le fait que beaucoup s'accordent à considérer que son pontificat soit des plus moroses voire des moins flamboyants depuis des années. Il faut dire que Jean-Paul II avait mis la barre si haut que Benoit XVI ne pouvait être que déceptif. Pourtant, depuis hier midi, force est de constater que Benoit XVI restera dans l'Histoire quoi qu'on veuille bien en penser.

Au même titre que les journalistes ne cessent de dire que la loi stipule [hérésie juridique s'il en est puisque seules des parties à un contrat peuvent stipuler, la loi dispose ou prévoit !!!], depuis hier midi je n'entends que des conneries du genre "le Pape a démissionné". Nous allons donc profiter de cet événement historique pour faire un peu de pédagogie utile et te donner les armes pour briller lors de ton prochain cocktail ou lors de la prochaine partouze au cours de laquelle tu entendras quelqu'un se répandre sur le départ du Pape [dans une tenue qu'il ne m'appartient pas de commenter mais je veux bien voir toutes les photos]. En effet, le Pape ne démissionne pas, il renonce.

En vertu du canon 331 du Code de Droit canonique [sur lequel je me suis penché depuis hier après-midi], "L'Évêque de l'Église de Rome, en qui demeure la charge que le Seigneur a donnée d'une manière singulière à Pierre, premier des Apôtres, et qui doit être transmise à ses successeurs, est le chef du Collège des Évêques, Vicaire du Christ et Pasteur de l'Église tout entière sur cette terre; c'est pourquoi il possède dans l'Église, en vertu de sa charge, le pouvoir ordinaire, suprême, plénier, immédiat et universel qu'il peut toujours exercer librement." Ah ... que j'aime étudier des matières aussi atypiques que le Droit canonique !!! Démissionner, le terme est évidemment impropre : "Se démettre", qui est l'origine du substantif "Démission", signifie renoncer volontairement à une situation, à un avantage ou à un droit. En droit du travail la démission est le fait pour un salarié de prendre l'initiative de rompre le rapport juridique de dépendance qui le lie à son employeur, ce qu'il peut faire en observant un délai dit "préavis". Or, en l'espèce, il n'y a pas d'employeur [nonobstant le fait que le Vatican est une personne morale de Droit public, comme le Droit canonique le rappelle] et surtout, il ne saurait être question de situation d'avantage ou encore de droit puisqu'en réalité, le pontife est titulaire d'une charge [ce qui juridiquement n'est pas neutre]. Un notaire ne démissionne pas de sa charge notariale par exemple vois-tu ... Donc, il s'agit bien d'une renonciation. C'est même d'autant plus certain que c'est le terme utilisé par Benoit XVI.

"Frères très chers,

Je vous ai convoqués à ce Consistoire non seulement pour les trois canonisations, mais également pour vous communiquer une décision de grande importance pour la vie de l’Eglise. Après avoir examiné ma conscience devant Dieu, à diverses reprises, je suis parvenu à la certitude que mes forces, en raison de l’avancement de mon âge, ne sont plus aptes à exercer adéquatement le ministère pétrinien.

Je suis bien conscient que ce ministère, de par son essence spirituelle, doit être accompli non seulement par les œuvres et par la parole, mais aussi, et pas moins, par la souffrance et par la prière. Cependant, dans le monde d’aujourd’hui, sujet à de rapides changements et agité par des questions de grande importance pour la vie de la foi, pour gouverner la barque de saint Pierre et annoncer l'Evangile, la vigueur du corps et de l’esprit est aussi nécessaire, vigueur qui, ces derniers mois, s’est amoindrie en moi d’une telle manière que je dois reconnaître mon incapacité à bien administrer le ministère qui m’a été confié.

C’est pourquoi, bien conscient de la gravité de cet acte, en pleine liberté, je déclare renoncer au ministère d’Evêque de Rome, Successeur de saint Pierre, qui m’a été confié par les mains des cardinaux le 19 avril 2005, de telle sorte que, à partir du 28 février 2013 à vingt heures, le Siège de Rome, le Siège de saint Pierre, sera vacant et le conclave pour l’élection du nouveau Souverain Pontife devra être convoqué par ceux à qui il appartient de le faire."

