Cette semaine, :cu(lt) t'emmène au théâtre pour aller voir ou revoir un monument des classiques que l'on doit à Jean-Baptiste Poquelin et ce n'est pas à la Comédie Française que ça se passe. Et ça méritait bien un billet à soi tout seul !

J'ai donc passé une excellente soirée à aller voir "Le bourgeois gentilhomme" donné au Théatre de la Porte Saint-Martin depuis le 12 janvier dernier jusqu'au 27 mai 2012 ... Et pourtant, j'en avais entendu des choses : trop chanté, trop long, trop décalé dans la mise en scène, trop quoi ! Comme de coutume, je préfère me rendre compte par moi-même de ce qu'il faut penser de  l’événement théâtral de 2012 ! François Morel [que l'on ne présente plus depuis sa naissance populaire dans "Les Deschiens"] incarne Monsieur Jourdain dans le Bourgeois Gentilhomme, comédie ballet de Molière ... et Lully qui rassemble pas moins de 27 artistes sur la scène du Théâtre de la Porte Saint-Martin. C'est probablement la plus géniale des douze comédie ballet écrite par Molière. Tu connais l’histoire : Monsieur Jourdain, riche bourgeois, se rend ridicule en voulant imiter voire singer les manières de la noblesse qui, en retour, se joue de le ridiculiser et même de le ruiner. Il décide de commander un nouvel habit plus conforme à sa nouvelle condition et se lance dans l'apprentissage des armes, de la danse, de la musique et de la philosophie, autant de choses qui lui paraissent indispensables à sa condition de gentilhomme.

L'affiche est donc bien belle ce d'autant que la mise en scène est réalisée par Catherine Hiegel, ancienne pensionnaire de la Comédie Française que j'avais vu au Théâtre de Paris l'année dernière dans "La mère" où elle était très déstabilisante et touchante. Mais là, après son clash avec la Grande Maison, elle donne une interprétation classique et presque originelle de la pièce en revenant aux fondamentaux et en réintroduisant, d'après ce que j'ai lu, plusieurs passages traditionnellement écartés. Pour avoir déjà vu "Le bourgeois gentilhomme", c'est finalement curieux parce que, si l'on connaît certains passages, on en découvre ainsi d'autres.

"Le choix de François Morel dans le rôle titre, s'est imposé à moi comme une évidence. Sa force comique, toujours authentique et vraie, ses capacités de naïveté et d'étonnement, se glisseront à merveille dans l'étoffe de Monsieur Jourdain ! J'ai composé, autour de lui, une grande famille d'acteurs, de musiciens, danseurs et chanteurs ; ils seront plus de vingt complices à entraîner au bout de ses rêves et de sa folie, ce balourd enfantin qui se voulait un autre." a déclaré Catherine Hiegel au sujet de François Morel qui est central et tient la pièce comme le rôle l'exige. Et il n'est pas décevant, loin s'en faut ... il est au sommet de sa forme, courant dans tous les sens, jouant de tous les artifices d'un texte ingénieux et riche, provoquant l'hilarité à chaque mimique. En outre, il est servi par une très bonne distribution et de bons danseurs. On notera les performances d'Héloïse Wagner qui joue une Dorimène désopilante, Marie-Armelle Deguy en Madame Jourdain qui tient le choc de la présence de François Morel et donne carrément le change, David Migeot très drôle en Maître de danse et en Covielle et Alain Pralon [sociétaire de la Comédie Française] que l'on ne présente plus.

Quelques images aussi ...

Alors bon ... forcément ... tu te doutes bien que je ne saurais trop t'encourager à aller voir vite ce "Bourgeois Gentilhomme" qui est d'une drôlerie bien réchauffante au creux d'un hiver mordant. On ne voit clairement pas le temps passer et si la musique peut parfois laisser dubitatif par sa présence importante, au final ce n'est pas dérangeant puisque cela est équilibré. Les costumes sont magnifiques ... une toute minuscule réserve sur les décors qui, finalement, ne consistent qu'en un rideau périphérique à entrées et un carrousel néanmoins très ingénieux mais, en définitive, c'est bien assez suffisant pour ne pas faire d'ombre aux talents présents sur scène qui se débattent dans la joie et l'hystérie d'un homme qui cherche à paraître un autre, à s'élever de sa condition, quitte à renier sa naissance et son milieu et ce bourgeois qui se rêve gentilhomme est loin d'être un genre en voie de disparition. Génial inventeur d'une comédie d'un nouveau genre, Molière avec « Le bourgeois gentilhomme », signe la plus accomplie des douze comédies-ballets qu'il écrira.  Le thème commandé par le Roi qui souhaitait se moquer du peu de cas qu'un émissaire de « La Grande Porte » avait témoigné devant le faste de la Cour, est une turquerie. Et c'est merveilleux de voir comment Molière, malgré le poids de cette contrainte, fait jaillir autour de Monsieur Jourdain, la plus acérée, la plus franche et la plus libre de ses comédies. 

Allez hop, dépêche-toi et prend vite tes places ici ... C'est du mardi au vendredi 20h, les samedis à 20h30 et les dimanches 15h00. Le Théâtre de la Porte Saint-Martin est 18 boulevard Saint-Martin dans le Xè, Métro Strasbourg Saint-Denis ou République.

:cu(lt) revient samedi prochain