Un spectacle est finalement réussi lorsque tu en ressors aéré, évadé … quand l’impression finale est celle d’un périple t’ayant convoyé dans des contrées trop souvent sauvages.

Samedi, j’ai eu la chance d’aller admirer « Marco Polo », le nouveau spectacle de la Pietragalla Compagnie. Oui, lecteur qui ne me connait pas danseur [et pour cause, puisque je ne le suis pas], c’est de danse dont il va s’agir aujourd’hui et je ne peux que t’encourager à te précipiter dans une fnac et prendre rapido un billet. Pourquoi ? Ben, parce que c’est onirique et magnifique …

Marie-Claude Pietragalla est de ces femmes qui mettent au service de leur art une sacrée dose de caractère … mais dans le bon sens, celui d’une excellence. Plus de deux heures et demi de spectacles [avec entracte] t’en convaincront si besoin en était. Mais n’aies pas peur … si elle vient de l’Opéra de Paris, elle a su s’en affranchir pour laisser les fenêtres ouvertes afin d’y laisser rentrer des danses urbaines, modernes, saccadées, technoïdes, robotisantes … Bref, le corset classique de sa discipline implose pour que, sur la scène du Palais des Congrès, l’hétérogénéité et la richesse d’un cosmopolitisme trouve toute sa place.

L’idée, c’est le voyage. Avec Marco Polo, tu t’en doutais un peu. Toutefois, je ne suis pas certain que tu envisages le type de voyage auquel tu es convié. C’est un voyage onirique [oui, je le répète] et envoutant … par le biais des 4 éléments que sont l’eau, la terre, le feu et l’air. Je ne vais pas tout te raconter mais laisse-moi juste te dire que j’ai été impressionné.

Impressionné et conquis corps et âme …
Conquis par la beauté des corps
Conquis par l’alliage video/danse/musique qui te transporte immanquablement
Conquis par le ballet des croix sur lesquelles se suspendent huit danseurs … ce qui créé un sublime effet chorégraphique très émouvant
Conquis par les corps à corps tout à la fois sensuels et voluptueux, des joutes belliqueuses et viriles
Conquis par le tableau d’une armée asiatique très martiale, d’une fabrique aux sons métalliques et qui est le théâtre de combats urbains hip-hopisant, d’un ballet de cyborgs technoïdes vaguement dégénérés qui t’amènent vers le tableau final …

Ah le tableau final … Je ne veux rien t’en dévoiler sinon qu’il est apothéotique et très très émouvant. Marie-Claude Pietragalla [qui campe celle qui accompagne Marco Polo dans ses voyages] et Julien Derouault [Marco Polo, et accessoirement compagnon de Marie-Claude à la ville] se donnent totalement et la mise en image/scène est merveilleuse de beauté et de sensibilité.

Quelques mots encore pour te parler des voix et de la musique car Adèle Carlier, Shin Shin Wang et Salar Aghili [lequel a une voix vraiment magnifique] sont sur scène en même temps que la compagnie et donnent un relief particulièrement appréciable. La musique d’Armand Amar est assez fantastique [des violons, des percussions, des influences bigarrées] et permet d'y adjoindre Christophe, The Prodigy et les Chemical Brothers … la lumière est splendide.

Allez, tu n’as perdu que trop de temps à lire ce que j’ai essayé de t’expliquer : il vaut mieux que tu ailles voir avec tes yeux et ton cœur tout cela. C’est une réussite resplendissante : tu aurais tort de t’en priver : l’évasion procurée est si vibrante qu’elle confine à un luxe beaucoup trop rare en ce moment … J'ai besoin de te dire que j'ai aimé ?

[Merci Xavier ...]