Les juristes s'amusent désormais à traquer les précédents, les conditions d'exercice de cette renonciation et tutti quanti. Le fait est que la lecture du canon 331 [précédemment reproduit] indique que le Pape agit librement : "le pape exerce son pouvoir librement, sans limites ni dans le temps, ni dans l’espace, ni dans le droit". Le seul critère qui ressort de l'étude de la constitution apostolique est donc très clair : cette renonciation doit donc être faite "librement". Aucune autorité ne peut exiger de Benoit XVI qu'il lui présente sa renonciation. Benoit XVI a profité d'un consistoire au Vatican pour user de la liberté que la constitution vaticane impose.
En matière de précédents, on en dénombre trois [mais comme dirait Régine, "vieux comme mes robes"]. Le fait est que la renonciation est assez peu pratiquée au Saint Siège. Benoit IX en 1045, Céléstin V en 1294 et le dernier Grégoire XII en 1415. Voila donc près de 600 ans que cette faculté n'a pas été utilisée ... en cela, c'est parfaitement remarquable.

Et maintenant alors ? Et bien, le jeudi 28 février à 20h, Benoit XVI cessera son pontificat, laissant ainsi la charge d'Evèque de l'Eglise de Rome vacante. La période de "sede vacante" ["siège vacant"] s'ouvre donc. Aucun pape n'est désigné et seul un cardinal intérimaire sera chargé de gérer les affaires courantes au Vatican jusqu'à ce que le conclave électif se réunisse. C'est dès mi-mars que ce conclave des 116 cardinaux, le plus haut grade dans l’Eglise après le pontife, se réunira à Rome ... laps de temps nécessaire pour qu'ils arrivent tous au Vatican puisqu'ils sont issus de tous les pays. Une fois tous réunis, le conclave peut débuter et dure entre 15 et 20 jours. Comme de coutume, l'isolement le plus total par rapport au monde extérieur est de rigueur [ce qui ouvre le champ à tous les fantasmes et toutes les tractations]. Âgés au maximum de 80 ans, les cardinaux réunis aux fins d'élire un nouveau pape commenceront leurs négociations par un débat sur l’avenir de l'Église et les prochains défis du pontife, définissant ainsi la feuille de route du 266ème vicaire de Rome après Jesus-Christ. Ces orientations donneront un bon aperçu du profil du prochain souverain. Réunis dans la Chapelle Sixtine de Saint Pierre de Rome, les cardinaux procéderont à l’élection aux deux tiers des suffrages. A chaque tour, ils font connaître à l’extérieur le résultat de leur conciliation en brûlant les bulletins de vote : tu connais le rituel ... si de la fumée noire s’échappe de la cheminée de la chapelle, c'est qu’aucun vainqueur n’a été désigné. En revanche, si la fumée est blanche, cela veut dire que l'Église catholique a un nouveau pape dont le nom est communiqué dans les minutes qui suivent. Le cardinal protodiacre apparaît alors au balcon central de la basilique Saint-Pierre et prononce la formule traditionnelle : "Habemus papam".  Ainsi sera donc désigné le 112ème souverain pontife ...

Justement, le 112ème pontife ... voila qui va relancer les spéculations sur l'apocalypse. En effet, l'évêque Malachie a prédit la fin de l'Eglise de Rome [et donc la fin des temps] au cours du règne du 112ème suivant l'année 1143. Si l'énigme de Malachie et ses péripéties t'inspirent, va voir ici ou ici, là où cela fourmille de détails. Le fait est que selon cette prédiction, ça y est : les Mayas, c'est que de la gnognotte ... la fin du monde est pour dans pas longtemps [et ça nous rassure parce que bon, on avait presque été déçu d'y avoir tant cru].

