Dans la vie, faut pas s'en faire. Moi, je ne m'en fais pas. Les petites misères ne seront que passagères ... Euh, j'ai du me tromper de billet là parce que si je comprends bien, je devrais vous raconter un épisode de ma vie trépidante et rocambolesque. Or, j'étais entrain [donc pas à cheval à moins qu'ils ne fussent vapeurs ... les cheveaux !] de chantonner ... N'importe quoi !

Nous sommes en plein été, à la fin du mois de juillet, époque bénie où le français, aoutien par nature, se prépare à sa transumance périodique. C'est précisément à ette époque que les dossiers pénibles, pourris et autres sont exhumés et me sont le plus souvent confiés avec le sourire piteux et lâche du vacancier qui ose [les cons, ça ose tout !] balancer "Fais au mieux, je te fais confiance !". Cette année là ne dérogea pas à la règle. J'ai hérité d'un BGDDM [traduisez, Bon Gros Dossier De Merde] en or massif, le vrai nanar qui gonfle. Le dossier en question avait été mis en sommeil par courage de celui qui en était investi, courage consistant à ne prendre à son égard aucune décision qui aurait pu compromettre son brillant et inextingible plan de carrière. Bref, je me retrouve avec un fournisseur illustrissime américain qui attend de nous faire la peau parce qu'on n'a pas respecté notre contrat et la seule façon pour moi de rectifier les choses est de renégocier le contrat, renégociation qui mettra en évidence le fait que je suis en faute [vous suivez ? Non ? Mais si, relisez, vous allez voir, c'est pas si compliqué que ça].

Evidemment, les pourparlers s'engagent et en essayant de jouer finement, j'arrive tant bien que mal à faire renoncer le vautour d'en face de me faire la peau et de m'exposer à aller me faire trucider dans le bureau de mon Président parce que j'aurais besoin de quelques millions d'euros pour dédommager l'usurier-fournisseur. Nous convenons, dans un temps record, d'étudier les termes de notre nouvel accord tellement formidable qu'il va être merveilleux et satisfactoire [et hop, un nouveau mot dans votre escarcelle] ... Je convoque un gars que j'aime bien dans notre équipe commerciale pour une négociation par téléphone, ben oui, le monsieur il voulait pas se déplacer à Paris ... rendez-vous est pris poiur le vendredi à 14h30 ...

Il fait un soleil de tous les diables qui ferait passer celui d'Alicante pour un vulgaire spot 25 watts posé dans le ciel. C'est fin juillet et l'envie de bosser n'est pas là. Samuel arrive dans mon bureau, il a autant que moi envie de bosser. Comme d'habitude avec les amerlocs, la discussion va porter sur les engagements, les pépettes, les façons de se séparer et toutes les autres joyeusetés du genre. On appelle le mec qui devait négocier avec nous et là, le délire commence ...

Il nous parle depuis son bureau que de toute évidence des gugusses sont entrain de démonter. On entend une perceuse toutes les 15 secondes, mais la vraie perceuse à percution, une scie, des coups de marteau ... Je commence à m'imaginer le mec entouré de gars qui prennent les cartons les uns après les autres et qui va bientôt n'avoir plus que ses génoux et un crayon pour grifonner quelque chose sur ses papiers. Situation étrange mais risible.

Charitablement, je demande au mec s'il veut qu'on le rappelle plus tard ou un autre jour parce que, si ça se trouve, toutes les conditions ne sont pas réunies pour travailler en plein quiétude. Il refuse, il part en congés le soir même et il faut boucler, mais il ne faut pas nous inquiéter. Nous, on ne s'inquiète pas ... c'est juste qu'avec la perçeuse, on n'entend plus rien. J'arrive juste à isoler [comme je le fais à chaque fois histoire de m'en servir contre mon contradicteur au cas où j'aurai besoin d'une fléchette vile et minable mais efficace] son tic de langage ... Au lieu de dire "C'est à dire" en faisant la liaison [prononcez cétadire], il dit cé ha dire. Et des "cé ha dire", on va s'en prendre une bonne vingtaine par minute. Donc, naturellement, pour le chauffer un peu, j'utilise plus souvent que d'ordinaire la bonne prononciation histoire de commencer à lui faire comprendre ... Mais voila, Samuel craque nerveusement ... Il part dans un fou rire de la mort à chaque "Cé ha dire", fou rire qui redouble à chaque interruption de perçeuse ... Logiquement, moi aussi, je me liquéfie totalement, je lache les élastiques, bref, y a plus du tout de pilote dans l'avion ... On explose de rire une fois le haut parleur coupé et le mec à l'autre bout du fil continue avec ses "cé ha dire" et sa perçeuse ...

Tout cela dure plus d'une heure ... jsuqu'à ce que je reprenne un peu les choses en main et que j'explique à notre interloucteur qu'on ne va pas y arriver et qu'il aurait vraiment du faire le choix de venir nous voir. Il s'accroche, veut en terminer et je lui explique que je suis désolé mais que cela ne va pas être possible ... nous n'avons plus le temps et ses vacances n'attendent pas. Désabusé, mon confrère m'explique la mort dans l'âme qu'il va se faire taper dessus, que c'est pas chic ... j'abrège en lui faisant remarquer que les conditions de travail chez lui sont suffisamment déplorables pour faire une conférence téléphonique qu'à l'impossible nul n'est tenu ... Je l'expédie rapido, je raccroche et nous repartons dans un fou rire d'anthologie qui va durer une bonne dizaine de minutes encore ...

Fin août, le contrat sera bouclé ... mon contradicteur ayant choisi de venir nous rencontrer [ben ouais, c'est moi le client bordel] ... et je vais en plus le négocier comme un Dieu ce contrat ... j'en ai fait gagner des sous à boite sur ce coup ... Merci la perçeuse ...

Voila, c'est comme ça que ça s'est passé

Tto, désopilé