Le problème avec les garçons comme moi, c'est que ça ne bosse vraiment bien que dans l'urgence et cette année là, je reculais au maximum l'échéance ... Pourtant ... depuis près de 6 mois je savais qu'il fallait le rendre ce mémoire d'histoire du droit ... Déjà, j'avais trouvé prétexte que je ne savais pas comment on fait un mémoire pour ne pas m'y mettre [oui, tu peux me lapider, lecteur, c'est honteusement navrant mais bon ... c'est comme ça]. Résultat, pendant que les faillotes du premier rang ne cessaient d'afficher leurs recherches brillantissimes au fin fond des bibliothèques les plus improbables [si elles avaient pu me sortir un parchemin de la Bibliothèque d'Alexandrie, elles n'auraient pas hésité], moi je me la coulais douce en me disant que ... il serait toujours temps de s'y mettre et puis bon ... on n'a qu'une vie ... et qu'il est si doux de ne rien branler [enfin ... c'est une image, justement], de regarder les choses se faire jusqu'au moment où ... la date fatidique se rapproche tellement que l'on ne compte plus en mois ni semaines, mais en jours !!!!

Et là, c'est le drame. Ton tto, tout étudiant relax et touriste qu'il fut, a commencé à se demander comment il allait faire pour s'en sortir ... le piège était vraiment trop infernal. Et pourtant, j'ai survécu et accompli ma mission avec brio [même si j'étais tout seul ... Tto : - 6 points à l'Eurovision de l'humour naze].

Alors qu'il me restait 8 jours pour rendre ce mémoire qui devait compter au moins 50 pages sur un sujet forcément passionnant qui allait conditionner mon semestre à 75% [puisqu'il me permettait d'échapper aux devoirs à rendre périodiquement puisque j'étais censé me concentrer sur mes recherches pendant que les autres jouaient aux étudiants studieux et appliqués], j'ai décidé [enfin] de prendre le taureau par les cornes et d'y aller franco. J'avais chopé mon sujet un soir ... 2 jours avant en me disant que ce serait bien. L'idée : parler de la castratrice Catherine de Médicis en teintant tout ça d'un juridisme appuyé pour faire passer l'ensemble pour un vrai mémoire de droit. Un peu comme forcer sur les épices pour masquer le goût d'un plat pas forcément très réussi ...

Je trouve une biographie assez complète de ladite Catherine, je me l'envoie en 2 jours en prenant moultes notes, 453 post-its, 3.455 petits papiers et un plan que je façonne au fur et à mesure. C'est bien simple : je suis méconnaissable, je ne fais que ça ! Matin, midi, soir, nuit ... tout est bouclé en 4 jours ... je laisse un peu reposer pendant 24 heures, je vagabonde pour trouver deux trois autres trucs pour varier un peu, histoire de faire comme si je ne m'étais pas concentré que sur un seul ouvrage de référence ... très mauvais sinon !

Il me reste 3 jours quand je me réveille ce vendredi matin et je me dis que le week-end sera studieux ou ne sera pas. Tout le monde a pratiquement rendu son mémoire, je suis le dernier crétin à ne pas l'avoir commencé ... Dans le métro, je rédige mon intro ... elle ne me plaît pas ... Je me suis organisé pour disposer d'un pc à domicile tout le week-end, je rentre en conclave dès le soir à 18h ... un stock de BN, de l'eau, mes bouquins et mes notes avec moi ... J'ai bossé sans m'arrêter tout le week-end [juste une pause de 3 heures au cours des deux premières nuits] ... J'ai tout rédigé en live, sans filet ... Je dois te lire, lecteur admirateur, que je me suis trouvé dans un état paradoxal. J'étais en symbiose avec mon sujet, je visualisais tout ce que je racontais et m'identifiais à un Frédéric Mitterrand racontant un grand destin avec la même emphase et la même grandiloquence. Chaque ligne en amenait une autre. Chaque phrase ne se terminait que pour en commencer une nouvelle. Les mots venaient tout seul. Mon plan se déroulait comme prévu, je fatiguais tout ce que je pouvais mais l'énergie nécessaire à la mise en branle de ce mémoire ne tarissait pas. De temps en temps, ma mère, inquiète, venait me supplier de décélérer ... que nenni !!! J'ai vu le soleil se lever 3 fois en trois jours. J'étais là sans l'être tout à fait, transporté que j'étais. Un boeing aurait pu s'écraser sur la Tour Eiffel que je ne l'aurais pas su. Pas de musique, pas de distraction : tout en concentration. Les voiles noirs de la reine Catherine devaient tout abriter, les drames de sa vie et ma fénéantise ...

Le matin du lundi, je devais rendre le pc à 8h30 ... j'ai fini mon mémoire à 7h58, j'ai apposé les points de suspension qui terminaient mon travail alors que j'étais anéanti de fatigue, marqué comme si je revenais d'une expédition au Pôle Sud sans avoir dormi pendant 4 mois, mais heureux ! Totalement épuisé, j'ai restitué le matos, imprimé les 53 pages de mon mémoire [que je n'ai évidemment pas eu le temps de relire] en trois exemplaires, relié le tout [faut toujours soigner la forme ... une règle ça !!] et je suis parti à la fac pour rendre le fruit de mon labeur acharné ... Un passage sous la douche et hop, vroum dans la totomobile pour remettre tout ça à mon prof qui n'attendrait que jusqu'à 11h m'avait-il dit ... Je suis arrivé à 10h50, le temps de le trouver il était 11h .. je lui ai remis les 3 exemplaires de mon boulot. Avec son sourire aimable, il me dit : "J'étais sur que vous me feriez un bon boulot. J'ai hâte de le lire ... je crois que vous avez pris le temps de me faire un travail de qualité".

A la fin du semestre, il m'a rendu mon travail avec la note ... nous en avons discuté. Je suis fier de ce que j'ai fait, je suis honoré de ce qu'il m'a dit ce jour là ...il m'a félicité pour ce travail d'une rare qualité m'a-t-il dit ... en regrettant seulement mon titre par trop journalistique. En aparté, il m'a demandé si je n'étais pas tombé amoureux de Catherine de Médicis [hi hi hi ... c'est pas faux], m'a confié qu'il adorait mon style et que je ferais bien de songer à en faire quelque chose ...

Tto, 19/20