Tto, qui trouve le système juridique du Vatican tout simplement fascinant

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Commentaires
J
Le droit canon préfère parler de renoncement, mais la même problématique se pose pour la démission du général de Gaulle en 1969. Exerçait-il une charge, une mission ? Lui-même emploie une expression plus neutre: "je cesse d'exercer mes fonctions".<br /> <br /> On parle de démission parce que la Constitution utilise le mot, mais la présidence étant aussi une charge dont l'élu qui l'occupe n'est que dépositaire, la question pourrait tout aussi bien se poser.<br /> <br /> <br /> <br /> D'ailleurs, dans le cas de Benoît XVI, souverain élu du dernier Etat absolutiste d'Europe, le mot qui conviendrait le mieux, serait celui d'abdication, comme pour n'importe quel souverain. <br /> <br /> <br /> <br /> Abdiquer pour préserver la fonction qu'on exerce est certes un choix, mais souffrir en martyr à l'exercer peut parfois donner à cette fonction ou à la personne concernée un grand prestige moral aussi. Personne n'aurait crié "santo subito" après la mort de JP II s'il n'avait pas tant souffert à exercer ses fonctions à la fin de sa vie. Benoît XVI a juste affirmé sa vocation à ne pas l'être et à être donc laissé en paix après sa mort.
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T
> Waquete : J'ai peut-être encore loupé un petit truc. aurais-tu l'amabilité de me préciser quelle serait l'erreur à laquelle tu fais référence ?<br /> <br /> <br /> <br /> > Jerem : Disons que je suis assez rigoriste sur les vocables à employer et en l'occurrence, je crains que l'on ne puisse pas considérer, comme tu le dis, que le conclave lui ait donné une mission ... ce qui induirait que le conclave serait alors une autorité supérieure au Pape ... En droit canonique, les textes ne sont absolument pas rédigés de la sorte ... ce qui interdit donc de procéder à cette interprétation pour le moins hasardeuse. Le pontife est dépositaire d'une charge, après élection par un conclave dont la mission est élective. En aucune manière, le conclave n'a une autre prérogative, surtout s'agissant d'un pontificat (sauf exceptions très limitées). Dès lors, le terme de "démission" est parfaitement impropre. Cela n'empêchera pas l'EXPRESS de le mettre en une. <br /> <br /> Pour le reste, Jospeh Ratzinger a effectivement pris une décision inédite et je te rejoins sur le relativisme à apporter aux précédents dont je faisais état. Pour autant et nonobstant les circonstances auxquels ils sont liés, il n'en demeure pas moins vrai qu'il s'agissait de renonciations.<br /> <br /> Enfin, au sujet de l'inadéquation entre le discours et la réalité, on peut considérer que Benoit XVI ne fait pas ce qu'il a dit. Pourtant, je pense que ce n'est pas pour s'épargner des souffrances qu'il agit de la sorte mais pour préserver, en chef d'Etat, la fonction qui était la sienne. Tactiquement, cette annonce relève d'une superbe stratégie et le bruit qui l'accompagne ne peut que confirmer cela. En revanche, je ne suis pas certain qu'il faille voir dans la décision de Benoit XVI un élément qui fera "jurisprudence" pour ses successeurs.<br /> <br /> <br /> <br /> > Christophe : ... ta fraise ?<br /> <br /> <br /> <br /> > Tambour Major : Comme je le répondais à Jérem, le symbole est fort et il procède d'un savant calcul. Pour le rappel terminologique, il s'impose hélas mais hier, ce fut un festival entre les "abdications du Pape", les "démissions" et autres barbarismes du genre, nous n'avons pas mon cher Mr TBM, les journalistes que nous méritont ...
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T
Un nouveau Pape pour Pâques, quel magnifique symbole, isn't it ?<br /> <br /> <br /> <br /> Et merci pour le rappel "in limine" quant à l'emploi du verbe "stipuler". J'ai hélas régulièremet les oreilles qui saignent ou la rétine brûlée au 3e degré.
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J
@ Christophe: ouais, c'est mon côté Grand Pontife, t'a vu ? ;)
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C
Amen :)
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